« C’est un début très modeste, mais c’est un début », c’est ce que dit l’émissaire de l’ONU pour le conflit syrien, Lakhdar Brahimi, au dernier jour des pourparlers de Genève entre la délégation du régime syrien et celle de l’opposition. Après trois ans de guerre et dix jours de discussions, les rencontres n’ont abouti à aucun résultat tangible et le régime syrien, par la voix de son ministre de l’Information, prévient qu’il ne fera aucune concession. Une nouvelle séance de négociations est prévue le 10 février prochain, sous réserve d’acceptation du régime syrien.
« C’est un début très modeste mais un début sur lequel on peut construire ». Pour le médiateur Lakhdar Brahimi, la première phase des négociations de Genève n’a pas permis de progrès tangibles. Les deux camps campent sur leurs positions apparemment irréductibles. Il a tout de même tenu, en tirant le bilan de ces 19 jours de pourparlers, à noter qu’un peu de terrain commun s’était dégagé. Il a souligné que le régime et l’opposition s’entendaient pour dire qu’il convient de mettre fin aux atrocités, que les deux camps rejettent le terrorisme et que le peuple syrien est le seul à décider de son sort.
Aucune avancée pratique
Pour Lakhdar Brahimi, les deux camps disent souvent la même chose, comme sur la nécessité de mettre en place un régime de transition, mais ils diffèrent fondamentalement sur les moyens d’y parvenir et sur la finalité de ce régime. Tout au long des discussions, l’émissaire des Nations unies, fidèle à sa politique des petits pas, pensait qu’il était possible au moins d’obtenir des autorités syriennes qu’elles autorisent les femmes et les enfants, assiégés dans la ville d’Alep, à quitter la ville et permettre l’acheminement de vivres et de médicaments. Peine perdue.
Pour Fabrice Balanche, directeur de recherche à l’université Lyon II et spécialiste du Moyen-Orient, un constat s’impose au terme de ce sommet : il n’y a eu aucune avancée sur le plan pratique.
« Il y a eu quelques gestes humanitaires de la part du régime syrien, mais il était venu à Genève avec ça pour montrer sa bonne volonté. En revanche, sur l’essentiel, notamment sur le cessez-le-feu, il n’y a rien en vue. La coalition nationale syrienne ne peut pas imposer un cessez-le-feu aux rebelles puisqu’il n’y a pratiquement pas de liens entre l’opposition politique et l’opposition militaire.
Et c’est la même chose pour ce qui concerne le gouvernement de transition. Ce n’est pas la coalition nationale syrienne qui peut faire pression sur le gouvernement syrien pour lui imposer un gouvernement de transition. On sait très bien que ça se joue sur le terrain militaire. Ou dans les coulisses, entre les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Russie. »
Avantage au régime syrien
En fait, le seul aspect positif est bien d’avoir réuni les deux camps autour d’une même table et d’avoir évité la rupture du processus, un processus qui devrait reprendre le 10 février prochain si Damas donne son accord, un accord déjà obtenu de l’opposition. En attendant, la guerre en Syrie a déjà fait quelque 130 000 morts et plus de 9 millions de déplacés.
Selon Fabrice Balanche, la conférence de Genève 2 a donc surtout servi le régime syrien :
« Ils se sont rencontrés effectivement et ils n’ont pas claqué la porte. Mais c’est une posture politique. Le gouvernement syrien ne va pas partir, parce qu’il donnerait l’impression de fuir devant cette opposition. Il préfère bien au contraire rester à Genève, montrer qu’il représente une institution et pousser plutôt les autres vers la sortie.
De toute façon, pour le régime syrien, Genève n’était qu’un moyen de se relégitimer. Qui aurait pu penser il y a un an qu’il aurait été invité à une négociation au sommet. C’était aussi une tribune pour pouvoir parler aux journalistes étrangers et, si possible, achever de tuer l’opposition syrienne en provoquant sa division. Puisqu’on sait qu’elle était très divisée à l’idée de participer à Genève. Pour le régime, Genève a été plutôt un succès ; pour la diplomatie, je ne suis pas sûr. »
rfi