La campagne présidentielle pour l’élection du 29 juillet 2018 est officiellement lancée depuis le samedi, 07 juillet, à 00H00 précise. Aussitôt après, les affiches ont pris d’assaut les grandes artères de Bamako et la route de Kati. Pour le moment, ce sont les deux « grands » candidats, Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Kéita, qui lancent les débats à coups de slogans qui rivalisent pour attirer l’attention des électeurs. Cependant, il est curieux de constater que les différentes stratégies de communication des deux candidats ne sont pas aussi originales et aussi éloignées qu’on voudrait le faire croire. Du moins dans la conception et la présentation des affiches de campagne. C’est donc parti pour la campagne présidentielle comptant pour le scrutin du 29 juillet 2018.
Du moins officiellement car depuis bien longtemps déjà, les « hostilités » avaient été ouvertes sous forme de conférences de presse, de marches et contremarches et par associations et comités de soutien interposés qui n’ont jamais été aussi nombreux que ces trois ou quatre derniers mois. Pour l’heure, ce sont les candidats Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Kéita, supposés être les « poids lourds » de cette présidentielle qui tiennent le haut du pavé. Un peu partout dans la capitale et sur les routes menant à Kati et Koulikoro, trônent des affiches géantes des deux finalistes de l’élection présidentielle de 2013. Tous les sondages concourent à la répétition du même scénario. Vêtu d’un ensemble blanc et coiffé d’un bonnet de la même couleur, le Président-candidat de l’URD se présente comme l’Espoir pour redresser un Mali en perdition et restaurer la confiance des Maliens dans leurs dirigeants. En fait, le slogan de campagne de Soumaïla Cissé « Ensemble restaurons L’Espoir » est celui de la coalition qui soutient sa candidature. Ce slogan est une invitation aux Maliens à travers l’adverbe « Ensemble ».
C’est dire donc que Soumaïla Cissé ne semble pas se positionner comme le « sauveur » du Mali, celui qui, seul, pourra faire renaître « l’espoir » dans le cœur des Maliens. Le travail pour relever les innombrables défis qui se posent au Mali sont au-delà des forces d’un seul homme, d’un seul parti voire d’une coalition de partis et d’associations. C’est avec tous les Maliens (Ensemble) que ce travail sera fait. Mais en même temps, l’élection est un deal entre un candidat et ses électeurs, un deal où la personnalité de celui qui sollicite les suffrages est très déterminante. Cela, les communicateurs de la campagne de Soumaïla Cissé le savent parfaitement.
Ainsi, de loin, c’est l’immense portrait du candidat qui frappe d’abord le passant. Puis vient le mot « Espoir » écrit plus grand que « Ensemble restaurons ». Ainsi, le candidat de l’URD se présente bien comme l’ultime « Espoir », lui qui n’a cessé, au cours de ces cinq dernières années, de dénoncer le bilan catastrophique d’IBK sur tous les plans. Pour Soumaïla Cissé, le Mali ne s’est jamais porté aussi mal que sous le pouvoir d’IBK où, selon lui, la gouvernance aurait manqué de vision et le Président aurait totalement déçu l’espoir des millions de Maliens qui ont misé sur lui en 2013.
Le Chef de file de l’opposition est tout à fait dans la mouvance de son affiche de campagne lui qui a affirmé au cours du meeting tenu hier, dimanche 08 juillet 2018, sur le Boulevard de l’Indépendance (tout un symbole) : «Notre pays est à présent devant un choix majeur : continuer sur le chemin actuel qui conduit à l’échec ou se redresser pour redevenir ce que le Mali a toujours été : un pays stable, libre, uni et fier ». Pour le reste, Soumaïla Cissé n’a que des promesses pour le peuple malien. « Pour permettre à chacun de mieux vivre, de mieux se soigner, d’avoir un emploi et d’être mieux éduqué, ma gouvernance économique sera énergique et intraitable », assure-t-il. « Ensemble marchons vers le Progrès » est le slogan de campagne du Président sortant Ibrahim Boubacar Kéita. Si la similitude avec son challenger se situe au niveau du mot « Ensemble » et un verbe à l’impératif (qui est ainsi une invitation à l’action), celle-ci s’arrête là. Car le verbe « restaurons » souligne un manque à combler tandis que « marchons » suggère la poursuite d’une œuvre non pas sur le chemin de l’espoir, qui suppose la souffrance du moment et le manque de perspective, mais « vers le Progrès ». Ainsi l’«espoir» s’oppose au « Progrès » en ce sens que le premier est au départ de l’action alors que « Progrès » est dans la continuité des actions déjà entreprises.
Le texte des affiches est stratégiquement proche cependant. Un grand portrait des candidats est assorti du mot principal en gras qui résume le mieux le programme de l’un et de l’autre. « Espoir » pour Soumaïla Cissé et « Progrès » pour Ibrahim Boubacar Kéita. Le ton de la campagne de trois semaines est ainsi donné. On s’attendra que le candidat Soumaïla Cissé, dans toutes ses interventions, mette donc en avant la situation politique, économique, sociale et sécuritaire catastrophique du Mali à ses yeux. Et Ibrahim Boubacar Kéita s’appuiera, sans doute, sur les réalisations faites, des services de sécurité renforcées et mises en confiance, une agriculture en progrès constant et une situation des travailleurs améliorée grâce des hausses sur les salaires et pensions de retraite.
Si des outsiders de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018 devront batailler dur pour émerger face aux «favoris » Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Kéita, leur sort n’en est pas scellé pour autant. En effet, le candidat de l’URD et celui du RPM apparaissent comme des « vieux » de la politique malienne issus de Mars 1991. Le changement, que beaucoup réclament, s’il devait advenir, ne pourrait se faire qu’au détriment de ces deux « favoris » régulièrement au second tour des présidentielles depuis 2002, en tout cas particulièrement pour Soumaïla Cissé, et longtemps associés à l’exercice du pouvoir depuis l’avènement de la démocratie. De nouveaux candidats, plus jeunes et relativement « propres » par rapport aux affaires politico-financières, ne soulèvent certes pas les foules dans leurs rares meetings parce qu’ils n’en ont pas la capacité financière, mais pourront peser dans cette présidentielle où visiblement les « favoris » devraient rafler la mise. Mais sait-on jamais ?