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Supplément culture: Vestibules de Biton Coulibaly. LES SEPT ÉTAPES DU RITUEL D’ACCUEIL

Avant d’être reçu en audience par le roi bamanan, le visiteur était obligé de passer par des épreuves. Et gare à celui qui échouait sur le parcours semé d’embûches !

Sur la multitude de sites touristiques attrayants que regorge la région de Ségou, Ségou-Koro, l’ancienne capitale du Royaume Bambara, située à une dizaine de kilomètres de la cité des Balanzans, sur la route de Bamako, reste un pôle d’attraction majeur. Le village de Ségou-Koro renferme encore, de nos jours, un riche patrimoine culturel parmi lesquels figurent le « Biton blon » (ou les Sept vestibules de Biton), la sépulture de l’illustre roi, la mosquée qu’il a fait construire à la demande de sa mère et la première mosquée construite par Cheick Marouf, fondateur du village.
Ce jeudi, sous un soleil ardent, bien loin de l’incroyable tohu-bohu mécanique de la ville de Ségou, nous arrivons à Ségou-Koro. Sur place, nous sommes captivés par la splendeur des maisons en banco, le calme et l’air frais qui circule. Avant de visiter les Sept vestibules de Biton Mamary Coulibaly et sa tombe, nous avons rencontré le chef de village de Ségou-Koro, Kokedjé Coulibaly drapé dans un grand boubou blanc. Ce descendant du grand Biton est nostalgique d’un passé récent où une foule bigarrée de touristes se pressait pour découvrir les vestiges du puissant Royaume bambara. Grâce à la taxe touristique qui était prélevée et avec l’appui des partenaires, une vingtaine de salles de classe ont été construites ainsi qu’un centre de santé, a-t-il signalé, avant de regretter le fait que de nos jours, les touristes se comptent sur les doigts de la main à cause de la crise sécuritaire. Néanmoins, le chef de village se veut optimiste avec la promotion du tourisme local.
Pour se rendre au « Biton blon », il faut traverser les ruelles non rectilignes de Ségou-Koro. Symbole de la puissance du Royaume bamanan de Ségou sous le règne de Mamary Coulibaly dit Biton, la bâtisse était le passage obligé pour tous ceux qui désiraient rencontrer le souverain. Toutes les assemblées relatives à la gouvernance du Royaume avaient lieu dans le « Biton blon », un impressionnant bâtiment de forme carrée et haut de quatre mètres. Sur place, le visiteur est frappé en premier lieu par l’architecture soudano-sahélienne et la couleur ocre.
Le bâtiment est en terre crue avec un toit en terrasse. Le crépissage est fait avec des matériaux locaux. Il s’agit de la terre mélangée à de la paille avec des écorces de riz et de mil. La dernière couche de couleur rouge est un mélange d’argile et de beurre de karité d’une qualité exceptionnelle et unique.
Aussi, le bâtiment se caractérise par l’épaisseur des murs qui, de l’extérieur, sont soutenus par des pieds d’éléphants pour les rendre plus résistants. Du bois est incrusté dans les murs d’élévation pour les fortifier. Mieux, 20 pilastres en bois sculptés représentant des bustes d’hommes et de femmes soutiennent en partie la charge de la toiture.
Adame Ba Konaré, l’historienne et ancienne Première dame du Mali (1992-2002) dans son ouvrage « L’os de la parole » et l’écrivaine Maryse Condé dans son célèbre roman historique « Ségou, Les murailles de terre » (traduit en français, en anglais, en allemand et en néerlandais), font une large description de Ségou-Koro avec les vestibules du palais royal à l’architecture originale fondée sur des réalités socioculturelles propres aux Bambaras.
Selon certaines sources orales, le premier vestibule donnant accès au roi était une pièce d’ambiance plutôt grave. Il était l’entrée et la sortie du complexe palatial et le creuset à la fois du bien et du mal. Et pour cause, le visiteur (demandeur d’audience) était accueilli par sept Tondjons (serviteurs du ton) assurant la garde au niveau de chaque vestibule. Les deux premiers à l’entrée étaient armés, l’un d’un gourdin (à gauche de l’intrus), l’autre d’un sabre (à droite).

