Cette fortification, destinée d’antan à protéger la ville contre les envahisseurs, est aujourd’hui en ruines. Plus grave, le site est sérieusement menacé par l’occupation anarchique. Champs de culture, kiosques des petits commerçants, marchés à bétail, panneaux publicitaires, dépôts d’ordures, ateliers de menuiserie… rien n’est épargné au célèbre mur d’enceinte. Pourtant, il s’agit d’une représentation matérielle de l’organisation militaire et du savoir-faire du royaume du Kénédougou
Le Tata renvoie au souvenir du temps de Tièba et de Babemba Traoré. Ces indomptables rois qui ont vécu à Sikasso entre 1877 et 1898. Le Tata ou encore « tarakoko » pour la population locale constitue un mur qui servait à protéger la ville contre les envahisseurs. La fortification, faite en banco, pierres et en gravions, était parsemée de petits trous par lesquels les sofas surveillaient ou tiraient sur l’ennemi. Juste après les tirs, les guerriers s’accroupissaient derrière le tata pour se protéger contre les tirs adverses.
Certains historiens soulignent que le Tata comptait trois enceintes concentriques : l’enceinte intérieure qui entourait le « dionfoutou » ou encore la famille royale, le Tata intermédiaire qui était destiné à isoler les marchands, les soldats et les nobles et le Tata extérieur qui entourait toute la ville. De manière générale, l’ouvrage est reconnu comme une des plus célèbres fortifications militaires du Mali. En plus de son aspect défensif, la fortification était un moyen de contrôler les routes commerciales de la ville. Elle tire sa renommée du siège sans succès de Samory Touré, quinze mois durant, de mars 1887 à juin 1888, les guerriers de Samory Touré étaient bloqués sur les hauteurs du Nankafali « kuru » et du Samory « kuru », deux collines encore observables dans le paysage urbain de Sikasso.
La forteresse est aujourd’hui matérialisée par des vestiges importants situés dans les quartiers de Mancourani, Médine, Wayerma, Bougoula ville et Foulasso. À ceux-ci, s’ajoutent les sept portes construites en matériaux modernes sur l’emplacement des passages d’antan par l’État à partir de 1995.
De nos jours, ce patrimoine culturel est en train de fondre au fil du temps et se trouve gravement agresser par la population. Il suffit d’y faire un tour pour se rendre compte de la réalité. L’occupation anarchique, notamment les champs de culture, les passages forcés, les kiosques des petits commerçants, les toilettes et les marchés à bétail sont installés sur le Tata. Les plaques d’indication ou publicitaires, les ateliers de menuiserie, les vendeurs de bois de chauffe, les dépôts d’ordures s’y trouvent également.
Zoumana Bamba est le chef de la mission culturelle de Sikasso qui assure la mise en œuvre de la politique nationale en matière de préservation du patrimoine culturel de la région. Il soutient que sur un total de neufs kilomètres de longueur que mesurait la forteresse, de nos jours, il en reste moins de quatre kilomètres. À l’en croire, la dégradation du patrimoine remonte à l’époque coloniale suivie par la construction des édifices publics, les particuliers et la pression urbaine.
Se prononçant sur les valeurs de la fortification, Bamba dira qu’elle constitue un témoin matériel de l’organisation militaire et d’un savoir-faire séculaire du royaume du Kénédougou. En plus d’être porteur de nombreuses valeurs, ce mur constitue un véritable pan de l’histoire de notre pays. Il est aussi un symbole de grandeur et de courage des vaillants guerriers de l’époque.
Évoquant les réalisations effectuées en matière de sauvegarde du Tata, le responsable de la mission culturelle affirme qu’en 2019, un financement de l’État a permis d’entamer les travaux de restauration et d’aménager l’espace tampon (les garde-fous métalliques, les parterres, les fleurs, les lampadaires solaires, les paillottes, le jet d’eau et les dalles en béton. En outre, Zoumana Bamba souhaite déguerpir les occupants illicites de la forteresse. Ce, avec la collaboration de la mairie afin de faire du patrimoine, un titre foncier. Il entend également procéder à la délimitation, au bornage et à l’immatriculation dudit mur. Il souhaite aussi élaborer un plan de conservation et de gestion du patrimoine.
Ces actions sont d’autant plus nécessaires que les ruines du Tata sont inscrites à l’inventaire dans le cadre national et il figure aussi sur la liste indicative de l’UNESCO.
De son côté, le directeur régional de la culture, Adama Niang réaffirme que c’est la population qui est à la base de la destruction de ce mur emblématique. « Elle s’approvisionnait en banco à partir de l’ouvrage pour construire leurs maisons », révèle-t-il, ajoutant que la population ne semble saisir à sa juste valeur l’importance à cette merveille culturelle façonnée par ses ancêtres.
Source : L’ESSOR