C’est à un énième sommet à laquelle nous avons assisté à Accra, ce 7 novembre 2021, de la part d’une organisation sous régionale qui délire depuis qu’elle a pris goût aux escapades en dehors de sa zone institutionnelle de confort économique.
La CEDEAO vagabonde en errance institutionnelle loin de ses terres de prédilection, est devenue une organisation sous régionale insolente qui ne roule plus que pour les intérêts de son petit clan de pseudos démocrates de Chefs d’Etats.
Le nouvel uniforme de gendarme auto proclamé de la démocratie qu’elle enfile est d’un grotesque si amusant qu’il tend finalement vers la tragi-comédie par les humiliations qu’elle inflige à la nation souveraine du Mali.
UN ETAT SOUVERAIN SOUMIS DE FORCE A UN CALENDRIER ELECTORAL
L’humiliation permanente de la nation malienne par la CEDEAO sous le fallacieux prétexte de prétendues dispositions du droit communautaire, est devenue le petit jeu favori de cette organisation sous régionale qui semble hostile aux intérêts supérieurs de ce pays.
Ce qui explique quelque part, le mépris avec lequel ces Chefs d’Etat ont froidement accueilli la notification officielle à la CEDEAO par les autorités de Transition de l’impossibilité de respecter l’échéance de transition de février 2022. La seule réponse aux contraintes soulevées par le Mali s’est résumée à une arrogance institutionnelle mal placée restant arc-boutée sur des échéances électorales intenables.
Quelle arrogance institutionnelle mal placée, que de tenter d’imposer des échéances électorales à un Etat souverain !
Comme pour davantage traîner la nation malienne dans la boue, les Chefs d’État de la CEDEAO de ” réitérer la nécessité de respecter le calendrier de transition en ce qui concerne les élections prévues le 27 février 2022″ et ” d’appeler les autorités de transition à agir en conséquence pour assurer un retour rapide à l’ordre constitutionnel” tout en invitant la communauté internationale à l’aider- toujours la main tendue- à contraindre l’Etat souverain du Mali à se soumettre à ses desiderata.
Les Chef d’Etats de la CEDEAO pour la plupart mal élus parce que sorties d’urnes traficotées, vont-ils financer et organiser des élections bâclées dont ils sont coutumiers dans leurs propres pays, à la place d’élections démocratiques et transparentes que proposent les autorités souveraines maliennes ?
S’agissant de soi-disant élections prévues le 27 février 2022 :
De quel chronogramme électoral formel parle-t-on enfin, puisqu’il n’existe aucun Décret de convocation d’un quelconque collège électoral sous cette Transition ?
S’agirait-il alors d’un chronogramme inconnu du corps électoral malien, que des Chefs d’État étrangers, par ingérence dans les affaires intérieures du pays, voudraient lui imposer ?
Mais sans doute que les gouvernements étrangers des pays de la CEDEAO vont-ils devoir se rendre ici au Mali pour organiser eux-mêmes des élections qu’ils auraient eux-mêmes prévues le 27 février 2022 avec les moyens matériels, financiers et humains de l’organisation ou de leurs propres pays ! Surtout que le Mali semblé rayé de la carte des Etats souverains.
S’agissant de l’appel au retour rapide à l’ordre constitutionnel :
A ce qu’on sache, nul au Mali, y compris les autorités de la Transition, ne paraît opposé par principe au retour à l’ordre constitutionnel. Encore une fois, cette question relève avant tout de la nation malienne à laquelle appartient le droit souverain d’en décider, pour autant qu’il demeure un Etat souverain.
La durée de la Transition fixée par la constitution souveraine de la Charte du Mali, ne peut se proroger que dans le cadre d’un débat interne malien s’inscrivant dans un processus national de relecture de cette même Charte. Par ailleurs, aucun retour à l’ordre constitutionnel non issu du courant légitime des forces politiques et de la société civile internes au Mali ne peut être durable.
La CEDEAO et la soi-disant communauté internationale ont intérêt à cet égard, à faire preuve de discernement et de réalisme en ne cherchant plus à s’appuyer sur les forces rétrogrades des partis périmés et de leurs vieux leaders prébendiers de tous les régimes. Par ailleurs, il semble évident que tout retour à l’ordre constitutionnel téléguidé ou imposé de l’extérieur serait voué d’avance à l’échec.
