L’amélioration de la sécurité en Afrique, objet d’un sommet franco-africain ce week-end à Paris, passe par la neutralisation des trafics de drogue sur le continent africain, devenu ces dernières années une plaque tournante entre l’Amérique Latine, l’Asie et l’Europe, selon des experts.
Les trafics de drogue sont « un élément essentiel » du financement des groupes islamistes armés et des « seigneurs de la guerre » en Afrique, et il est « indispensable » que ce phénomène soit pris en compte dans les politiques adoptées, jugent-ils.
L’Afrique est « insérée dans les réseaux de trafic de drogue » dans la monde, à la fois « avec la cocaïne venant d’Amérique Latine en transit vers l’Europe, l’héroïne venant d’Asie et la production de pays de la région, comme le Maroc », explique Philippe Hugon, expert de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Un constat qu’avait aussi établi en février un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, basé à Vienne.
En France, « nous avons été les premiers à dénoncer l’ampleur du trafic », raconte à l’AFP François Loncle, un député socialiste spécialiste du sujet, en regrettant qu’il ne soit pas suffisamment débattu. « On a l’impression que c’est un sujet tabou pour les Etats et pour beaucoup d’experts », alors que « ce trafic nourrit les chefs de guerre, les jihadistes, notamment Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) », ajoute le parlementaire, co-auteur d’un rapport avec un autre parlementaire, Henri Plagnol, sur la sécurité des pays du Sahel.
« J’ose espérer que la politique de sécurité en Afrique » en gestation prendra « en charge ce sujet ». « Il est impensable que ce problème soit laissé de côté », insiste François Loncle.
Dans la déclaration finale du sommet franco-africain, la quarantaine de chefs d’Etats africains et la France qui y ont participé soulignent « que l’implantation de réseaux terroristes et criminels – trafiquants de drogue, d’être humains, braconniers (…) – constitue une menace pour la paix et la sécurité en Afrique et dans le monde ».
Ces dirigeants sont déterminés « à endiguer la production, la transformation, la consommation et les trafics de drogue sur les deux continents » africain et européen, précise leur déclaration.
Boeing 727 et sous-marins
Selon le rapport parlementaire français, l’Amérique Latine n’est pas le seul continent d’origine de la drogue qui transite par l’Afrique. « La cocaïne et l’héroïne venant d’Afghanistan passent aussi par cette zone », est-il écrit.
Pour Philippe Hugon cependant, « les Etats d’Afrique sont pauvres et n’ont pas la possibilité de contenir les mafias criminelles ». Il pointe aussi le doigt sur les Etats gangrénés par la corruption et les trafics de drogue, citant entre autres la Guinée-Bissau.
« Les mesures prises (jusqu’à présent) ne sont pas à la hauteur du problème », déplore-t-il. « Quand il y a des mesures de contrôle, comme dans certaines pays d’Amérique Latine, les mafias se réorganisent et se reconstituent ailleurs », ajoute l’expert.
De surcroît, il y a « des connivences importantes entre les pays », via les diasporas, qui contribuent au fléau, indique Philippe Hugon, en citant à titre d’exemple les Etats-Unis et le Nigeria. « Les mafias de la drogue de New York sont contrôlées par des Nigérians », dont le pays, situé en Afrique de l’Ouest, figure parmi les voies d’acheminement de stupéfiants, précise-t-il.
Les moyens utilisés pour acheminer la drogue ont pris ces dernières années des formes de plus en plus sophistiquées. Des sous-marins ont été évoqués entre l’Amérique Latine et la côté ouest de l’Afrique. En novembre 2009, un Boeing 727, sans doute venu du Venezuela, a atterri en plein désert malien. Déchargé de la cocaïne qu’il transportait, l’avion, embourbé, n’avait pu redécoller et avait été incendié.