Marqués par leur impuissance récente à enrayer les conflits au Mali et en Centrafrique, les Etats membres de l’Union africaine (UA) ont décidé d’accélérer la mise en place, sur le continent, d’une force de réaction rapide aux crises.« Une dizaine d’États sont volontaires pour mettre à disposition des forces permettant de mener des interventions ponctuelles après décision du Conseil de paix et de sécurité de l’UA », a annoncé, vendredi 31 janvier, à Addis-Abeba, le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, lors de la clôture du sommet des chefs d’Etat de l’UA dont il assume la présidence tournante à la suite de l’Ethiopie.
Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, avait auparavant remercié l’organisation panafricaine pour sa solidarité durant « cette année de calvaire, de descente aux enfers » vécue par son pays en 2012 après la prise du pouvoir du nord par des groupes djihadistes. Le chef de l’Etat a particulièrement salué « l’action héroïque, remarquable des troupes tchadiennes » ainsi que la décision du président français François Hollande d’intervenir. « Cela n’arrive pas qu’aux autres, a dit M. Keita en référence à cette année terrible. « Nous souhaitons que l’Afrique se dote de moyens d’intervention rapides », a-t-il conclu, très applaudi.
« PARER AU PLUS PRESSÉ » EN CAS DE CRISE
Le projet de doter l’Afrique d’une architecture de défense, à travers des forces africaines en attente (FFA), n’est pas nouveau : lancé en 2002, il ne s’est pourtant jamais concrétisé. Après une décennie d’immobilisme, l’idée de mettre sur pied des moyens communs de défense est revenue sur le devant de la scène à la faveur des crises au Mali et en Centrafrique. Nécessitant l’intervention en urgence de la France, elles ont souligné l’incapacité de l’Afrique à agir vite sur un plan militaire.
En mai 2012, les pays de l’UA décident alors de créer une capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), fonctionnant sur la base du volontariat. La déclaration faite ce vendredi au sommet d’Addis-Abeba est la première annonce concrète faite depuis.
Parmi la dizaine de pays qui se sont engagés, la présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, a cité l’Ouganda, la Tanzanie, l’Ethiopie, la Mauritanie, l’Algérie, l’Angola, l’Afrique du Sud, la Guinée et le Tchad. Le dispositif doit permettre de « parer au plus pressé » en cas de crise, mais « c’est toujours dans le cadre de l’UA », a souligné le président mauritanien.
10 000 CASQUES BLEUS NÉCESSAIRES POUR LA CENTRAFRIQUE
Aucun détail n’a pour le moment été donné sur le calendrier de mise en œuvre ni sur les effectifs concernés mais cette avancée vers la mise en place d’une force rapide illustre la volonté farouche des Etats africains d’assurer leur indépendance sur le plan militaire, véritable fil rouge des débats ces derniers mois et du sommet de l’UA qui vient de s’achever.
En République centrafricaine, l’Union africaine, qui compte une force de quelque 5300 hommes sur place (la Misca), veut pouvoir faire ses preuves, alors que face à la poursuite des violences, les appels à l’envoi de casques bleus se sont multipliés. La nouvelle présidente de Centrafrique, Catherine Samba-Panza, en a fait la demande mardi 28 janvier.
Le même jour, l’ONU estimait que le déploiement de 10 000 Casques bleus est nécessaire pour sécuriser le pays. « Nous ne sommes pas contre le principe d’une opération de maintien de la paix. Nous voulons simplement que le processus de décision soit respecté », expliquait en début de semaine un diplomate de l’UA. Une équipe de l’ONU doit en effet se rendre en Centrafrique en février pour évaluer la situation sécuritaire et recommander éventuellement la transformation de la Misca en opération onusienne.
MOYENS SUPPLÉMENTAIRES
En réalité, les Etats africains ne sont pas à l’unisson sur la question. Certains responsables ne voient pas de problème à se prononcer en faveur de l’envoi de Casques bleus. D’autres, notamment le Tchad, acteur très influent de la vie politique centrafricaine, sont beaucoup plus réservés.
Mercredi 29 janvier, à la veille du sommet des chefs d’Etat, le président de la Guinée, Alpha Condé, avait déclaré en ouverture du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA qu’il préside : « Nous devons appuyer la demande de la présidente centrafricaine pour le déploiement d’une opération de maintien de la paix ». Ces déclarations avaient été relativisées le lendemain par l’entourage de M. Condé, son ministre des affaires étrangères expliquant qu’en dépit des apparences, le président s’était exprimé au nom des Guinéens et non du Conseil.
Dans l’immédiat, les Etats africains veulent obtenir des moyens supplémentaires pour renforcer la Misca. Samedi 1er février, une conférence des donateurs devait se tenir à Addis-Abeba, en Ethiopie. L’objectif affiché est de mobiliser 500 millions de dollars en faveur de la force pan-africaine.
source : lemonde.fr