Le 74e Festival de Cannes, le plus grand festival de cinéma au monde, fermera ses portes demain samedi 17 juillet après 10 jours de projection de films sélectionnés. On peut dire que le monde du 7ème art cannois respire de nouveau, après une édition 2020 annulée et l’édition 2021 déplacée de mai à juillet.
Nous braquons nos projecteurs, comme à chaque édition, sur les ambassadeurs du cinéma africain. Et cette année, à travers six films, on constate que le continent est plutôt mieux loti que d’habitude. Parmi ces films, certains observateurs pronostiquent que deux peuvent prétendre remporter la prestigieuse Palme d’or. Ils font allusion à un film tchadien et un film marocain. “Lingui, les liens sacrés”, est du réalisateur Mahamat Saleh Haroun, qui avait reçu le Prix du jury à Cannes en 2010 pour “Un homme qui crie”. Son nouveau film montre la détresse d’une adolescente de quinze ans face à une grossesse non désirée et à l’interdit de l’avortement.
Filmé dans les faubourgs de la capitale tchadienne, N’Djamena, le film raconte l’histoire d’Amina, mère seule, qui découvre que sa fille de 15 ans, Maria, est enceinte. Une grossesse, fruit d’un viol, que l’adolescente ne veut pas, dans un pays où l’avortement est condamné par la religion, mais aussi par la loi. Le film dresse un portrait fort de femmes qui tentent de survivre dans un milieu hostile où patriarcat et religion empoisonnent leur vie. Conscient d’être le seul représentant de l’Afrique subsaharienne, le réalisateur n’en étale pas moins sa modestie en ne prétendant pas au rôle de porte-parole de cette région. «Je ne suis qu’un vent qui passe. Mais pour que la vie continue, il faut aussi d’autres vents, des bourrasques», affirme-t-il.
Cet artiste qui a été un temps ministre de la Culture et du Tourisme de son pays souligne : «On essaye modestement de faire avancer les choses. En filmant au Sahel, j’ai aussi conscience que c’est un lieu où je peux produire des images positives dans un endroit où la vie est un cauchemar permanent»,.
Pour sa part, Nabil Ayouch, dans sa réalisation “Haut et fort”, premier film marocain sélectionné en compétition à Cannes, dresse le portrait de jeunes d’un quartier populaire de Casablanca qui découvrent le rap et la culture hip hop. On peut avancer qu’une sélection à Cannes est déjà une sacrée performance pour avoir été retenu parmi plus de 2.000 films présentés. Finalement, dans cette foison, lorsqu’on se voit figurer parmi les auteurs des 24 films en lice pour la Palme d’or, c’est vraiment un coup de chapeau.
Cependant, après une édition 2020 annulée pour cause de pandémie, la réalité s’annonce plus nuancée, à l’image de la forte baisse des accréditations (de 40.000 habituellement à 28.000). Aussi, des inquiétudes persistent quant au maintien du festival dans son rôle de leadership mondial. Cette impression est exprimée par le délégué général du Festival qui a admis que Cannes doit « se transformer pour rester le plus grand festival au monde ».
Pour demeurer à sa place de leader mondial, le Festival semble vouloir jouer sur tous les registres à la fois, laissant deviner la volonté des responsables de ne céder aucun centimètre de son rang historique.
Les stars en exhibition sur le tapis rouge semblent avoir comme mission de redonner au Festival sa primauté comme l’événement culturel le plus médiatisé sur la planète. Et cela, malgré la multitude d’événements majeurs se déroulant aux mêmes dates, comme les Festival d’Avignon ou même le Championnat d’Europe de football.
De toute son ‘histoire, le festival de Cannes ne s’est permis de décerner la Palme d’or, distinction suprême, qu’à un seul réalisateur du continent africain. Il s’agit de l’Algérien Mohammed Lakhdar-Hamina en 1975 avec “Chronique des années de braise”. Récidivera-t-il en récompensant les talents des réalisateurs africains et la qualité croissante de leurs films ?
Source : L’ESSOR