Les deux entités doivent être les moteurs du changement que les Maliens appellent de leurs vœux. Elles ont convenu de se donner la main pour conduire la dynamique
Prévue samedi au Centre international de conférences de Bamako (CICB), la rencontre d’échanges convoquée par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) autour de l’organisation de la transition a été reportée sine die. L’objectif était d’inclure tous les Maliens à la rédaction de cette nouvelle page de l’Histoire de notre pays.
En effet, dans un communiqué publié la veille, le CNSP avait convié samedi les organisations ci-après, à des échanges autour de l’organisation de la transition. Il s’agit du Conseil national de la société civile, du Forum des organisations de la société civile, des Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Étaient conviés également, les groupements des partis politiques de la majorité, de l’opposition politique, du centre et les partis non-alignés.
Après ce communiqué où il n’était pas cité nommément, la réaction du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ne s’est pas faite attendre. Le M5-RFP a indiqué qu’il «regrette de n’avoir pas été invité » à cette rencontre. Le Mouvement a rappelé «la lutte patriotique du peuple malien à travers plusieurs manifestations publiques durant plusieurs mois dans le but de contribuer à l’émergence d’un Mali nouveau que les Forces armées et de sécurité ont parachevée le 18 août 2020».
Dans le communiqué rendu public à cet effet, le M5-RFP a ajouté : «qu’à ce titre, le M5-RFP est et demeure un acteur majeur de ce changement voulu et doit être associé au premier plan à la conception de l’architecture de la transition avec l’ensemble des forces vives de la nation».
Pour appuyer la protestation du M5-RFP, l’imam Dicko, son autorité morale, a vivement interpellé le CNSP, samedi. Le leader religieux a exhorté les “jeunes gens” des Forces armées et de sécurité du pays “à rester vigilants et à savoir que le peuple malien leur fait confiance et d’oeuvrer à ne pas décevoir cet espoir”. Il a également invité les membres du CNSP “à s’entendre avec le M5-RFP pour associer toutes les forces vives de la nation à la mise en place de la transition, dans le respect et la dignité”.
“Le CNSP doit arrêter sa course solitaire pour éviter de commettre les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Les militaires doivent nous faciliter la tâche et alléger la souffrance du peuple. Ils doivent être une solution et non un problème”, a insisté l’imam Mahmoud Dicko qui a ensuite martelé : «On ne donnera à personne un chèque en blanc désormais pour la gestion de ce pays». Le leader religieux s’exprimait au cours d’une cérémonie de prières et de sacrifices en hommage aux victimes des manifestations des 10, 11 et 12 juillet derniers, pour réclamer la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Après avoir essuyé la rebuffade du M5-RFP, le Comité national pour le salut du peuple a dû revoir son agenda. Mais l’avis du report des assises prévues samedi a été publié un peu tardivement. Dans la matinée du samedi, des centaines de personnes ont convergé au CICB pour la rencontre. C’est à l’heure annoncée pour le début des travaux que les participants ont été informés du report de ces assises par un communiqué des autorités militaires. « Pour des raisons d’ordre organisationnel», le président du Comité national pour le salut du peuple a reporté la rencontre à une date ultérieure. Cependant, des sources dignes de foi ont indiqué que ce report serait certainement dû à la réaction du M5-RFP qui avait décidé de ne pas prendre part à ces assises.
TRANSITION APAISÉE- Annoncée le même jour à 17h30 au ministère de la Défense et des Anciens combattants, la rencontre entre les nouvelles autorités et le M5-RFP a finalement a eu lieu à Kati dans la soirée. À l’issue des échanges, Issa Kaou Djim, coordinateur de la CMAS et membre du comité stratégique du M5-RFP, a indiqué qu’ils ont eu des échanges fructueux et que le malentendu a été dissipé. Selon lui, le M5-RFP et le CNSP sont d’accord qu’ils doivent se mettre ensemble avec le reste du pays pour réussir une transition apaisée conformément aux intérêts du peuple malien.
Dr Choguel Kokalla Maïga, un autre leader du comité stratégique du M5-RFP ajoutera que les échanges ont porté sur la relation entre le Mouvement et le CNSP, étant entendu que ce sont les deux principales forces du changement. Selon lui, le CNSP est, en quelque sorte, l’organe politique qui a parachevé «la lutte héroïque du peuple malien portée par le M5-RFP». Les deux entités doivent, estimera-t-il, harmoniser leurs positions sur la conduite des affaires du pays.
«Les positions du M5-RFP sont connues depuis des mois et c’est autour d’elles que le peuple a été mobilisé. Les positions du CNSP ont été brièvement énoncées dans leur première déclaration où il a été dit qu’il y aura une transition politique civile», a rappelé Choguel Kokalla Maïga, soulignant que les deux parties ont déjà eu une première rencontre de prise de contact. Et lors de la rencontre de samedi, les échanges ont porté sur l’organisation de la transition.
«Le M5-RFP a élaboré un document sur la transition. Notre souhait est qu’il y ait une articulation harmonieuse entre les positions du M5-RFP et celles du CNSP», a insisté le président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR). D’après lui, ce document a été remis au Comité militaire qui a besoin d’un temps pour l’examiner et le confronter à sa propre vision. Mais déjà, les deux parties ont convenu d’une deuxième séance de travail autour de ce document.
Par ailleurs, au sujet de l’organisation de la transition, le parti de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a fait des propositions consignées dans un communiqué. L’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergences des forces patriotiques (ASMA-CFP) a fait savoir son soutien à une transition d’une courte durée entre 12 et 14 mois avec la mise en place d’organes chargés de conduire cette transition.
Le parti propose un président civil, chef de l’État avec un vice-président issu du CNSP, un gouvernement de mission dirigé par un Premier ministre civil, un Conseil national de la transition qui sera l’organe législatif composé des différents acteurs politiques, des représentants de la société civile et des Forces armées et de sécurité ayant pour missions de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement.
De son côté, l’Adema PASJ aussi a fait part de son idée sur la transition. Le Parti de l’Abeille propose l’organisation des pouvoirs publics à travers un Accord politique de transition (APT) qui transcende la Constitution actuelle tout en ne remettant pas fondamentalement en cause le régime politique actuel (régime semi-présidentiel) et d’autres acquis démocratiques de la révolution de mars 1991. L’accord politique devra être endossé par la communauté internationale à travers la Cedeao afin de lui conférer la légitimité juridique requise pour rester dans le cadre normatif de la Constitution du 25 février 1992.
“L’Accord politique de transition doit être élaboré par une équipe d’experts mise en place par le CNSP, et soumis à l’approbation de l’ensemble des forces politiques et sociales”, suggère l’Adema PASJ pour qui la transition doit être conduite par trois organes de gouvernance : un président de transition consensuel ; un gouvernement de transition de taille réduite (25 membres au plus) dirigé par un Premier ministre consensuel ; un organe législatif dénommé Conseil national de transition (CNT).
Pour sa part, l’imam Mahmoud Dicko, autorité morale du M5-RFP, a indiqué sur une radio internationale que de son « point de vue, trois ans, c’est trop pour la transition ». Il est plutôt d’accord pour une transition d’une durée de 18 mois sinon moins, et dirigée par un civil consensuel.
Dieudonné DIAMA
Source : L’ESSOR