UN ETAT SOUVERAIN COUPABLE D’EXERCICE D’UN DROIT DIPLOMATIQUE CLASSIQUE
Le sommet du 7 novembre 2021 renvoie ici, l’image que les Chefs d’États de la CEDEAO, comme s’ils ruminaient de vieux comptes à régler avec le Mali, voulaient tout simplement bafouer l’honneur de cette nation.
N’étant même plus considéré comme un Etat souverain sujet de droit international, l’expulsion par le Mali du diplomate Représentant spécial Hamidou Boly pour ingérence dans les affaires intérieures du pays, est jugée comme un acte illicite posé par les autorités maliennes !
Cette expulsion est condamnée par les Chefs d’Etat de la CEDEAO au mépris des règles et de la pratique diplomatique en la matière. Il s’agit d’une arrogance superflue de plus, déniant à l’Etat souverain du Mali, son droit légitime d’user de ses prérogatives diplomatiques normales par la mise en branle de l’article 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et l’article 23 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963.
Ces deux instruments conventionnels habilitent souverainement le Mali en tant qu’Etat accréditaire, à déclarer « persona non grata », n’importe quel représentant étranger se trouvant sur le sol malien y compris celui de la CEDEAO ou de l‘un quelconque de ses Etats membres.
Un acte d’expulsion d’un diplomate déclaré persona non grata ne se condamne pas dans les pratiques diplomatique. On en prend acte tout simplement. Le sommet du 7 novembre 2021 n’avait qu’à simplement prendre acte de l’expulsion de son Représentant spécial au Mali.
UN ETAT SOUVERAIN VICTIME DE SANCTIONS ILLICITES
La pratique de la CEDEAO en matière de sanctions liées aux coups d’Etat ne respecte pas son dispositif conventionnel. Elle jure en l’occurrence avec le Protocole de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance dans son article 45 qui ne prévoit que les sanctions suivantes :
– refus de soutenir les candidatures présentées par l’Etat membre concerné à des postes électifs dans les organisations internationales ;
– refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans l’Etat membre concerné ;
– suspension de l’Etat membre concerné dans toutes les instances de la CEDEAO.
Il ne s’agit pas, comme les Chefs d’Etat le font, de martyriser une nation souveraine en l’humiliant à coups de menaces, d’ultimatums ou même d’embargo.
Comme on peut le constater, ces sanctions dans leur esprit, sont de portée beaucoup plus pédagogique que punitive, pour la simple raison qu’elles mordent sur le terrain politiquement glissant du cœur de souveraineté des Etats membres de la CEDEAO.
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la disposition du Protocole stipulant que pendant la période de sanction, « la CEDEAO continuera de suivre, d’encourager et de soutenir tout effort mené par l’Etat membre suspendu aux fins de retour à la vie institutionnelle démocratique normale ».
Les sanctions infligées au Mali lors du sommet d’Accra du 7 novembre 2021 ne sont prévues par aucun instrument juridique communautaire. Pour raison de rupture constitutionnelle, aucun traité de la CEDEAO ne frappe de sanctions d’interdiction de voyager ou de gel de leurs avoirs financiers, « des individus et groupes identifiés », « des autorités et institutions de transition » ainsi que « les membres de leurs familles ».
Il ne fait pas de doute aujourd’hui que sur le terrain politique de la démocratie et de la gouvernance, la CEDEAO tend à dysfonctionner comme une marionnette organisationnelle instrumentalisée, qui n’éprouve que mépris, aussi bien pour ses textes fondateurs que pour les peuples et nations des Etats membres. Le coup d’Etat ne fait pas d’un Etat membre souverain, le vassal des autres Etats de la CEDEAO.
Ou alors, l’intention inavouée serait-elle de pousser le Mali humilié à claquer la porte de la CEDEAO à travers l’invocation de l’article 91 du traité révisé dans ses deux dispositions qui suivent :
« Tout Etat Membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un (1) an, sa décision au Secrétaire Exécutif qui en informe les Etats Membres. Al’ expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet Etat cesse d’être membre de la Communauté ».
« Au cours de la période d’un (1) an visée au paragraphe précédent, cet Etat membre continue de se conformer aux dispositions du présent Traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent Traité ».
Cette problématique fondamentale est au cœur de ce qui ressemble, de la part de la CEDEAO, à une mission commandée d’humiliation de l’Etat souverain du Mali, n’ayant rien à voir avec la disposition du Protocole exigeant de ses Chefs d’Etat, pendant la période de sanction, « de suivre, d’encourager et de soutenir tout effort mené par l’Etat membre suspendu aux fins de retour à la vie institutionnelle démocratique normale ».
Dr. Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)