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Une organisation internationale pour la justice et la transparence écrit au ministre de la justice du Mali : “5 millions de F CFA…pour pouvoir sortir de prison quand on est innocent sans aucun doute “

Suite à nos révélations sur plus de 100 personnes détenues par Barkhane en violation de la présomption d’innocence, 76 de ces personnes injustement incarcérées au Mali depuis des années, sous prétexte de la lutte contre le terrorisme, en violation flagrante et insouciante des droits humains, ont été libérés. L’Organisation Imouhagh International pour la Justice et la Transparence, sous la signature de sa consultante juridique, Fortuné Sarah, saisit la balle au rebond et interpelle le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la République du Mali à travers une lettre ouverte dont nous vous faisons part du contenu, sans aucun commentaire. Seul le titre, tiré du texte, est de la Rédaction. 

Monsieur le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme de la République du Mali

Nous, l’organisation Imouhagh International pour la Justice et la Transparence, vous adressons ce courrier alors que nous finalisons une communication devant être portée à la connaissance de la Commission Africaine des droits de l’Homme et des Peuples, telle que prévue à l’article 55 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Nous apprenons que votre Ministère a procédé à la libération de 76 personnes, gageant, nous l’espérons, d’un changement des pratiques de votre Institution.

Si la menace d’attentats terroristes est réelle et sérieuse partout sur le territoire malien, la lutte anti-terroriste se caractérise, en revanche, par le manque de transparence des mesures prises par l’Etat malien en la matière. En effet, au prétexte de lutter contre le terrorisme, la tendance dans le Nord du Mali, a été l’affranchissement de tout cadre légal et ainsi de tout contrôle et suivi procédural des arrestations.

Nous assistons Monsieur le Ministre, et vous l’avez certainement constaté, à une violation massive des droits de l’homme relevée par les différents rapports des ONG (FIDH, Amnesty International, Human Right Watch).

Ces violations ne sont pas des statistiques anonymes. Pour nous, elles ont des visages, des noms, Mohamed ag Imahadi, commerçant, le jeune Moridiss ag Halid, éleveur … la liste, tel un chapelet s’égrène sans fin.

Nous avons procédé depuis plusieurs mois au recensement des témoignages des arrestations sommaires, des détentions hors circuit judiciaire, voire des disparitions purement et simplement des personnes. C’est sur la base de ces témoignages récoltés que nous avons décidé de nous inscrire dans une procédure de communication à la Commission Africaine des droits de l’Homme et des Peuples.

La liberté personnelle est la pierre angulaire de toute société fondée sur l’État de droit. Ce droit à la liberté requiert notamment qu’une personne ne soit pas arrêtée ou détenue par un État sans motifs légitimes, que cette personne ait le droit de contester la légalité de sa détention, le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, le droit d’être libérée lorsque la détention n’est plus justifiée, et le droit de ne pas subir des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants.

Le droit, le droit et encore le droit s’effaçant pourtant devant une présomption de culpabilité légalisée, arrangeante à bien des égards pour réduire au silence.

Nous vous ferons l’économie de vous cité toutes les lois nationales et internationales censées garantir ce juste équilibre entre la lutte contre le terrorisme et les droits et les libertés fondamentales des individus.

Or à quoi avons-nous assisté depuis le début du conflit ? Les faits sont têtus et se répètent inlassablement à chaque conflit.

Au mieux, des années de détention sans autre motif qu’un délit de faciès, qu’une dénonciation calomnieuse, qu’une délation opportuniste rappelant la face sombre de la nature humaine.

Au pire, des exécutions sommaires bénéficiant d’une totale impunité.

Quelle est la valeur du Droit et de la Justice au Mali ?

5 millions de francs CFA, nous disent certains pour pouvoir sortir de prison quand on est innocent sans aucun doute.

La corruption se mêle au mépris.

Le mépris, Monsieur le Ministre, est un film simple, sans mystère, il se débarrasse tôt ou tard de ses apparences.

Le mépris, Monsieur le Ministre, des institutions, du droit, des composantes de sa propre population conduisant à disqualifier une partie de la population à l’égal accès à la justice, est le mal qui ronge la lutte contre le terrorisme.

Vous auriez beau multiplier les structures dédiées à cette lutte, misant sur la théorie d’une transcendance institutionnelle, qui ne sera pas au rendez-vous, tant le mépris décomplexé est la règle en vigueur.

Il ne restera toujours et encore qu’à RENDRE JUSTICE.  Cette restauration ne peut pas être une pure et simple restitution de ce qui a été altéré.

Il ne sera pas possible de nier encore une fois ce qui s’est joué comme si rien ne s’était passé. Le temps a induit un processus cumulatif de sorte que le passé est impliqué dans le présent et le constitue pour une large part. Nous en ferons indéfiniment l’expérience à travers la récurrence des conflits.

La justice aussi corrective soit-elle, n’a pas le pouvoir de ressusciter les morts. Cette impuissance ne l’annule pas pour autant, le “rendre” se décline, en effet, en plusieurs modalités.

Rendre s’entend ainsi par rendre la liberté, rendre les honneurs perdus, rendre hommage aux victimes collatéraux, rendre la réparation due.

“L’engagement de respecter les droits de l”Homme et la primauté du droit sera l’une des clés du succès dans la lutte contre le terrorisme”. Louise Arbour, Haut-commissaire aux droits de l’Homme, Berlin – 27 août 2004.

Imouhagh International pour la Justice et la Transparence

Contact mail : iiyorgan@gmail.com /

Fortuné Sarah, consultante juridique 

Source: Aujourd’hui-Mali

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