Le Conseil national de transition (CNT) a examiné et adopté, ce vendredi 17 juin 2022, un nouveau projet de loi électorale par 115 voix pour, 3 voix contre et 0 abstention. Elle a été adoptée après plusieurs amendements apportés par les membres du CNT. Au total, 92 amendements ont été faits par l’organe législatif de la transition. Mais, au-delà de la polémique, ce texte tel qu’adopté par le CNT semble, de l’avis de certains observateurs, loin d’être un gage contre les crises postélectorales qui ont pourtant justifié, jusque-là, l’initiative du texte. Et pour cause !
Au terme d’un débat houleux, les honorables membres du CNT ont voté le texte qui doit servir de base à la tenue des élections générales de fin de transition. En attendant que le texte ne soit promulguée par le Président du Transition, le Colonel Assimi GOITA, nombreux sont les observateurs qui trouvent que cette nouvelle loi contient déjà des germes d’une nouvelle crise postélectorale.
À la lecture du texte, on se rend compte qu’au final, après adoption, notre pays semble se retrouver à la case départ.
Car, au lieu d’un organe unique indépendant, on a toujours deux structures de gestion des élections : le ministère de l’Administration et l’AIGE, qui n’est d’autre qu’un CENI restaurée version 1997. Or, tout le monde sait où cela nous a conduit : fiasco électoral.
Il s’agit par ailleurs d’une remise en cause de l’un des engagements de la Transition à savoir : mettre en place un organe unique et indépendant de gestion des élections conformément aux vœux de l’ensemble de la classe politique.
Avant son adoption, tous les observateurs étaient unanimes de reconnaître que la Cour constitutionnelle avait trop de pouvoir dans le processus électoral au Mali.
Car l’article 180 stipule : «La Cour constitutionnelle procède au recensement général des votes, examine et tranche définitivement les réclamations et statue souverainement sur la régularité de l’élection des membres de l’Assemblée nationale.
Dans le cas où elle constate l’existence d’irrégularités, il lui appartient d`apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, s’il y a lieu de maintenir lesdits résultats, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle. Le Président de la Cour Constitutionnelle proclame les résultats définitifs du scrutin en audience solennelle».
En un mot, cette Cour reste maîtresse du jeu, malgré le fait que ses arrêts ont toujours fait l’objet de vives contestations suivies de crise postélectorale au Mali.
Comme illustration, après les élections législatives de 2020, les recours pour annulation ou rectification des résultats adressés à la Cour constitutionnelle étaient au nombre de 29 contre 39 pour l’administration, selon la mission d’observation MODELE-Mali.
D’ailleurs, inutile de rappeler que ces contestations ont été l’élément déclencheur du Mouvement M5-RFP qui est à l’origine du départ du régime défunt d’IBK.
Autre source de tension, l’intrusion constitutionnelle du Président de la République dans le choix des 9 juges de la Cour constitutionnelle, juge du contentieux électoral de la présidentielle, est de nature, selon certains observateurs, à politiser davantage cette Cour et créer une suspicion de partie prise sur les résultats, et que cela devait changer.
« Tous les Maliens considéraient, que pour cela la Cour constitutionnelle était à la solde du pouvoir, et que son instance constituait même un troisième tour du scrutin», a critiqué Dr Mahamadou KONATE.
Dans la présente loi électorale, il est prévu aussi que trois des membres du Collège de décision de l’AIGE (Organe unique indépendant de Gestion des Élections) soient choisis par le Président de la République/Transition, et deux membres par le Président de l’Assemblée nationale/CNT (et des représentants des autres chefs d’Institutions) tous des politiques, en plus d’un autre quota alloué aux partis politiques.
Autrement dit, un Président de la République issu d’un parti politique va désigner 3 représentants, et en plus son parti pourra également désigner une partie du quota donné aux partis politiques.
La création de l’Autorité indépendante de Gestion des Élections (AIGE), l’instauration du mode de scrutin proportionnel en lieu et place du scrutin majoritaire pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale et la prise en compte des Maliens établis à l’extérieur, du renforcement du Genre, sont considérées comme des avancées.
Mais, les nombreuses failles, comme ci-dessus signalées, constituent des préoccupations pour les habitués des contestations liées au contentieux électoral au Mali.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info-Matin