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‘’Taba-crise’’2020 au Mali: moutons, pas inquiets !

A une semaine de la Tabaski, les moutons sont là dans les parcs et les  vendeurs attendent impatiemment les clients dont la plupart se trouvent actuellement fauchés à cause de la multiple crise que traverse le pays. Une équipe de notre rédaction a sillonné quelques parcs du District de Bamako afin de s’imprégner des difficultés auxquelles les vendeurs et les acheteurs font face en ce moment. Voici le reportage !

 

Nous sommes le 16 juillet 2020 au parc de vente de moutons à Djélibougou en Commune I du District de Bamako. Il est 09 heures du matin et le marché du bétail peut enfin s’ouvrir. Trois vendeurs de mouton se précipitent pour nous accueillir, nous prenant pour des clients venus acheter des moutons. Aussitôt, nous nous présentons pour éviter de faux espoirs. « Bonjour messieurs ! Nous sommes des journalistes. Nous sommes là pour échanger avec vous sur la situation du marché des moutons.»Un moment de calme ! Puis, nos interlocuteurs se ressaisissent : « Soyez les bienvenus ! Soyez les bienvenus ! Soyez les bienvenus ! »,nous disent-ils avec des voix variées et des sourires aux lèvres apparemment forcés.

Après les présentations, ils nous conduisent auprès du doyen du parc, Daouda Traoré, à qui nous expliquons les raisons de notre visite. Le doyen nous donne son accord et une visite guidée entre les moutons est dirigée par Harouna Coulibaly. Après une vingtaine de minutes de tour d’horizon, nous revenons au point de départ où plus de trente opérateurs du domaine sont assis. Nous prenons place à côté d’eux afin d’observer davantage le déroulement du marché. Autour du doyen, des échanges brefs continuent sur les conditions des bétails, surtout sur leurs nourritures et leurs entretiens pour leur bonne santé. Parce que plus de deux semaines nous séparent encore du jour de la fête. Aussi, il faut prévoir comment gérer l’après-fête.

Entre-temps, un premier client arrive et notre guide, Harouna Coulibaly, se dirige vers lui. Nous le suivons pour écouter le menu des discutions. « Soyez les bienvenus ! I bisimilah, Diarrakè ! C’est pour les moutons ? », lui dit Harouna. Au client de répondre : «Non ! Épargnez-moi d’abord de ce nom Diarra, sinon je retourne d’où je viens. Je suis Traoré et non Diarra. »« Ah Traoré, ça c’est un nom respectable, I bisimilah !», poursuit le vendeur. « Je suis venu voir comment sont les prix des moutons et si les pauvres peuvent s’en procurer »,ironise le client.  «Oui ! Tous ces moutons sont abordables pour les pauvres. Choisissez un et on vous dit le prix », répondHarouna Coulibaly.Après une si longue discussion entre vendeur et acheteur, les deux personnes se séparent sans accord et le client repart avec les mains vides.

Il est maintenant 10 heures. Notre hôte n’a toujours pas vendu un seul mouton. Mais pour autant, il ne s’inquiète pas trop, la journée est encore longue. « Nous sommes comme ça ici. Toujours à l’approche de la fête, les gens passent leur temps à se renseigner sur les prix des moutons. Nous savons que la plupart de ces clients qui viennent nous voir actuellement, ne sont pas encore prêts à acheter. En général, le marché ne s’anime réellement qu’à deux ou trois jours de la fête, parce tout le monde ne peut pas entretenir un mouton à la maison pendant longtemps. Donc, nous devons nous patienter toujours»,précise Harouna Coulibaly.

Toutefois, Harouna s’inquiète de la campagne dans sa globalité. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est que notre travail devient d’année en année difficile. Cette année, il y a une particularité que je ne comprends pas à présent. Je constate que dans les villages, les bétails deviennent de plus en plus chers et à Bamako les clients se plaignent, arguant qu’ils n’ont pas d’argent et c’est vraiment inquiétant pour moi », ajoute-t-il.

Des difficultés multiples !

A environ trois kilomètres de Djélibougou, nous avons le parc de Quinzambougou au bord des rails. Nous arrivons là vers 10 heures 45 minutes. Ce marché est aussi timide que celui de Djélibougou. A l’entrée du parc, un homme tire avec toute sa force un mouton qui, à son tour, se défend aussi. C’est un chef de famille qui vient juste d’acheter son mouton. Il se sent soulagé et libéré d’une responsabilité sociale très énorme. «Je m’inquiétais un peu, parce que cette année tout le monde connait un peu d’instabilité économique et on n’est jamais très sûr de soi. Voilà pourquoi j’anticipe les choses. Je n’aime pas les choses de dernière minute, parce que tout peut se passer et à tout moment », témoigne-t-il. Interrogé sur le prix du mouton, il répond : « Je pense que le prix est raisonnable. Je l’ai eu à 65 000 francs CFA et je pense que celui-là (mouton) pourra faire mon affaire le jour de la fête.»

Selon plusieurs vendeurs, la vente du mouton à Bamako est, certes difficile, mais ce n’est pas l’équation la plus prioritaire à résoudre. « Nous connaissons toujours des difficultés dans nos ventes ici à Bamako. Cela n’est pas nouveau. Mais ce qui fait que le mouton devient de plus en plus cher, c’est que nous avons énormément de difficultés sur le terrain (dans les campagnes). Imaginez, moi j’achète ces moutons dans la région de Gao, souvent à Hombori et d’autres villages très loin d’ici, et vous n’êtes pas sans savoir que l’insécurité règne dans ces zones-là. Pour aller acheter là-bas, il faut sacrifier sa vie. L’autre problème, c’est qu’on ne  peut pas se promener avec l’argent dans la poche et il n’y a plus de banque dans ces zones, donc nous sommes obligés de déposer l’argent sur l’orange money pour le récupérer une fois à la destination. Imaginez quelqu’un qui doit payer les frais d’un million sur orange money et payer son propre transport ainsi que celui des moutons, comment pourrait-il s’en sortir s’il ne vend pas assez cher ? », nous confie Modibo Garrigo, vendeur de moutons au parc de Quinzambougou.

Le même souci est partagé chez les vendeurs dans les parcs des quartiers de Sanfile, Faladiè et de Lafiabougou-Koda. «Tous ceux qui vous diront que le mouton peut être vendu à moindre coût cette année vous mentent où tout simplement, ils ne savent pas la réalité du terrain. Auparavant, quand nous achetions les moutons au niveau des villages, nous les chassions à pied jusqu’à Bankass ou Koro ensuite nous les transportions par camions jusqu’à Bamako. Mais, tel n’est pas le cas actuellement. Vous faites ça aujourd’hui, on vous attaque et on vous tue. Voilà pourquoi nous payons deux transports, à savoir des villages aux chefs lieux des cercles et de là-bas à Bamako », souligne Ousmane Guindo, vendeur au parc de Faladiè.

D’un côté, les acheteurs à Bamako et dans les capitales régionales sont confrontés à des problèmes causés par les conséquences de la pandémie du coronavirus et celles de la crise sécuritaire et sociopolitique, de l’autre côté, l’élevage est mis à mal par la même crise sécuritaire. A cela, s’ajoutent aussi les difficultés de transport des bétails des villages jusqu’à Bamako. A notre passage sur les différents parcs, les prix variaient entre 40 000 et 175 000 de francs CFA selon les moutons. Malgré cette fourchette, cette année avec ses multiples crises, les vendeurs et acheteurs semblent être plus inquiets que les moutons eux-mêmes.

Amadou Basso

Source : Ziré

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