Vingt et un ans ont séparé le 22 mars 1991 et le 22 mars 2012. Alors que le 1erpréfigurait tragiquement l’avènement de la démocratie au Mali, le second, présenté comme « un accident de parcours » par certains, n’était que la conséquence logique de la gestion désastreuse du « système démocratique », selon d’autres. Regards croisés de deux témoins de ces 22 mars qui ont vu basculer le Mali.
Cheick Oumar Sissoko Cinéaste et homme politique, Cheick Oumar Sissoko porte une double casquette lorsque survient le 22 mars 1991. « Les militaires sont en train de tuer dans les rues », c’est en ces termes que Madame Bintou Maïga, une camarade du CNID association, l’interpelle alors qu’il se trouve au Centre National de la Production Cinématographique. Avec Harouna Racine Kéïta, Mamadou Ndiaye et Seydou Diallo, ils partent à 5 filmer à Bamako-Coura, où il y a déjà une victime. Il fallait des images pour « témoigner, rendre compte ». Face au « chaos », le 1er Vice-président du CNID association veut mobiliser « tous ceux qui exigeaient la démocratie ». Assez rapidement se met en place la Coordination des Associations Démocratiques qui exige l’ouverture politique.
Ministre de la Culture (2002 – 2007), responsable du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI), avec lequel il a pris volontairement du recul, et actuel secrétaire général de la Fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI), Cheick Oumar Sissoko revendique « un devoir de réserve » mais garde ses convictions. « On ne peut pas rester en marge quand il s’agit du Mali ». Il appelle à une « union sacrée » face à la situation que traverse le pays. Convaincu qu’il y a « des choses à dire sur comment le mouvement démocratique a géré le pouvoir », il estime qu’il faut « en parler ». C’est pour cette raison qu’il participera aux échanges prévus ce 24 mars 2018 pour savoir « si nous sommes assez responsables pour voir ce qui est essentiel pour notre pays ? ». L’espoir est permis, selon lui, « avec ce peuple qu’il faut mobiliser ».
Pérignama Sylla : Secrétaire général du MP 22, il fut l’un des précurseurs du mouvement de soutien au coup de force du 22 mars 2012, qui a été « un soulagement » pour la population en général, selon lui. « Il était inacceptable que quelques centaines de rebelles puissent mettre à genoux un grand pays comme le Mali ». Avec cette situation d’exception, il fallait trouver « un consensus national », qui n’a malheureusement pu se concrétiser à cause des opposants qui ont « durci le ton avec l’appui de la CEDEAO et de l’impérialisme français ». S’il ne regrette pas son soutien au coup d’Etat, il parle de « l’inexpérience des jeunes soldats », qui se sont laissés « piéger et ont piégé le Mali ». Secrétaire Général du parti Baara, l’architecte de formation n’a plus « aucun marché depuis 2013 ». Une conséquence de son engagement ? « Le combat politique, c’est mon engagement, c’est ma vie », répond-il avec le sourire. Décidé à poursuivre le combat, il souhaite que le MP22 rassemble désormais « tous ceux qui aiment la patrie et qui sont prêts à s’engager jusqu’à la mort. Le 22 mars 2012 était la conséquence de 20 ans de mauvaise gestion, car « la révolution de 1991 a été tuée dans l’œuf ». Monsieur Sylla garde foi en l’avenir, à condition que les Maliens prennent conscience qu’ils « sont les seuls à pouvoir faire sortir leur pays de la crise ».
journal du mali