Au Mali, les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des Organisations de la société civile (OSC) sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.
L’annonce a été faite le 10 avril dernier par le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, qui a lu devant les journalistes, un décret pris en Conseil des ministres par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta. La raison principale ayant conduit à cette fatwa du locataire du palais de Koulouba contre les entités concernées, est, à en croire les explications du porte-parole du gouvernement, la nécessité d’instaurer un climat de sérénité en attendant les conclusions du dialogue national inter-malien lancé en décembre dernier par le président de la transition et censé trouver des solutions aux problèmes du pays. Il a aussi évoqué la hausse « des actions de subversion des partis politiques et de leurs alliés » au moment où le défi sécuritaire reste encore entier, malgré la prise de Kidal, l’ex-bastion des groupes rebelles du Nord, en novembre dernier.
On voyait venir les autorités de Bamako désormais prises au piège de leur propre engagement à rendre le pouvoir aux civils
Mais à l’analyse, tout porte à croire que cette décision n’est pas étrangère au regain d’activisme des partis politiques et autres associations qui ont commencé à donner de la voix pour réclamer la tenue de l’élection présidentielle et la fin de la transition, au terme du délai que s’étaient fixés les militaires au pouvoir à Bamako en accord avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Un délai qui a échu, selon les contempteurs de la transition, le 26 mars dernier et qui plonge le pays dans un vide juridique et institutionnel. Mais les autorités de la transition ne l’entendent pas de cette oreille et pensent que la priorité n’est pas aux élections, mais à la stabilisation du pays. Du reste, avant même la prise du décret présidentiel, le Premier ministre, Choguel Maïga, face aux agitations de la classe politique et de certaines organisations professionnelles et de la société civile réclamant à cor et à cri la tenue de la présidentielle de fin de transition, n’est pas passé par quatre chemins pour cracher ses vérités en soutenant qu’il n’y aura pas d’élections sans sécurité au Mali. C’est dire si le décret portant suspension des activités des partis politiques et des OSC, n’est pas véritablement une surprise. Mieux, on peut même dire qu’on voyait venir les autorités de Bamako désormais prises au piège de leur propre engagement à rendre le pouvoir aux civils selon le calendrier préétabli et qui semblent à présent faire feu de tout bois pour le conserver. Autrement, comment comprendre que plus de six mois après avoir annoncé « un léger report pour des raisons techniques », elles peinent encore à fixer les Maliens sur la prochaine date des élections qu’elles s’étaient elles-mêmes engagées à organiser en février dernier, pour signer le retour du pays à l’ordre constitutionnel ?
On attend de voir quelle sera la réaction des partis politiques
La question est d’autant plus fondée que l’autre facteur potentiel de blocage, entre-temps évoqué, et relatif à la « prise en otage de la base de données du recensement administratif » par l’entreprise française IDEMIA, a été levé par la récupération, à en croire les mêmes autorités de la transition, des « données biométriques des Maliens » par une équipe d’informaticiens hyper-qualifiés. Et que dire de cette propension à jeter presque systématiquement au gnouf, les voix comme celle de Adama Diarra dit « Ben le Cerveau », Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath ou encore Rokya Doumbia dite Tantie Rose, qui osaient porter des avis critiques sur la gestion de la transition quand elles n’appelaient pas simplement au respect du calendrier électoral ? C’est dire combien la suspension des activités des partis politiques et des OSC traduit l’embarras des autorités de Bamako qui semblent, de plus en plus, gênées aux entournures par la clameur des voix, de plus en plus nombreuses, qui appellent à l’organisation des élections pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais maintenant que la décision de suspension est tombée, on attend de voir quelle sera la réaction des partis politiques. Accepteront-ils d’avaler la pilule et de se tenir à carreau ? Ou entreprendront-ils des actions visant à continuer la lutte ? L’histoire nous le dira. En attendant, avec la nouvelle donne qui les a vu lever la pression de la CEDEAO par le retrait du Mali, en même temps que les autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) que sont le Burkina et le Niger, de l’organisation sous-régionale, tout porte à croire que les autorités intérimaires du Mali sont bien parties pour dérouler leur agenda dont les enjeux semblent aller au-delà de la simple formalité d’organisation des élections.
Source: Le Pays