Dans une correspondance adressée à notre rédaction, un partant volontaire à la retraite, Modibo Tounkara a bien voulu encore alerter les autorités sur le calvaire de ses collègues partants volontaires et leurs ayants droit. Lisez plutôt.
Au Président de la Transition du Mali, transition que je souhaite de tout mon cœur être la dernière qui va sauver le pays de Soundiata de ce grand naufrage démocratique.
Je suis un des plus jeunes et vaillants candidats au départ volontaire à la retraite anticipée première vague en Juillet 1987.
Pour causes :
– nous étions déçus par la gestion calamiteuse du pays par le Général Moussa Traoré avec ses retards de salaire pouvant atteindre trois mois.
Nous étions décidés à être des pionniers du redémarrage économique de ce pays.
Mais, nous n’avions pas su que le mal du Mali venait de plusieurs cadres civils et miliaires, leaders politiques et religieux, opérateurs économiques tous apatrides à la recherche d’un intérêt personnel sordide sous la houlette d’un impérialisme occidental à la reconquête de ses anciennes colonies.
Ainsi, pleins d’initiatives de développement et convaincus de la relance économique du Mali, nous avons accepté le premier programme de départ volontaire à la retraite financé par l’USAID (les Etats Unis d’Amérique).
Voila comment nous nous sommes jetés à la mer qui est entrain de drainer jusqu’ aujourd’hui le petit restant de survivants d’entre nous.
De la même manière, d’autres vagues de départ ont suivi, larguées encore par l’Etat et cette fois la Banque Mondiale.
La prime d’installation ayant été épuisée, très peu de projets ont été financés, l’Etat a utilisé le reste des fonds et nous sommes restés sans suivi par les acteurs que sont : l’Etat, le Syndicat, les leaders politiques, la Société Civile, les Bailleurs de Fonds (Etats Unis d’Amérique et Banque Mondiale).
Le génocide a commencé et court jusqu’ aujourd’hui pour des milliers de cadres patriotes abusés par leur pays et l’Impérialisme Occidental.
Dans ce grand silence et mépris à la fois national et international, que de luttes n’avons-nous pas mené, combien de bureaux traitres n’avons nous pas déposé au sein de notre association ?
Des marches pacifiques de réclamation de nos droits, des settings, des conférences, des actions de justice engagées au Mali et jusqu’à la cour de la CEDEAO à Abuja où nous avons délégué nos responsables dont nous avons payé le déplacement dans nos fonds de cotisation.
La montagne a toujours accouché d’une souris.
Il faut signaler que d’autres pays africains ont accepté ce vicieux programme de retraite par anticipation (conçu pour déstabiliser l’Afrique) à des taux bien meilleurs; mais face au marasme socioéconomique qui en a découlé les états concernés ont aplani le problème de façon bien honorable pour en finir une fois pour toutes.
Au Mali la mauvaise foi de l’Etat est manifeste, sinon trois décennies de démocratie sincère ne peuvent pas fermer les yeux sur une telle déchéance socioéconomique. C’est le lieu de dire qu’il faut savoir lire sous les mots du vocabulaire de l’Occident et sous les actes qu’il pose. La démocratie sincère respecte l’être humain et son environnement, mais en réalité après quoi court l’Occident à travers le monde, le profit uniquement même s’il faut au prix de la morale, de l’âme de toute espèce vivante et de la survie d’autres états. Les faits sont concrets mais les puissants médias internationaux les transforment aux yeux et à l’esprit des profanes. Le système est en contradiction avec la doctrine, cela a été dénoncé par les grands penseurs.
Seuls quelques dirigeants avertis et imbus de patriotisme décèlent le camouflage et défient ensuite le chantage et les menaces, alors leur tête est mise à prix pour avoir défendu leur patrie contre la spoliation.
Lumumba, Sankara, Kadafi et bien d’autres témoignent cela. Que Dieu, la tranche laborieuse et honnête de notre peuple sauvent nos dirigeants intègres et l’héritage foncier légué par Soundiata.
Au Mali, le paradoxe le plus inquiétant et qui porte atteinte à la moralité de l’Etat est que l’accord cadre de départ à la retraite anticipée établi entre Lui et les partenaires financiers (USAID et Banque Mondiale) demeure introuvable dans toutes les archives nationales.
Notre Tuteur, l’UNTM la plus puissante centrale syndicale du pays a toujours fait semblant d’être à nos côtés, mais quand le lot de doléances arrive sur la table de négociation avec l’Etat, celles des travailleurs actifs sont toujours résolues et les nôtres retournent dans la corbeille avec un bouquet de promesses qui ne seront jamais réalisées.
