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Suspension du Mali par la Cedeao et l’UA : «Il n’y a pas d’impact sur la situation économique, ni sur les flux financiers », dixit Boubacar Gouro Diall

Dans les lignes qui suivent, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale donne des éclairages sur les sanctions prises contre notre pays par les organisations internationales, suite aux évènements du 24 mai dernier. Aussi revient-il sur les perspectives de la candidature malienne au perchoir du Parlement panafricain

L’Essor : Que signifie concrètement la suspension du Mali par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine de leurs instances respectives ?

Boubacar Gouro Diall : Je voudrais d’abord préciser que le mécanisme de suspension n’existe pas au niveau de toutes les organisations internationales. Il y a des organisations internationales qui essaient de favoriser un volet politique dans leur mode de fonctionnement. Par exemple, si vous prenez le G5 Sahel, il n’est pas prévu un mécanisme de suspension, donc le Mali reste dans cette organisation et nous allons prendre part à ses activités.

Parce que simplement, cette organisation ne s’est pas dotée d’un tel mécanisme. Mais, il y a d’autres organisations comme la Cedeao, l’UA et la Francophonie qui ont prévu dans leur mode de fonctionnement que devant certaines circonstances, un État peut perdre certains de ses droits provisoirement.

Parmi ces droits, il y a la présentation des candidatures. Par exemple aujourd’hui, aucune candidature malienne ne peut être acceptée à la Cedeao comme à l’Union africaine. La Francophonie s’est réunie ce jeudi 3 juin, j’ai déjà vu le projet de résolution qui prévoit la suspension du Mali, c’est un projet mais il sera adopté. Donc, en plus de la Cedeao, de l’UA, la troisième organisation qui va suspendre le Mali serait la Francophonie.

Durant la période de suspension, le pays est tenu toujours par ses obligations. Par exemple, nous allons payer nos contributions et appliqué toutes les décisions de ces trois organisations. Quand vous êtes suspendus ça ne suspend pas votre qualité de membre, mais c’est seulement des droits que vous perdez provisoirement.

Par exemple, si le Mali est candidat à un poste international, avant la suspension, on aurait pu demander le soutien de l’UA et de la Cedeao pour qu’elles endossent et défendent cette candidature au niveau international.

Mais aujourd’hui avec la suspension, on n’aura pas le soutien de ces organisations si nous avons un candidat qui brigue pour un poste au niveau international. Donc, ça aussi c’est un droit que nous perdons. Mais, les obligations demeurent. Donc, la finalité, la suspension, en plus du fait que l’organisation ne nous apportera pas son soutien, nous n’allons pas prendre part à ses activités aussi.

Dans deux semaines, il y aura un sommet de la Cedeao à Accra, qui sera précédé de la réunion du Conseil de paix et de médiation, précédée aussi de la rencontre ministérielle. Le Mali ne pourra participer à aucune de ces réunions du fait de sa suspension. Si demain, il y a une réunion au niveau de l’UA à quelque niveau que ce soit (experts, ministériel ou du Sommet), le Mali ne sera pas invité et ne participera pas à la réunion.

L’Essor : Quelles peuvent être les conséquences de ces suspensions sur notre pays sur les plans politique et économique ?

Boubacar Gouro Diall : Peut-être sur le plan diplomatique, cela engendre un certain isolement dans la mesure où nous n’avons plus d’occasion de venir prendre part à la discussion et de faire valoir notre point de vue. À ce niveau, on sera un peu handicapé. S’il y a une question importante qui est en discussion, le Mali ne pourra pas dire ce qu’il pense de cette question, quelle est sa vision. C’est-à-dire qu’on ne pourra pas faire passer notre position. Donc, c’est une des conséquences, puisque pour faire valoir son point de vue, il faut être là. Au plan diplomatique, cela présente un certain inconvénient pour nous.

Mais au-delà, si vous prenez le communiqué issu du sommet des chefs d’État de la Cedeao, ceux de l’UA et de la Francophonie en perspective dont j’ai déjà lu le contenu, toutes ces organisations maintiennent leur coopération avec le Mali et s’engagent à continuer à soutenir le processus de transition.

