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Transition politique : La nécessaire union sacrée

Le changement politique intervenu dans notre pays, suite au coup d’État militaire du 18 août 2020 est une réponse à l’impasse créée par un dysfonctionnement institutionnel et une inertie gouvernementale prolongée, dans un contexte de profonde rupture du contrat social. Une situation qui a mis à rude épreuve la résilience de la démocratie malienne et la patience d’une population désabusée face à la récurrence de conflits violents et de crises sociales. La transition ainsi déclenchée doit être une occasion pour les Maliens de renégocier le contrat social et de s’entendre sur des principes de gouvernance plus convenables. Seul vaut le Mali et nous nous devons de nous retrouver pour le reconstruire sur de nouvelles fondations et de nouvelles valeurs.

« Il y a pire dans la vie que d’avoir échoué : c’est de n’avoir pas essayé », disait Theodore Roosevelt, 32è Président des États-Unis d’Amérique. Il est vrai que ces débuts de la transition sont assez laborieux et donnent du vertige aux plus avertis dans l’analyse politique, mais, ce n’est pas en tout cas, faute d’avoir essayé de faire mieux. Les autorités en place peuvent et doivent bénéficier du doute, une marque de confiance mesurée. Je voudrais aussi souligner qu’il ne faut jamais confondre silence et ignorance, calme et acceptation, gentillesse et faiblesse.

Les Maliens doivent se donner la main pour bâtir ensemble le Mali, le Mali de nos rêves, le Mali à notre propre image. Car le Mali, notre patrimoine commun, vient de très loin. Et il n’est malmené que par ses propres enfants. L’union fait la force et la patience est l’allié principal de celui qui veut recoudre un tissu social malmené par la mauvaise foi.

Compte tenu de la devise du Mali : Un Peuple, Un But, Une Foi ; tous les Maliens sont des frères et sœurs, des parents à divers titres. Pour faire renaître notre pays dont les fondations se sont totalement effondrées, nous nous devons de renforcer cette devise. Cela va et doit aller au-delà de ceux qui ont en charge de nous gouverner aujourd’hui, au-delà de la perception que nous avons de leur gouvernance et de leurs relations avec les autres acteurs de la vie politique du pays. Bah NDaw, le Président de la transition est un élément d’une équipe civilo-militaire qui a bâti un programme pour le Mali, à savoir les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation d’élections transparentes et crédibles, la protection des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national, la lutte contre la corruption et l’impunité…

Il en est le capitaine et se doit d’orienter le jeu, parce qu’il a la lecture du jeu, pour avoir accepté la mission à lui confiée. Il doit jouer collectif pour espérer gagner la partie en intégrant les bruits qui lui parviennent du banc de touche et des gradins. J’ai peur aujourd’hui que notre capitaine national ne soit comme quelqu’un qui suerait sous la pluie sans qu’on apprécie sa sueur, son niveau de transpiration ! Il a hérité du pays dans un état de convalescence aiguë, bien que des soins lui aient été apportés.

Nous nous devons chacun, à son niveau, de comprendre la situation générale du pays et d’aider les gestionnaires temporels du pouvoir d’Etat à conforter les acquis et à poursuivre la réalisation des objectifs communs qui nous profitent à tous.

IBK a été sorti pour dit-on, faute de résultats concrets, de mauvaise gouvernance, dans la résolution de l’insécurité généralisée dans le pays, notamment le recouvrement de Kidal, et la remise sur pied de notre armée nationale. Depuis le coup d’état du 18 août 2020 et la mise entre parenthèse de toutes les institutions démocratiques, il est vrai que la mise en musique de la transition est très difficile, sinon laborieuse au point que les Maliens se croient embarqués sur un bateau ivre. Est-ce ce l’apprentissage du pouvoir d’Etat par les nouvelles autorités ou la mauvaise appréciation des enjeux du moment ou encore le mauvais coaching des hommes et des femmes constitués par la junte et leurs conseils civils pour conduire les affaires publiques ?

 

Lueur d’espoir… avec des points d’ombre

L’espoir suscité aux premières heures du renversement du régime d’IBK tarde à se réaliser, du moins par rapport au retour de la paix et de la réconciliation nationale, au gaspillage des deniers publics, à la protection des personnes et de leurs biens. Même si des points d’ombres subsistent qui étreignent encore des cœurs maliens, nous sommes encore loin de dire que tout est rose, la situation actuelle du pays exige de chacun de nous plus de pondération dans les propos, plus de sagesse dans les comportements et plus de retenue dans les actes. Pour que la direction du vent commence à être favorable pour les autorités de la transition, il faut que les fruits tiennent les promesses des fleurs. Il faut plus d’actes que de discours ; il faut agir autrement et positivement, sans a priori, sans exclusion, avec exemplarité et un patriotisme chevillé au corps.

