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Tentatives de résolution de la crise : IBK et la CEDEAO font du bricolage juridique !

Tentatives de division sonnantes et trébuchantes de débauchage de Mahmoud Dicko, l’autorité morale du M5-RFP, invitation de la contestation à presser le pas pour rejoindre le futur gouvernement d’ouverture, propositions de fauteuils de sénateurs aux députés dits grugés par la Cour constitutionnelle, elle-même dissoute, voilà le catalogue des mesures avancées par le président IBK pour juguler la crise ! Les couverts sont bien disposés sur la table servie de la République, version IBK. La Cédéao n’a fait pas mieux, qui a voulu imposer ses «propositions», en prenant parfois des libertés avec la réalité des faits !

L’arrivée, ce jeudi, de cinq chefs d’Etat de la Cédéao, constitue un tournant majeur dans les tentatives de résolution de la profonde crise politique malienne. En venant, moins d’une semaine après la seconde mission dirigée par Goodluck Jonathan, Muhammadu Buhari du Nigéria, Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire, Mahamadou Issoufi du Niger, Nana Akufo-Addo du Ghana et Macky Sall du Sénégal, la Cédéao entend imprimer une dynamique nouvelle, voire impulser une vigueur à la médiation de l’organisation sous-régionale. Du coup, c’est un véritable constat d’échec de la précédente mission conduite par l’ancien président nigérian.

Les propositions de la seconde mission de la Cédéao, du 15 juillet au week-end dernier, constituaient d’ailleurs une nette régression par rapport à la mission ministérielle dépêchée au Mali du 18 au 20 juin. Celle-ci avait recommandé entre autres la reprise partielle des élections dans les circonscriptions où les résultats étaient contestés.

Pour Goodluck Jonatan, il s’agissait simplement de procéder à un replâtrage et, au mieux, effectuer des bouche-trous pour une trentaine de cas. La Cédéao avait même promis d’accompagner financièrement le Mali, s’il fallait aller à une dissolution partielle ou non de l’Assemblée nationale. Cette bonne prédisposition communautaire a sauté au passage de la seconde mission.

Mieux, la mission dirigée par l’émissaire nigérian, assisté du président de la Commission, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou, a été un véritable échec. En dépit des multiples rencontres et des déclarations préalables de l’ex-président nigérian, l’espoir s’est vite dissipé face au modus operandi de la mission qui peinait à se départir de son objectif affiché de sauver le président malien, en épousant toutes ses vues et même au-delà, car la mission Goodluck ira jusqu’à établir une clé de répartition de l’exécutif alors que IBK, lui-même, avait laissé une marge sur le sujet.

Mieux, la Mission Goodluck a verrouillé le cas de l’Assemblée nationale, en limitant la contestation à 31 députés, quand la précédente proposait une dissolution partielle. La mission a véritablement prouvé ses limites sur le plan juridique au point qu’on s’interroge sur la réelle expertise des «membres des cours constitutionnelles» composant les ressources de l’équipe Goodluck.

Et pour cause, il n’est pas utile de s’appesantir sur le sujet : il n’existe aucune disposition réglementaire, dans l’arsenal des textes juridiques, permettant au chef de l’Etat, ou une quelconque autorité de désignation, de mettre fin avant terme au mandat d’un juge constitutionnel. Tout au plus, celui-ci peut-il démissionner, aucune règle n’empêchant un départ volontaire.

Si bien que le décret N°2020-0312/P-RM du 11 juillet 2020, portant abrogation du décret 2015-0031 du 2 février 2015 de nomination des juges constitutionnels, constitue un parjure du genre de ce que IBK n’a d’ailleurs jamais cessé de multiplier tout au long de son règne. Selon certaines informations, les juges encore en fonction, dont la présidente Manassa Danioko, envisageraient de l’attaquer pour excès, une instance qu’ils pourraient emporter face à une décision inique.

De même, la Constitution malienne ne prévoit pas une dissolution partielle de l’Assemblée nationale, pas plus de recours possible contre un arrêt définitif de la Cour constitutionnelle. La décision de la Cédéao, de suivre IBK, dans la nomination de six membres de la prochaine Cour, constitue une hérésie.

