Le coureur érythréen Frekalsi Debesay, de l’équipe sud-africaine MTN-Qhubeka, a remporté la plus longue étape de la semaine (190 kilomètres) entre Lambaréné et Mouila, le jeudi 16 janvier. Sur cette quatrième étape, nous avions décidé de monter dans la voiture de l’équipe française Cofidis. Une course vécue de l’intérieur, donc.
De notre envoyé spécial au Gabon,
Pour un cycliste amateur, la distance avait de quoi effrayer. Imaginez-vous pédaler pendant presque 200 kilomètres, sous la chaleur et sur de longues lignes droites. Mais pour un professionnel, c’est un jeu d’enfant.
Alors, comme nous avions peur de nous ennuyer ferme dans notre propre véhicule, nous avons décidé de monter dans la voiture des Cofidis. Sur la banquette arrière : le mécanicien prêt à bondir pour dépanner ses coureurs. Au volant : le directeur sportif de l’équipe, Alain Deloeil. Nous n’avons pas été déçus…
Lancer de jeunes coureurs
Rencontrer un personnage qui fut à la création de l’équipe en 1996, c’est déjà pas mal. Avant l’édition 2014, Cofidis avait déjà participé à deux Tropicales gabonaises, pour deux étapes remportées au total.
Cette année, l’équipe compte dans ses rangs trois néo-pros pour six coureurs. « La Tropicale permet de lancer des coureurs qui découvrent une course de sept jours. Il fait beau et il y a les meilleures conditions pour travailler sérieusement. On ne vient pas là pour s’amuser », lance d’emblée Alain Deloeil, qui pour l’anecdote a épousé une Gabonaise.
Comme petit nouveau chez Cofidis cette année, il y a Florian Sénéchal. Et le garçon, qui avait ce jeudi pour consigne de se glisser dans les échappées, est intenable en ce début d’étape. Un vrai chien fou…
« Je ne lui ai pas demandé d’attaquer mais de suivre les coups, précise Alain Deloeil. Avec les jeunes coureurs, il faut vraiment peser ses mots. » Du coup, le voilà qui tente de se frayer un chemin dans le flot de voitures pour mettre les choses au point.
La file des directeurs sportifs, une histoire de « gymkana »
Il faut dire que la conduite sportive d’Alain Deloeil n’a rien a envier à un Sébastien Loeb. Trois coups de klaxon, et le voilà déjà à la hauteur du peloton. Ou comment se sortir avec brio de la valse du « gymkana », autrement dit la danse des voitures suiveuses.
Et ça tombe bien, Adrien Petit, vainqueur d’étape l’an dernier, a déjà soif et veut appeler la voiture. « Il va falloir calmer Sénéchal », crie par sa portière le directeur sportif. « Oh, je ne sais pas ce qu’il a aujourd’hui », répond en souriant Adrien Petit.
Finalement, au bout d’une heure de course, ce sont huit coureurs qui prennent le large. Mais il reste tout de même 140 kilomètres avant l’épilogue. Une chance pour nous : un coureur de chez Cofidis a réussi à se glisser dans le bon coup ! Il s’agit du jeune Belge Louis Verhelst, nouveau dans le groupe. Le suspense est total.
« Tu es le plus rapide du groupe. Je veux la victoire. Tu penses à boire et à manger. Tu restes calme. » Telles sont les premières phrases d’Alain Deloeil à son poulain lorsqu’il est enfin autorisé à se porter à sa hauteur. Des échappées, l’ancien vainqueur de Paris-Roubaix amateurs a eu à en gérer plus d’une depuis qu’il est passé directeur sportif. Mais celle-là lui tient particulièrement à cœur.
Gérer les émotions…
« On approche et c’est pour nous », se persuade-t-il à 50 kilomètres du but, tout en rongeant ses ongles. Du coup, la voiture passe un moment à faire des allers-retours entre le peloton et les baroudeurs du jour, qui ont pris jusqu’à 10 minutes d’avance.
A dix kilomètres du but, les choses sérieuses commencent. Il va falloir que Louis Verhelst, qui s’est offert le classement des sprints intermédiaires, gère les attaques. Et Alain Deloeil décide d’aller donner ses dernières consignes : « Tu dois faire attention à ne rien laisser partir. Ils savent que tu es le plus fort au sprint et ils vont t’attaquer ! »
Au jeu du chat et de la souris, c’est finalement l’Erythréen Frekalsi Debesay qui tire les marrons du feu. Il arrive à s’extirper dans l’ultime kilomètre, au nez et à la barbe de tous. « Oh m… ce n’est pas pour aujourd’hui », se lamente Alain Deloeil.
« Courir au Gabon, pas du folklore »
Après la ligne d’arrivée, alors que le soleil est de plus en plus insupportable, le capitaine de route Adrien Petit se veut philosophe : « Ce n’est que partie remise. Tout le monde savait que Louis était le plus rapide de l’échappée. Il fallait l’attaquer et c’est ce qu’ils ont fait. »
« A un moment donné, je ne pouvais plus courir après tout le monde, confie justement Louis Verhelst, le souffle court. J’ai prié pour que quelqu’un réagisse aussi, mais ils ont laissé partir. » Son visage est marqué par la fatigue et la déception. Aujourd’hui, chacun a joué sa carte.
Il reste encore trois jours à l’équipe Cofidis pour ramener une victoire d’étape. « Courir au Gabon, c’est pas du folklore », avait prévenu Alain Deloeil, en « vieux sage » du vélo africain.
rfi