INTIMIDATION
En signe de bienvenue, de la noix de cola, du tabac et de l’hydromel étaient servis à l’hôte par d’autres serviteurs du ton, tandis que le devin, sans lever un seul instant les yeux, continuait à scruter le sable, sa table de géomancie. Une fois le seuil de ce premier « bulon » (vestibule en langue bamanan) franchi, le visiteur était obligé de décliner son identité et les raisons de sa visite. Cette sommation était suivie d’une fouille corporelle accompagnée d’une kyrielle de questions intimidantes. Si malgré les effets de l’hydromel, il résistait et maintenait son désir de rencontrer le souverain, il pouvait passer dans le second vestibule.
Les 2è, 3è, 4è et 5è vestibules étaient à l’image du premier, des lieux de soumission à de nouvelles épreuves : menaces physiques, interrogatoire musclé et plus rébarbatif. Dès le second vestibule, deux rapporteurs filaient rapidement pour annoncer au roi la présence de l’étranger. Le sort du visiteur était décidé dans le 6è vestibule, une réplique du 1er où sont mis en œuvre plus d’épreuves dissuasives. Il s’agit notamment du harcèlement des « Tondjons », la colère des oracles, la poursuite de la cuite d’alcool avec un service soutenu de dolo (bière de mil), etc. Si, la langue déliée par l’alcool, et la peur éventuelle manifestée face aux épreuves, le visiteur se montrait indigne de foi, il n’avait pas accès au roi. Si, au contraire, malgré les épreuves il reste lucide et déterminé à rencontrer le roi Biton, il est conduit chez lui. Pendant la nuit, les sept vestibules étaient éclairés par des lampes à huile au nombre de quatre par vestibule, excepté le 7è qui en comptait 8. Quant au sol du dernier vestibule qui servait de trône royal, il était recouvert de peaux tannées de taureaux rouges. Sur le trône du roi, était étalée une peau de lion. Assis sur son trône, Biton Coulibaly était entouré des serviteurs de la cour royale, de serveurs de dolo et un domestique, dont le rôle était de ventiler le roi et le griot de la cour.
Dans la conception animiste des Bambaras, le nombre sept des vestibules est une codification numérale de la vie. L’homme est représenté par le chiffre trois. Le site était aussi un véritable temple du savoir qui était utilisé pour soigner les malades et protéger les individus contre les mauvais esprits en trois jours (homme). Idem pour les sacrifices. Le chiffre quatre est celui de la femme. Il représente l’univers féminin. La femme, en milieu traditionnel bamanan, se lave ainsi quatre fois et durant quatre jours avec des potions magiques pour se protéger. L’addition de ces deux chiffres représentant l’homme et la femme explique pourquoi Biton Coulibaly a érigé sept vestibules.

LA MOSQUEE DE BA SOUNOU SACKO

A Ségou-Koro, au bord du fleuve Niger, les pêcheurs se préparent pour leur prise quotidienne. En ce lieu et près d’un immense arbre se dresse somptueusement la première mosquée de Ségou. Des œufs d’autruche surmontent les pinacles de l’édifice religieux qui fut construite par Cheick Marouf, musulman d’origine syrienne, selon certaines sources.
C’est vers 1500 qu’il aurait fondé le village de Ségou. Surnommé Cheickou ou Sékou (titre religieux), il s’installa sur la berge du fleuve Niger avec de nombreux talibés qu’il avait recruté le long de son voyage. Cheickou, dénommé de nos jours Cheickou Koroba (le vieux Cheickou), commence par construire une mosquée qui deviendra rapidement un centre de diffusion de la religion musulmane. Devant retourner dans sa région d’origine, Cheickou quitte son village (Ségou-Koro) et meurt à mi-chemin à environ 30 km près du village de Karako, où sa tombe est de nos jours toujours vénérée. Par la suite, un autre Cheick du nom de Cheick Malamine originaire aussi de la Syrie, serait venu s’installer sur les ruines de l’ancien village de Cheickou Koroba.
Il aurait découvert les ruines d’une petite mosquée ainsi que des livres écrits en arabe. Estimant cette découverte comme un signe du destin, il aurait reconstruit la mosquée et relancé le centre d’études coraniques. De nos jours, Ségou-Koro constitue un bourg cosmopolite, où se côtoient des Bamanans, des Bozos, des Somonos, des Peulhs, des Dogons, etc. Bien que le roi de Ségou, Biton Coulibaly était animiste, il a construit pour sa mère Ba Sounou Sacko qui était soninké et de religion musulmane une mosquée à Ségou-Koro, où cette dernière pratiquait sa religion en toute quiétude.
Aujourd’hui, la mosquée construite en banco a une centaine d’années d’âge avec un style architectural comparable à celui de Djenné. Elle est toujours bien entretenue et les fidèles musulmans y accomplissent le 5è pilier de l’islam.
M. S.
AMAP-Ségou

Source: L’Essor

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