Personne n’a jeté l’opprobre de l’échec sur le M5-RFP quand bien même les émissaires de la Cédéao auraient voulu parvenir à cette fin, en assurant, contre la vérité, que c’est la contestation actuelle qui a été la seule structure malienne à avoir refusé son plan. Mieux, aucune voix de la communauté internationale n’a émis la moindre condamnation ou réserve quant à une certaine radicalisation du M5-RFP.  Ce silence lourd de sens constitue une réponse à Jonatan Goodluck et à Kassi Brou. Aussi, peut-on croire avec certitude que l’arrivée en pompiers des cinq chefs d’Etat constitue un désaveu à peine voilé de la précédente mission conduite par l’ancien président nigérian.

La liste des démentis et oppositions, des syndicats (SAM et SYLIMA) de magistrature ainsi que du Conseil supérieur de la magistrature, assortie des démentis et prises de distances des élus s’estimant grugés, en dit long sur le succès nettement relatif et les rodomontades dont s’est prévalue la Mission Goodluck. Il faut y ajouter la maladresse de la mise en place d’une structure chargée de veiller à la mise en application de ces «mesures», dont le M5-RFP a été superbement ignoré, et les menaces à peine voilées lancées par le président de la Commission de la Cédéao.

La mission Goodluck avait de son propre chef placé le Mali sous tutelle, et visiblement, avec la bénédiction du président malien, plutôt préoccupé à sauver les meubles, dont les intérêts très cruciaux à ses yeux de son fils Karim Kéita. D’où un rejet total, pour nombre d’acteurs protagonistes majeurs de la crise qui estiment que le défaut de cuirasse de la Cédéao réside dans son attitude à ramener la crise à son expression électorale, somme toute quelque peu anecdotique.

Forfaiture et haute trahison d’IBK

La forfaiture du président de la République consiste à céder, sans respect des processus indiqués, une partie de la souveraineté nationale à une organisation qui ne recule devant aucune violation des principes juridiques, pour imposer son diktat. Aucun membre de cette délégation ne pourrait cautionner de telles pratiques dans son pays d’origine.

Ainsi, au terme de sa mission, la Cédéao, avec la bénédiction d’IBK, entend faire du Mali, le champ privilégié d’expérimentation de pratiques iniques et jurisprudentielles. L’acte d’IBK s’assimile à la haute trahison et celle de la Cédéao n’est rien qu’un manque de considération pour le Mali et son peuple.

Aucune solution, inscrite dans la durée, ne saurait prospérer quand elle est fondée sur la négation même des principes fondamentaux du droit positif surtout qu’il s’agit d’une émanation de la volonté d’une nation. La mission de la Cédéao n’était pas de médiation, mais de sauvetage du soldat IBK.

Décidément, le président malien n’étonne guère : 7 ans d’une gouvernance caractérisée par une profonde médiocrité pour finir par proposer des rafistolages, d’un tissu politique et social effiloché et maintes fois raccommodé. IBK excelle dans l’art du bricolage, un colmatage des lézardes de son système, d’autant qu’il a plutôt l’invocation circonstancielle du respect de la légalité constitutionnelle.

Au bout du compte, les violations systématiques de la loi fondamentale sont présentées comme porte de sortie de l’impasse dans laquelle, avec morgue et suffisance (si ce n’est tautologique), il s’est enfermé depuis des lustres. Ironie du sort : Manassa Danioko l’y a aidé en multipliant les jurisprudences qui ont été autant de colmatages et de saupoudrages juridiques des actes à la limite parfois délictuels de la gouvernance d’IBK.

Aucune des solutions jusqu’ici préconisées n’a brillé par son originalité encore moins par sa consistance susceptible d’emporter l’adhésion, même des partis de la majorité, d’ailleurs divisés entre une multitude d’obédiences ou inféodés pour la plupart à Karim Kéita, le vrai casus belli ou l’un des acteurs clés souterrains de la crise actuelle.

Les cinq chefs d’Etat pourraient inverser cette dangereuse tendance où la Cédéao enferme les pays membres dans l’exéquatur extraverti d’intérêts d’un club au détriment des peuples.

Mohamed Ag Aliou

SOURCE : NOUVELLE LIBERATION

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