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26 Mars 1991 : LA PRESSE, TEMOIN ET ACTRICE DES ÉVÉNEMENTS

Cheick Mouctary Diarra journaliste presse

Les journaux privés, principalement « Les Échos » et « Aurore », ont joué un rôle éminent dans l’éveil des consciences pour réclamer la démocratie, le multipartisme, la liberté d’expression. 25 ans après, les médias demeurent, malgré de nombreux errements, des sentinelles vigilantes de la démocratie dans notre pays

Les idées politiques ne peuvent, à elles seules, constituer un projet de démocratie qui suppose une association de multiples acteurs, de divers horizons dotés d’une culture de l’argumentation et du débat, donc une opinion entretenue par une communication sans entraves. Cette communication a été rendue possible grâce à une presse libre qui a joué un rôle important dans l’avènement de la démocratie dans notre pays. Syndicalistes, hommes politiques, membres des associations estudiantines, féminines, intellectuelles, journalistes, ont pu diffuser, grâce à la presse, les idéaux démocratiques qui se caractérisent par la primauté du suffrage universel, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la garantie des libertés d’expression et du respect des droits de l’homme. La presse aura été un pilier essentiel du processus démocratique. Moyen irremplaçable d’expression et d’information, elle a joué un rôle essentiel dans la formation de l’opinion publique à la démocratie. Son rôle a été d’autant plus important que les acteurs du processus démocratique sont unanimes à souligner qu’elle a été l’une des actrices principales et un témoin privilégié des événements de Mars 1991. 25 ans après, la presse reste le meilleur juge de la transformation politique de notre pays. Pour mieux appréhender le parcours de la presse malienne depuis les événements de Mars 1991, nous avons approché Cheick Mouctary Diarra, ancien directeur général de l’AMAP et actuel ambassadeur du Mali en France. Journaliste émérite, acteur et témoin privilégié de l’évolution démocratique de notre pays, le doyen donne une description minutieuse de la situation de la presse de 1991 à ce jour. A l’époque, rappelle-t-il, le régime était monopartite. « Et côté média, c’était exclusivement la presse gouvernementale. J’étais un responsable de la presse écrite étatique, cela pendant plus de 10 ans d’ailleurs. Pour l’audiovisuel, il n’existait que la RTM, les médias étaient gérés par le gouvernement. Il faut dire que le régime militaire a hérité de ce système mis en place par le régime socialiste né de l’indépendance. Le but était de porter la voie unique du gouvernement pour l’éducation et l’information des populations. Cependant, l’affirmation du Mouvement démocratique permit certaines ouvertures comme la création d’une coopérative culturelle « Jamana » qui a fondé le premier organe non gouvernemental « Les Échos », animé à l’époque par des jeunes qui étaient des cadres dans l’administration comme le président Alpha Oumar Konaré. Quand je quittais les bureaux gouvernementaux de l’AMAP, je faisais un tour au journal « Les Échos » pour aller échanger avec des camarades comme Ousmane Sy, Mme Diakité Sanaba et bien d’autres. » Cheick Mouctary Diarra explique que cet hebdomadaire était en réalité animé par des membres du Mouvement démocratique (encadré par des partis non reconnus à l’époque comme le Parti malien du travail PMT, le PMDR, la section clandestine de l’US-RDA). « En réalité, la création de ce journal a permis de porter un regard diversifié sur l’évolution politique de notre pays. « Les Échos » était extrêmement attendu par les cadres de notre pays pour s’informer à une autre source que la source gouvernementale. Il y a eu dans la foulée la création de la radio Bamakan. « Les Échos » avait l’avantage d’être animé par des animateurs très connus de la sphère intellectuelle nationale. En ce qui concerne l’analyse politique, « Les Échos » avait l’avantage de détenir plus d’informations grâce à la provenance du journal et de ceux qui animaient », témoigne le journaliste. En plus du journal « Les Échos », il y avait aussi « Aurore » qui était animé également par des journalistes venus d’écoles de journalisme de l’extérieur. Ces deux journaux ont véritablement permis au Mouvement citoyen de véhiculer ses messages et de mobiliser les citoyens autour des idéaux démocratiques. CATALYSEUR DE LATTENTE DE LA POPULATION. Selon Cheick Mouctary Diarra, cette situation nouvelle a apporté un nouveau regard sur la politique dans notre pays. « Cela a permis à beaucoup de gens de se poser des questions, de réfléchir, même s’ils n’étaient pas dans ces partis ou associations clandestins. Beaucoup d’intellectuels ont ainsi commencé à s’intéresser à la chose politique. Des responsables de syndicats ont commencé à se poser des questions et surtout à les poser ouvertement aux autorités en leur demandant