Tout mouvement de lutte sociale dirigé par l’extérieur non de l’intérieur est voué à l’échec. Il ne peut pas avoir une longue vie lorsque son âme est incarnée en un être particulier. Il est de même pour un mouvement de défense d’intérêt collectif dirigé par des hommes qui n’ont pas de conviction quant à la portée de leur combat. Mais utilisent juste la notion de changement pour faire adhérer la masse populaire en son projet. Il est également de même pour les mouvements dirigés par des hommes qui ne voient que leur personne ou leur intérêt personnel.
Un mouvement, plusieurs objectifs
Telle était la situation dans laquelle se trouvait le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) pendant ses premières heures et même après le changement de régime. Ce mouvement hétéroclite qui secouait la capitale politique du Mali et les capitales régionales n’était pas en tant que tel un mouvement au sens propre du terme. Il était un agrégat d’individus qui s’était retrouvé par le hasard de l’histoire. Mieux, il était un mouvement instrumentalisé et manœuvré. Une couverture pour quelques-uns, précisément ses premiers initiateurs, en vue de régler leur compte avec le régime IBK.
Toutefois, il y avait en son sein des hommes et des femmes de conviction. Des hommes qui œuvraient en toute sincérité pour qu’il y ait un changement radical dans la gestion des affaires publiques. Le parcours de bon nombre de ses militants en témoigne. Mais hélas, ceux-ci n’étaient pas ceux qui attiraient les regards de la grande majorité des hommes et des femmes qui se mobilisaient après les appels à mobilisation de ce mouvement. Ils étaient considérés comme de la racaille en raison du rôle que certains avaient joué dans le passé dans les hautes sphères de l’appareil d’État.
L’attitude qu’avaient choisi d’adopter certaines figures et pas les négligeables témoigne de nos jours que tous les tenants à ce mouvement n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Le changement de discours et d’attitude d’Issa Kaou Djime et sa désolidarisation avec les directives du comité stratégique en est un exemple. Mais pas le seul. Le silence qu’avait choisi l’autorité morale du M5, l’imam Mahmoud Dicko, après que quelques-unes de ses recommandations aient été prises en compte dans la formation des organes de transition au détriment des lignes tracées par ce mouvement en est un autre. On peut également citer le retour brutal de cette autorité morale sur la scène politique après avoir pressenti qu’il n’était plus considéré à sa juste valeur par les autorités dont il avait fortement contribué à la mise en place.
Renaissance après une longue agonie
Une mauvaise graine ne fait jamais bon ménage avec les bonnes semences dans un champ. Le temps est le seul qui permet de juger cela. Le déphasage qui existait entre les leaders de ce mouvement est ce qui explique sa « mort de sa belle mort », pour reprendre la phrase emblématique qu’avait prononcé l’un de ses initiateurs juste quelques heures après l’éviction de l’ancien régime. Les différences de point de vue qui existaient en son sein sur la stratégie à mener pour l’avènement d’un nouveau Mali étaient telles qu’il ne pouvait que succomber. La tumeur l’a consumé sans laisser le temps à ses leaders de se ressaisir.
Comme le capitalisme s’était remis sur pied après la crise économique de 2008 en corrigeant ses tares, le mouvement hétéroclite du M5-RFP se remet également sur pied après que les mauvaises graines qui étaient en son sein aient pris une autre direction. Il est en voie de renaitre de ses cendres comme un phénix après une longue période d’agonie. La ligne de conduite adoptée par ceux qui sont restés au sein de son comité stratégique, après qu’ils aient constaté que ceux qui s’étaient présentés comme étant du lot des leaders ayant parachevé leur lutte n’étaient pas sur la voie du changement, a commencé à donner des résultats concluants. La crédibilité dont jouissent de nouveau les leaders restés fidèles à l’esprit du mouvement l’illustre. Elle montre que les membres du M5-RFP sont des acteurs à écouter.
Mieux vaut l’avoir avec soi que contre soi
« Le temps est le meilleur juge », dit un vieil adage. Il est ce qui a permis aux Maliens de se faire une appréhension sur les hommes qui les faisaient mobiliser pour réclamer le changement dont ils aspiraient. Il les a permis de connaître également ceux-là qui défendaient leurs propres intérêts et ceux qui ont profité de leur lutte pour se faire une place au sein de l’élite. De même, il a permis aux Maliens de savoir que le problème n’était pas l’ancien régime, mais plutôt le système mis en place après l’avènement de la démocratie.
Mieux, il a permis aux autorités politiques de revoir leur perception sur ce mouvement après leurs prises de fonction. Le temps que le président de la transition a consacré pour recevoir les membres du comité stratégique de ce mouvement témoigne qu’il faut les avoir avec soi que contre soi. Les turbulences qui sont à leur actif et qui ont conduit l’ancien président à sortir par la petite porte sont restées gravées dans la conscience des Maliens.
Ce ne pas le statut social d’une personne qui lui fait gagner le respect et la considération des autres, mais plutôt l’esprit qui l’anime quand il s’agit des questions d’intérêt général. Mieux, une personne ne devrait pas être jugée en fonction de ses positions conjoncturelles ni en se référant à ses discours, mais en fonction des actes qu’elle pose et de l’idéologie qu’elle défend. Tels devraient être les principes sur lesquels le M5 RFP devrait se focaliser en acceptant de nouveaux adhérents pour ne pas tomber de nouveau dans des erreurs.
Mikaïlou Cissé