« Se créer une fortune en créant une famine », c’est le titre d’une enquête publiée ce mercredi 31 mai par The Sentry, l’équipe d’investigation du collectif américain Enough Project, qui lutte pour la fin des conflits en Afrique. Le collectif y met en lumière les pratiques financières et commerciales douteuses d’un général de l’armée sud-soudanaise Malek Reuben Riak, chef d’état-major adjoint depuis 2003 et pointé du doigt par le groupe d’experts de l’ONU sur le Soudan du Sud comme l’un des reponsables de violences qui ont contribué à la famine dans l’état d’Unité.
D’après l’enquête, plus de trois millions de dollars ont transité sur le compte personnel du général Reuben Riak au Kenya entre janvier 2012 et début 2016., dont 700 000 dollars provenant d’entreprises de construction ou d’extraction étrangères. Ces transactions sont particulièrement visibles avec l’entreprise minière China Wu Yi, qui a transmis plusieurs documents au collectif Enough Project.
Pour acheter les explosifs nécessaires à son activité, il lui fallait une autorisation du corps d’ingénieurs de l’armée sud-soudanaise. Et c’est l’armée qui l’a renvoyé vers Mak International, une entreprise présentée comme seule habilitée à vendre des explosifs et contrôlée – justement – par le général Reuben Riak, selon The Sentry.
Tout faire pour rester au pouvoir
Sur les huit paiements effectués par China Wu Yi, six chèques sont allés sur le compte personnel du général pour un total de 116 000 dollars, et seuls 13 500 dollars ont été versé à Mak International. Conflits d’intérêt ? Simple manque de transparence ? Pour The Sentry, ces transactions douteuses montrent en tous cas pour pourquoi certains militaires peuvent avoir intérêt à tout faire… y compris alimenter le conflit pour rester au pouvoir.
Le collectif s’intéresse aussi à des entreprises minières qui seraient codétenues par le général ou sa famille et des élites politiques du Kenya, d’Ethiopie et d’Ouganda. The Sentry s’interroge, par conséquent, sur la crédibilité de l’implication de ces pays dans les efforts diplomatiques pour ramener la paix au Soudan du Sud.
Un levier contre ceux qui en profitent
Cependant, ces transactions internationales peuvent être justement, selon JR Mailey en charge de l’investigation pour The Sentry, un levier de la communauté internationale contre ces officiels : « Le cas du général Ruben Riak montre bien que les personnes responsables de violations massives des droits humains et qui s’enrichissent énormément dans le même temps, sont en fait dans une situation précaire. Leurs biens sont aussi leur point faible. Chaque fois que quelqu’un, comme le général Ruben Riak, fait une transaction en dollars,
s’il utilise une banque, cette transaction passe par le système financier américain, ne serait-ce que pour une fraction de seconde. »
« Cela veut dire, continue JR Mailey, que le gouvernement américain en particulier, mais aussi d’autres gouvernements, ont là un important moyen de pression. Ils ont à leur disposition plusieurs outils de contrôle financier pour empêcher ces “cleptocrates” violents d’utiliser le système financier international. Des sanctions peuvent être imposées au général et à son réseau pour les empêcher de déplacer de l’argent. »
Pressions gouvernementales
Par ailleurs, « certains gouvernements peuvent aussi mettre plus de pression sur les institutions financières pour s’assurer qu’elles ne transfèrent pas,
volontairement ou non, des sommes issues de patriques criminelles ou de la corruption. C’est ce que nous demandons pour le Soudan du Sud, car il y a eu des dizaines de menaces de sanction, mais jusqu’à présent, aucune n’a été infligée à nombre de ces hauts dirigeants, pourtant responsables des pires violences », conclut le reponsable de The Sentry.
RFI