d’aller dans le sens de l’histoire c’est-à-dire l’ouverture démocratique, le multipartisme, la liberté d’expression, la liberté syndicale, etc. Cependant, c’est la presse qui a été le premier à demander l’ouverture démocratique, la liberté d’expression. Et les syndicalistes ont été entrainés par la presse. En un mot comme en mille, la presse privée a été un catalyseur de l’attente de la population pour l’ouverture démocratique.» Il faut dire que le mérite de la démocratie dans notre pays est d’avoir consacré la liberté d’expression. Dans ce contexte de liberté d’expression, le doyen Cheick Mouctary Diarra pose un regard sur l’évolution de la presse. « La presse étatique ne pouvait pas participer à ce combat. Elle avait sa structure propre et demeure jusqu’à présent le relais de l’action gouvernementale. Cependant, la presse étatique est aujourd’hui obligée de s’adapter à l’évolution, sinon elle disparaîtrait puisqu’elle n’aurait plus de clientèle. C’est pourquoi elle est aujourd’hui plus informative, éducative, d’orientation de ce qui se réalise dans ce pays. Elle n’est pas forcément très critique, je pense même que ce n’est pas son rôle. Mais elle est obligée d’évoluer à côté de la presse privée qui est assez critique et parfois même bêtement trop critique. Mais personnellement, je me réjouis de l’existence de la presse privée, son évolution, son dynamisme. Car je me suis toujours battu pour cela. Sauf que je déplore certains comportements très outranciers, voire alimentaires, je le comprends. » L’ancien directeur général de l’AMAP plaide pour la promotion de l’aide publique afin que le journaliste cesse d’être un journaliste alimentaire à qui on donne 20.000 Fcfa pour insulter quelqu’un. On doit éviter que le journaliste soit obligé de faire du journalisme de ragot, de délation (contraint et forcé parfois). Il faut bien qu’ils vivent. « Quand vous allez dans la presse privée, vous vous assumez. Vous faites en sorte que votre journal papier ou électronique se vende bien. Et qu’il puisse vous faire vivre décemment. Je me dis que nous avons engendré des monstres que nous ne pouvons plus contenir. Et je me demande où cela va s’arrêter », regrette-t-il. Cheick Mouctary Diarra constate que 25 ans après l’avènement de la démocratie et ses corollaires, le multipartisme, le respect des libertés fondamentales et la liberté́ de presse, la presse a surtout évolué en quantité. La qualité n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous. « La plupart des journaux n’ont aucune ligne éditoriale. Certains ne paraissent que lorsqu’ils perçoivent une aide financière souvent empoissonnée. D’autres paraissent au gré des parrainages. Et ceux qui sont vraiment viables sont très peu nombreux en réalité. Mais ce foisonnement est dû aux dysfonctionnements même de notre société. Il y a un dysfonctionnement total qui fait que les journalistes sont devenus des gens de cour. Ils paraissent généralement lorsqu’ils ont le prix de l’impression et qu’on leur donne de l’argent pour insulter telle personne ou telle institution », constate le doyen qui salue la mise en place de la Haute autorité de la communication (HAC). Cheick Mouctary Diarra recommande à la nouvelle génération de journalistes de se cultiver, d’avoir l’obligation morale de faire respecter l’éthique et la déontologie de leur métier. « Parce qu’il y va de leur propre honneur. Avec la création de nouveaux organismes pour réguler la presse, on espère voir de nouvelles lois ou l’application stricte des textes existants. Sinon ça va être très dangereux. Des enquêtes faites récemment montrent que L’Essor demeure le quotidien le plus lu. Malgré le problème d’imprimerie, du point de vue du contenu, il s’est imposé au fil des années et s’améliore avec audace. Il appartient aujourd’hui, à la nouvelle génération de L’Essor de travailler à donner une ligne éditoriale à l’organe, la liberté étant plus grande. L’Essor dispose de tous les talents pour cela. Mon espoir est que ça change », conclut le doyen. Au-delà de certaines réalisations qui permettent de dire que notre pays s’est engagé véritablement sur le chemin de la démocratisation, il existe aujourd’hui d’autres acquis qui laissent croire qu’il veut consolider et renforcer cette démocratie. Il est possible de résumer les progrès ainsi réalisés en trois grandes tendances : la consécration d’une démocratie constitutionnelle, l’édification progressive de l’État de droit et la liberté de la presse. De nouveaux acteurs ont émergé sur les scènes politique et sociale, c’est le cas de la presse aussi. Cette presse participe à la création d’un nouvel espace public et à une reconfiguration du flux de communication entre les dirigeants et les citoyens. Par ailleurs, le discours de la presse est aussi le reflet des préoccupations des citoyens. D. DJIRE

Source : L’ Essor

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