Au cours de ces trente dernières années 1991- 2021, combien de majorations ont eu les travailleurs actifs ?
Les brebis de l’Etat sont toujours mieux entretenues tandis que les brebis galeuses de Dieu abandonnées à leur sort végètent et meurent à petit feu dans l’incognito et l’humiliation sociale complète. Combien de cas de folie, de divorce, de suicide, d’abandon de famille et de décès par famine et maladies peut-on recenser ?
Est ce cela une justice saine ou alors une démocratie ?
Le problème des partants volontaires du Mali est un cas de conscience nationale et internationale.
De 1987 à maintenant, des cadres chefs de familles ayant accompli auparavant des services loyaux au pays sont jetés dans la rue et considérés comme des maudits « danga den » à qui l’Etat a payé tous les droits et qui ont dilapidé tout cet argent.
Au fur et à mesure que la société bout et jette son écume, la vérité sort petit à petit du silence.
Il ya bien longtemps quand deux députés seulement défendaient les partants à l’Assemblée Nationale :(Feu Kadari Bamba et Oumar Mariko); mais aujourd’hui l’Etat en en a sur la conscience à tel point que le Premier Ministre Choguel Maiga a fait une déclaration de reconnaissance de nos droits avec l’Etat. Mais après ce fut le black out.
L’Etat a des priorités c’est vrai, sa survie est prioritaire.
La survie de l’Etat et de la Nation sont au dessus de la vie de chaque citoyen et de chaque ethnie.
Cependant l’Etat ne peut-il pas faire un mea-culpa et retourner à ces maudits du peuple leur dignité jusqu’à ce jour piétinée?
La Commission Vérité Justice Réconciliation (CVJR) par un sursaut de sagesse ne peut elle pas en toute humilité se poser la question: ai-je touché tous les grands maux du peuple et ai-je pansé les profondes et douloureuses plaies de la Nation ? En tous cas une plaie dans l’âme de plus de cinq milles familles à travers le pays et qui persiste depuis trente ans est certainement profonde et douloureuse dans toute Nation éprise de justice et de démocratie sincère.
Combien de parias sommes nous tous les jours sous les pieds du puissant Katilé entrain de quémander aux gens le prix de transport de Sotrama, de brochette, de thé ou de cigarettes à la Bourse du Travail ?
Après avoir tapé à toutes les portes sans issue, beaucoup de partants placent en Monsieur Katilé l’ultime espoir et vouent en lui une confiance qui frôle le dogmatisme.
Ce Katilé qui à l’image de ses prédécesseurs, prétend défendre nos droits corps et âme depuis son premier mandat et qui n’a même pas bonne mine pour nos enfants qui ont formé une association pour la conquête des droits de leurs pères.
Au nom de DIEU qui sait tout et peut tout, veuillez rendre justice Monsieur le Président Assimi Goîta, pour une partie si infime mais citoyenne de votre peuple. Le plus grand des rois de l’Humanité, Manssa Souleymane n’a pas oublié les fourmis.
Si nos droits sont énormes à vos yeux en cette période de crise, payez nous un forfait de consolation en plus de la pension sociale qui nous permettra de nous inscrire à la Sécurité Sociale (le minimum vital pour tout fonctionnaire sinon même pour tout citoyen dans cette vie dont le coût est en ascension sans retour).
Je signale que j’ai personnellement soixante cinq ans, merci à Dieu, et je ne pense pas qu’il existe un partant qui en ait moins. A nous les moins de quinze ans de cotisation sociale, l’Etat a refusé la pension, mais c’est l’accord cadre qui peut répondre à cette énigme.
Je souhaite ardemment que ce forfait de consolation et cette pension sociale soient effectifs en Janvier 2023.
Comme dit Ahmed Sékou Touré premier Président Souverain de la République de Guinée Conakry, je préfère la dignité dans la pauvreté qu’à l’opulence dans l’esclavage ; veuillez nous rendre d’abord publiquement notre dignité.
Pour ce qui concerne nos droits, veuillez faire plancher la Justice Nationale sur notre cas, et la grosse de justice sera à la charge du futur Président qui sortira des urnes. Cette grosse soulagera certainement nos héritiers qui auront longtemps partagé avec nous cette vie de misère tendant à se transformer en fatalité.
Tounkara Modibo, partant volontaire à la retraite, résident à Kabala (Kalabancoro )
Tél : 65 17 19 01 / 76 31 54 38
Bamako, le 3 Novembre 2022