Tous les phénomènes sociaux ont des explications scientifiques. Notre difficulté à fournir ces explications réside généralement dans l’émotion avec laquelle nous interprétons ces phénomènes.
Du revirement de Amadou Goïta en tant que porte-parole de l’opposition à celui de ministre porte-parole du gouvernement de IBK, en passant par le volte-face de maître Bathily et Choguel Maïga contre IBK (second mandat) à l’adhésion solennelle de Boubou Cissé à l’URD, non moins parti politique membre du M5-RFP, acteur majeur de sa chute alors qu’il était chef de Gouvernement de IBK, l’espace politique malien ne cesse pas de nous révéler son instabilité légendaire.
Si la versatilité de nos leaders politiques peut paraître comme une inconstance, il n’est cependant sûr que ces valeurs soient productives dans le champ de sociologie politique malienne au regard de l’observation des systèmes de coopération et de coalition politique.
En effet, nous avons du mal à comprendre nos hommes politiques parce que nous réclamons trop d’eux. Les accusant parfois d’être incohérents parce que dans notre subconscient, nous voulons voir en eux des modèles, alors qu’ils en sont loin et en seront toujours éloignés. Nous avons cette tendance à les exclure de la composante de notre société, ignorant qu’ils sont le produit de cette même société.
Ils sont autant incohérents que vous et moi, car avant d’être des acteurs politiques, ils sont des hommes de notre société, membres de notre communauté ayant les mêmes habitudes que nous. Ils ne sont ni de mauvais citoyens, encore moins des hommes exceptionnels.
Chaque acteur politique, à un certain niveau de maturité, pense avoir la solution aux problèmes de notre société. Alors, pour arriver à ses fins, il n’hésite pas à se donner tous les moyens possibles pour atteindre son but.
Ce sentiment de l’affirmation de soi, Maslow l’avait déjà évoqué et il est inhérent non à l’homme politique seul, mais à l’espèce humaine, en tant que être de besoin, de désirs insaisissables. Ce besoin, chacun de nous en ressent mais à des degrés différents et à différents moments.
A titre d’illustration, le chômeur ressent un besoin de sécurité (travail).Une fois l’emploi obtenu, il cherche à développer son appartenance pour avoir l’estime des autres, avant de vouloir s’affirmer ou se réaliser en cherchant à avoir plus de responsabilités (acquisition nouvelles compétences) afin de gagner en pouvoir. Tout ce que l’individu pose comme acte est réfléchi, évalué suivant les codes sociaux, les niveaux d’acceptation probables avant d’être matérialisé.
Le permis et l’interdit étant connus et toute décision politique sera acceptée ou acceptable si elle est conforme au permis. Une autre explication que l’on peut trouver au comportement de l’homme politique malien réside dans la crise idéologique. Au Mali, l’idéologie politique semble se résumer en une simple formulation théorique au sein des partis politiques.
C’est pourquoi, tout est presque possible. Or, l’idéologie est la marque, l’identité et la mémoire du parti, elle guide les choix et oriente les processus décisionnels. Quand elle manque, le parti cesse d’avoir une “âme pure”.
Un autre élément d’appréciation tient au fait que le principe de démocratie repose sur la force des opinions et la “tyrannie des désirs” mais aussi sur la puissance de l’avoir. Ce qui favorise généralement au triomphe du libre démagogue comme c’est le cas chez nous. Or, la morale ne saurait admettre que l’avoir soit primordial sur l’être.
Pour finir, ce que certains appellent péjorativement versatilité (défaut) en politique, pourrait aussi être qualifiée d’agilité (qualité), c’est-à-dire cette capacité de l’acteur politique à s’adapter aux exigences de son environnement politique. Sur cette base, il n’y aura pas de place pour la morale car en politique, “ce qui est” prime sur ce qui “devrait être ” (normatif). Il en découle donc que la recherche d’une morale en politique, bien que souhaitable, relève de l’utopie, parce que notre société elle-même n’a plus de base morale.
L’œil D’Horus
Source :Le Démocrate