La dernière attaque djihadiste au sud du pays date d’hier dimanche 28 juin 2015. Les événements seraient d’ailleurs en cours dans cette localité en troisième région. L’on notera que du 10 (date de l’invasion de Misseni) au 28 juin (celle de Fakola hier dans le cercle de Kolondièba), les assaillants ont laissé assez d’indices et de messages dans leurs sillages. Décryptage !
30Les trois opérations sont toutes similaires : une attaque surprise suivie de scènes de panique; des symboles de l’Etat visés ; un repli tactique des éléments de forces de l’ordre (excepté à Nara)… Bref, l’on retrouve tant de points communs entre les attaques qu’il est possible de prédire une probable suite des événements. D’abord ces 7 enseignements.
- La faillite de l’Etat
A Misseni, tout comme à Nara et hier à Fakola (cercle de Kolondièba), les assaillants ont toujours pris pour cibles les symboles de l’Etat (les camps militaires, les postes de police, de Gendarmerie, les sous-préfectures, etc.), en prenant soins d’épargner les populations civiles. Le message est clair : ils cherchent ainsi la sympathie populaire locale afin d’obtenir une adhésion de masse à leurs cause et obtenir une reconnaissance officielle de l’Etat Central. C’est la norme édictée par la CMA à Kidal et face à laquelle l’Etat malien s’est pitoyablement incliné. En somme, s’il avait observé une certaine fermeté face à ces groupes armés au Nord du pays, ceux du Sud seraient aujourd’hui dissuadés?
- Un grave déficit du renseignement
On ne voit jamais le coup venir. Ce sont toujours des attaques surprises. Et pourtant, les assaillants se déplacent en groupes armés dont le passage ne saurait passer inaperçu. Tenez par exemple : un Gendarme en poste est susceptible de couvrir un rayon d’environ 100 Kilomètre en matière de renseignement. Aussi, dans les trois localités citées, les populations n’ont pas communiqué (sont-elles déjà acquises à la cause ?). Et quand elles le font comme ce fut le cas à Fakola et à Samanko où des caches d’armes ont été découvertes, la riposte tarde à venir. Conclusion : les acteurs maliens semblent ne pas évaluer le péril à sa véritable dimension.
- Iyad a fait des émules au Sud au détriment du MUJAO
Le laxisme de l’Etat central a sans doute contribué à la Multiplication des groupes armés locaux au Sud du Pays. Et Iyad Aghaly, cet ancien adepte de la DAWA peut désormais se frotter les mains. Il a gagné son pari, à savoir, semer les graines du jihadisme dans les régions jadis réfractaires à l’Islam. Il est vrai que l’on retrouve désormais au Sud de nombreux autres groupes ethniques dévolus à la cause jihadiste. Et ces disciples s’avèrent quelques fois, plus extrémistes et fanatiques que leurs maîtres spirituels.
La situation est tout simplement dangereuse. Et pour cause. Ançar-dine d’Iyad Ag Ghaly a fait allégeance à AQMI. Et le MUJAO, de par son appellation (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) estime qu’AQMI doit rester dans ses marges et sur son territoire comme l’indique son appellation, à savoir, «Al-Qaïda au Maghreb islamique». En clair, il existe un conflit territorial entre les deux mouvements: MUJAO et AQMI. Le premier reproche au second de grignoter dans son secteur. Ce qui n’est pas faux au regard de la percée des groupes d’obédience AQMI beaucoup plus vers le Sud. Alors faut-il craindre un conflit d’école au Sud-Mali ? La menace est probable. Ailleurs sous d’autres cieux, s’affrontent des groupes rivaux antagonistes de cette nature.
- Des enfants du terroir et la Mafia locale
Dans les trois attaques (Misséni, Nara et Fakola), les assaillants ont utilisé des motos, ces engins destinés à parcourir de petites distances. Et certains sont même arrivés à pied sur le théâtre des opérations. C’est la preuve évidente qu’il s’agit des enfants du terroir, d’où, par ailleurs, leur souci de protéger les leurs, à savoir les populations locales.
La stratégie semble être bien murie et pensée. Et pour cause. Avec la politique de la régionalisation à laquelle l’Etat malien a souscrit, ces djihadistes doublés de narcotrafiquants peuvent bien faire de la récupération. Facile ! En s’autoproclamant libérateurs. Au mieux, ils peuvent constituer des cercles d’influences et de propagande susceptible d’endoctriner, voire contrôler le pouvoir local. Vous avez dit «Mafia» ? C’est bien ce qu’il faudra craindre.
- A l’origine était Samanko
On le sait désormais : ce sont les armes de guerre retrouvées à SAMANKO qui servent en ce moment les groupes djihadistes. Pour rappel: au mois de mars dernier, des individus en possession d’un important arsenal de guerre ont été découverts à Samanko, dans la commune du Mandé. Mais avant que les autorités compétentes ne finissent avec leurs tergiversations, les suspects se sont éclipsés laissant derrière eux armes, munitions, explosives ainsi que des livrets et exemplaires du Coran, etc. L’arsenal découvert à leur suite pouvait être juste assimilé à la partie visible de l’iceberg. Et quelques jours plus tard, fut commis l’attentat sur «La Terrasse». Les enquêteurs établiront le lien entre les armes trouvées en possession du suspect abattu quelques jours plus tard à Magnambougou et celles utilisées sur « La Terrasse » ainsi que celles de Samanko. Aux dernières nouvelles, les mêmes types d’armes, de munitions et d’explosives ont été utilisés à Misseni. Il y a donc fort à parier qu’il s’agit du même arsenal utilisé à Nara et Fakola. Donc des mêmes individus.
- Entre banditisme et Jihadisme:
Peut-on véritablement parler de Jihad dans le cas des trois localités envahies ? Pas évident. Et pour cause. En général, le Ramadan constitue la période de trêve lors des jihads. Il est alors formellement Interdit de verser du sang surtout de son coreligionnaire pendant cette période sacrée, y compris, pendant le mois qui précède le Ramadan appelé Chahaban. Ce, à moins d’être attaqué. Ce qui n’a été le cas, ni à Misséni ni à Nara et à Fakola. Les présumés jihadistes ont opéré sans être attaqués pendant le mois de Chahaban et durant le Ramadan. Ce qui laisse planer un doute affreux sur leur véritable motivation.
- S’attendre à des attaques similaires
Le coup est désormais parti. Il faut s’attendre à d’autres attaques similaires. Ce, tant que l’Etat malien n’aurait pas mis en place un système de surveillance, d’alerte rapide et de riposte efficace et dissuasive. Ces combattants sont encouragés par l’absence de réaction digne d’intérêt. Alors pourquoi abandonner ?
B.S. Diarra
source : La Sentinelle