Et, pour ne pas créer l’équivoque, ces organisations invitent les partenaires internationaux du Mali, telles que l’Union européenne (UE), les Nations unies, à continuer à appuyer notre pays. Donc, on peut dire que nos relations avec les partenaires vont se poursuivre. Puisque les organisations qui nous ont suspendus n’ont pas voulu quand même que cela ait un effet dans nos relations avec les autres organisations, telle que l’UE. Si ce détail n’avait pas été mentionné, cela aurait pu créer une certaine confusion et amener ces organisations à dire : puisque l’organisation à laquelle vous appartenez vous a suspendu, nous, on ne peut plus rien faire pour vous.

Donc, vraiment c’est la Cedeao qui a donné le ton. En fait, dans le système de règlement des conflits et des crises, c’est l’organisation sous régionale qui a la primauté. Que ce soit l’Union africaine, les Nations unies ou la Francophonie, tout le monde regarde dans quel sens va la Cedeao.

Parce que au niveau international, le règlement des crises, c’est d’abord l’organisation sous régionale qui a la primauté, et maintenant en fonction de sa décision, les autres aussi calquent leur position. Et, cette organisation a dit de continuer à soutenir le Mali.
Ainsi, par rapport à la situation économique, on peut dire que l’effet ne sera pas comme ce que nous avions connu en août 2020, lorsqu’il y a eu l’embargo.

En fait, c’est l’embargo qui a un effet sur l’économie, parce qu’il y a la fermeture des frontières. Donc, ça interrompt le processus commercial. En plus, s’il y a les sanctions bancaires, elles perturbent complètement les flux financiers. Cette fois-ci, il n’y a pas d’embargo et l’économie ne sera pas affectée. Nos relations continuent avec le monde extérieur et il n’y a pas d’impact sur la situation économique ni sur les flux financiers. Cependant, nous ne pourrons plus participer aux réunions et par conséquent défendre et faire valoir les positions du Mali.

L’Essor : Quid de la candidature malienne à la présidence du Parlement panafricain ?

Boubacar Gouro Diall : Avant même que l’UA ne prenne la décision de suspendre le Mali, il y a eu beaucoup de cacophonie avec des tentatives plusieurs fois pour reporter le vote avec des motifs invoqués dont la validité laisse à réfléchir. Mais, toujours est-il dit qu’en fin de compte l’élection n’a pas pu avoir lieu.

Alors qu’il était certain que la candidate présentée par le Mali avait toutes les chances de remporter cette élection. À partir du travail diplomatique qui a été fait et tout le lobbying qui a été mené, à la lumière des évaluations que nous avions faites, il n’y avait presque pas d’obstacle pour l’élection de notre candidate à la tête du Parlement panafricain. Mais, avec cette décision qui a été prise, tout le processus de l’élection a été arrêté.

Il y a un communiqué que le président de la Commission de l’UA a publié mercredi dernier, demandant d’interrompre le processus, d’attendre qu’il y ait la sérénité pour pouvoir le reprendre. Au moment où le vote doit être repris, il faut espérer que la suspension soit levée. Au cas contraire, le Mali ne peut pas présenter de candidat, et nous avons connu cela par le passé.

Après le coup d’État de mars 2012, le Mali a été suspendu et tout ce qu’on avait comme candidat n’a pas pu concourir. Par exemple, on avait un candidat (juge), qui cherchait une réélection à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, mais en raison de la suspension du Mali, il a été purement et simplement éliminé de la liste des candidats. Si la mesure est levée, nous pouvons reprendre nos candidatures à tous les niveaux. Mais tant que la mesure va demeurer, nous ne pourrons pas être candidat à quelque niveau que ce soit. Notamment au niveau de la Cedeao, de l’UA et bientôt ce serait le cas de la Francophonie.

L’Essor : Avez-vous un message pour rassurer nos compatriotes ?

Boubacar Gouro Diall : Si les Maliens se mettent tous ensemble, la communauté internationale forcement va nous accompagner. Il faut que nous-mêmes montrions à la communauté internationale que nous avons le désir de sortir notre pays de cette crise. Parce qu’en réalité, les partenaires, que ce soit l’UA ou les Nations unies, leurs efforts viennent toujours après ceux des Maliens eux-mêmes. Les autres nous accompagnent, mais l’essentiel doit venir du peuple malien lui-même.

Propos recueillis par
Aboubacar TRAORÉ

Source: Essor
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