Vendredi dernier, avec un petit air de revanche, la ministre de l’Economie et des Finances, Bouaré Fily Sissoko, a expliqué à la presse comment le gouvernement et ses partenaires ont trouvé un terrain d’entente au sujet des présumées magouilles autour de l’achat de l’avion d’IBK et des marchés d’armements. C’est un ouf pour tout le Mali, mais particulièrement un salut pour le gouvernement qui est loin d’avoir apporté des réponses claires à toutes les interrogations au sujet de ces deux scandales.
La patronne de l’hôtel des finances en veut à la presse d’avoir fait de cette affaire de corruption présumée ses choux gras, au risque de dresser l’opinion nationale contre un régime qui se dit propre. «Ce matraquage médiatique », pour reprendre ses termes, était injuste et biaisé. Selon Fily Sissoko, la version du gouvernement était passée sous silence pendant tout le temps que la polémique gonflait.
A en croire le gouvernement, l’avion présidentiel qui a été à la base de tous ces malaises ne visait pas à doubler le FMI, même si le représentant de cette institution n’avait pas été informé des dépenses publiques engagées. Pire, Fily Sissoko pense que ce manque de communication aurait créé des frustrations personnelles chez leurs collaborateurs qui se croyaient tenus à l’écart.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement du Mali devrait se féliciter de la pression médiatique autour de cette affaire qui a révélé des failles dans la chaîne des dépenses publiques. Sans le rôle de veille de la presse, les marges colossales pratiquées par certains fournisseurs de l’Etat ne seraient jamais mises en cause.
Ce qui est regrettable, c’est que nous ne sommes pas à l’abri de la corruption, de la poursuite des surfacturations. Dans l’affaire qui a conduit à la suspension de l’aide budgétaire, le gouvernement refuse de en cause la moralité de la surfacturation. Aucun texte du pays ne la condamne, encore moins le discours des autorités. Pourtant, le régime en place sait pertinemment que la surfacturation pratiquée sur l’achat de l’avion et les équipements militaires révoltent les Maliens.
Le Niger comme exemple
Essayant de justifier l’achat de l’aéronef d’IBK, la ministre de l’Economie et des Finances a rappelé que le Niger a acheté un avion présidentiel presqu’au même prix que celui du Mali, sans que cela ne conduise à une polémique. Au moment où d’autres nations forcent leurs ministres à la démission pour évasion fiscale, le Niger est loin d’être un bon exemple de gouvernance économique. Mais au-delà, Fily est restée muette sur les conditions qui ont entouré cet achat. Et malgré les explications et autres tentatives, parfois maladroites, de justification, ces scandales financiers sont loin de révéler certains dessous.
Si la page de la polémique semble se tourner, celle de la veille demeure ouverte, car les autorités sont attendues sur la suite qui sera réservée à ces scandales. En tout cas, ce n’est pas sans raisons que les bailleurs de fonds ont repris leur aide budgétaire au Mali après une suspension qui aura duré plus de cinq mois. Le gouvernement malien a du se résoudre à prendre des engagements pour réinstaurer la confiance entre lui et le FMI dont l’humeur est le baromètre des investisseurs.
En termes d’efforts, il y a un prix à payer par le gouvernement. D’abord, les audits faits par le bureau du vérificateur général et la section des comptes de la Cour suprême étaient des recommandations du FMI. Sur six mesures édictées par l’institution monétaire, le gouvernement a exécuté quatre dont l’annulation de la garantie financière de l’Etat au niveau de la Banque Atlantique.
S’agissant du ministère de la Défense, quatre points sur les 12 recommandations ont été exécutés. On se souvient que plus d’une douzaine de contrats avaient été annulés par le ministre de la Défense après la publication des rapports d’audit. S’agissant du contrat de Guo Star, le gouvernement souhaite payer 40 milliards de nos francs au lieu des 69 milliards surfacturés mais il attend le feu vert de la Cour suprême.
Selon Paul Noumba Um, le directeur des opérations de la Banque Mondiale au Mali, le cadre macro-économique au Mali est probant. Pour lui, si le FMI n’avait pas notifié son approbation, les autres partenaires auraient eu du mal à reprendre leur aide budgétaire. Mais il estime que les autorités maliennes ont fait des efforts, et que ce qui est arrivé grandit le Mali et sa démocratie.
Pourtant, de nombreuses questions demeurent sans réponses. On ne sait toujours pas pourquoi l’avion n’est pas immatriculé au Mali. Pour quelles raisons il y a eu autant de micmacs pour l’acheter? Et l’implication de proches de Michel Tomi dans cette sulfureuse opération? Ou encore dans quel intérêt essaie-t-on de réhabiliter la surfacturation?
Soumaïla T. Diarra