Au Mali, à la faveur de la démocratie, beaucoup d’associations ont vu le jour pour défendre les droits des “Sans Voix” de la République. A la faveur du délitement de l’Etat et du coup d’Etat militaire qui en a résulté, beaucoup d’associations de tous genres se sont installées dans notre vie quotidienne. Ce qui est tout à fait normal et atteste de la vitalité de notre démocratie en construction. Seulement, à y regarder de très près, elles ne militent pas toutes pour le bien-être social des populations.

La plupart travaillent pour la pollution de l’atmosphère politique, le chantage pour se mettre pleins les poches et pour échapper au rappel des comportements hideux de leurs responsables. Elles sont dans la manipulation si elles ne sont pas elles-mêmes manipulées. Le Mali et les Maliens ont besoin de sérénité pour avancer dans les broussailles érigées par des ennemis du pays. Nos actes doivent être posés de façon Objective et en conformité avec la loi fondamentale du pays et la raison d’être de nos organisations. Sans fanfaronnade ni forfaitures dommageables à la stabilité et à l’avenir du pays. Il y va de l’avenir du pays. D’illustres anonymes sont devenus « Hommes d’Etat » à la faveur de l’interruption forcée du processus démocratique. Nous rappelons humblement au Président de la transition et à son Premier ministre de regarder toujours dans la direction du soleil levant et ils ne verront jamais l’ombre derrière eux – un proverbe Japonais.

L’exigence de transparence dans la gestion des affaires publiques est devenue un principe démocratique, après tout ce que le pays a vécu comme soubresauts et charcutages. La volonté des autorités actuelles de réaliser des performances économiques en termes de développement constituent des indices déclencheurs de leur combat contre l’insécurité et pour le bien-être social des populations. Et pour cela, des structures compétentes, indépendantes et qui ont pleins pouvoirs sont à pied-d’œuvre afin d’atteindre ces objectifs.

Ce sont des actes à poursuivre et à encourager. Il n’y a qu’une façon d’échouer, c’est d’abandonner avant d’avoir réussi ! Le Président de la transition et son équipe doivent poursuivre sans faiblir, la recherche du bonheur du plus grand nombre de Maliens. Qui n’avance pas recule ; je les encourage à avancer sans faiblir. Et le Mali doit avancer avec ses difficultés inhérentes à tous les pays sous-développés dont la population est composée, pour les deux-tiers de jeunes de moins de 35 ans…

Aujourd’hui, le pays se doit de s’engager dans une dynamique de paix sociale et politique. En plus, notre pays se trouve face à plusieurs défis importants à relever. Il est donc temps que les marchands d’illusion arrêtent de divertir le peuple et travaillent pour le plus grand nombre de Maliens épris de paix et de justice.

 

L’heure n’est plus aux bisbilles

Le Président de la transition, Bah NDaw est crédité de qualités qui forcent l’admiration : intégrité, désintérêt, engagement patriotique. Il se doit donc d’être un grand homme d’Etat qui connait les aspirations profondes des populations de ce pays. Ses erreurs apparentes doivent être mises sur le compte de l’apprentissage de la gestion de l’Etat et son empressement à vouloir bien faire. Le peuple attend sa marque, car réputé homme de poigne, caractériel. La feuille de route doit être consensuelle et partagée ; elle doit décliner une vision précise et claire du modèle de développement pour notre pays. C’est ce qui justifie le dosage politico-militaro-administratif qu’il s’évertue à mettre dans la composition de ses différents organes de gestion de la transition. Pour réussir son pari national et conserver une bonne place dans les futurs récits historiques, il doit aller à la recherche de compétences et d’intelligences à même de mettre en œuvre ses ambitions pour le Mali. Mais certains de ces choix ont déjà plombé l’espoir du peuple. Comme quoi il faut créer l’espace nécessaire au renouvellement de l’élite et des pratiques politiques, au-delà d’une simple redistribution des rôles entre anciens acteurs. Ce qui éviterait un changement cosmétique.

Au Mali, il n’est pas facile d’être un grand homme. Car, cela impose entre autres de privilégier toujours l’intérêt collectif ; de savoir, de connaître mais de se taire ; de savoir écouter, mais de décider ; d’éviter l’injustice et de craindre le désordre…

Aucun changement substantiel ou durable dans notre système de gouvernance ne se produira sans une véritable appropriation nationale du processus en cours.

L’heure n’est plus aux bisbilles, elle est à l’union sacrée pour éviter que le pays ne prenne eau de toutes parts, de sombrer dans le chaos.

 

Yaya Sangaré

Bamako

Source: Mali Tribune

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