Embouteillage ou innovations dans l’espace sahélien ? À côté de l’UEMOA, de la CEDEAO, du Conseil de l’Entente, de l’Autorité du Liptako-Gourma, du CILSS, du G5-SAHEL, de l’Initiative d’Accra…, il faut compter désormais avec l’Alliance des États du Sahel entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
Confrontés de plein fouet à la flambée du terrorisme depuis une décennie avec son lourd tribut en vies humaines innocentes, le Mali, le Burkina Faso et Niger (les pays des trois frontières) ont décidé de prendre leurs destins en main et de faire face au fléau en mutualisant leurs moyens et stratégies.
Ce week-end, ils ont mis en place l’Alliance des États du Sahel en signant une charte dans le cadre du Liptako-Gourma. L’Alliance mise en place n’est pas une négation des structures et organisations existantes.
Au contraire, elle procède de la même volonté de conforter la légalité internationale et régionale, telle que réaffirmée et consacrée notamment par la Charte des Nations Unies, l’Acte constitutif de l’Union africaine et le Traité révisé de la CEDEAO.
Son particularisme se situe au niveau de la quête d’indépendance politique, de dignité humaine et d’émancipation économique » de ses fondateurs qui estiment nécessaire de «poursuivre les luttes héroïques menées par les peuples et les pays africains» et surtout de leur attachement «au respect de la souveraineté nationale et internationale».
C’est pourquoi ils entendent, par cette Alliance, défendre l’unité nationale et l’intégrité des États respectifs contre les menaces multiformes à l’espace commun aux trois États ; et notamment protéger les populations civiles en toutes circonstances.
Partant du droit naturel des États à la légitime défense individuelle ou collective, l’Alliance se donne comme objectif «d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle au profit des trois pays qui s’engagent à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée dans leur espace commun à savoir la zone des trois frontières.
Cet engagement se traduira par «la prévention, la gestion et au règlement de toute rébellion armée ou autre menace portant atteinte à l’intégrité du territoire et à la souveraineté de chacun des pays membres de l’Alliance, en privilégiant les voies pacifiques et diplomatiques et en cas de nécessité, à user de la force pour faire face aux situations de rupture de la paix et de la stabilité».
Aussi, toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’un pays membre sera considérée comme une agression contre les autres pays et engagera un devoir d’assistance et de secours des autres pays, de manière individuelle ou collective, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l’Alliance.
Le Mali, le Burkina et le Niger s’engagent par cette Alliance à ne pas recourir entre eux, «à la menace, à l’emploi de la force ou à l’agression, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’une Partie ;
– ne pas faire de blocus des ports, des routes, des côtes ou des infrastructures stratégiques d’une Partie par les forces années ;
– ne pas à partir d’un territoire mis à la disposition par une Partie, perpétrer des attaques ou des agressions contre une autre partie ou des États tiers ;
– ne pas à partir du territoire d’une Partie permettre à des groupes armés, des forces armées irrégulières ou des mercenaires de perpétrer des attaques contre un pays du champ».
Une alliance des États du Sahel ne prêche pas pour le tout sécuritaire, même si les leaders à l’initiative sont tous des militaires. Elle dépasse l’aspect militaire et se veut une conjugaison des efforts militaires, économiques entre les trois pays selon l’heureuse formule du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop. Si la priorité reste la lutte contre le terrorisme dans les trois pays, l’Alliance affiche clairement des ambitions économiques. En effet, dans la charte signée ce samedi par les trois chefs de l’État, «les Parties s’engagent à ne pas faire de blocus des ports, des routes, des côtes ou des infrastructures stratégiques d’une partie par les forces armées ». On remarquera du reste que le Mali et le Burkina ont affiché leur soutien et solidarité multiformes envers le Niger soumis aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA.
Fonctionnant sur le principe de l’unanimité, l’Alliance des États du Sahel fera l’objet de beaucoup de persiflages mais on ne peut que saluer l’ambition des chefs d’État des trois pays qui sont visionnaires et du bon côté de l’Histoire.
Par Sikou BAh
Info Matin