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Sahel: les 3.000 soldats de l’Union africaine seront-ils enfin déployés?

Décidé en février 2020, l’envoi par l’Union africaine de 3.000 soldats pour lutter contre les groupes terroristes au Sahel se fait attendre. Une réunion des chefs d’état-major de la CEDEAO est prévue courant novembre à Abidjan pour examiner ce déploiement encore incertain, alors que la situation dans la région est de plus en plus critique.
La menace djihadiste au Sahel ne cesse de prendre de l’ampleur au point de se propager toujours plus au sud. Des pays du golfe de Guinée comme la Côte d’Ivoire et le Togo, jusque-là relativement épargnés, sont désormais des cibles directes des groupes extrémistes.
Depuis juin 2020, une vingtaine de soldats et gendarmes ivoiriens ont été tués au cours d’attaques essentiellement concentrées à la frontière avec le Burkina Faso. Au Togo, une première attaque terroriste a eu lieu le 9 novembre, également près de la frontière avec le Burkina Faso, pays fortement ébranlé par des offensives armées depuis six ans.
Face à la situation sécuritaire qui prévaut, tous les États de la région s’accordent sur la nécessité de mutualiser leurs efforts.

Une mutualisation des efforts pas si évidente

Les autorités ivoiriennes ont annoncéune réunion des chefs d’état-major de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui se tiendra du 17 au 19 novembre à Abidjan. Cette rencontre, ont-elles indiqué, sera l’occasion d’examiner, au regard de la nouvelle configuration de la force antidjihadiste française Barkhane (caractérisée notamment par la fermeture de plusieurs bases et des milliers de soldats en moins), la proposition de l’Union africaine (UA) de déployer 3.000 soldats au Sahel.
Ce déploiement, décidé lors du 33e sommet de l’UA en février 2020, et présenté comme un “geste de solidarité” à l’égard des pays du Sahel, était censé être effectué la même année, pour une durée de six mois. Mais il n’a toujours pas eu lieu, en dépit des concertations qui ont cours depuis entre l’UA et ses deux partenaires sur le projet que sont la CEDEAO et le G5 Sahel.
Interrogé par Sputnik, Adrien Poussou, expert en géopolitique et ancien ministre centrafricain de la Communication, évoque une réalité qui plombe la coopération entre les États dans la lutte contre le terrorisme:

“Face aux menaces djihadistes, il est évident qu’il faut une réponse collective. Or il y a encore des États qui semblent réticents. D’autres préfèrent organiser leur petite cuisine avec les djihadistes pour éviter des attaques sur leur sol. À cela il faut ajouter la méfiance qui existe entre certains chefs d’État. Je reste convaincu que lorsque ces États parviendront à une dynamique réellement unitaire et solidaire ils pourront venir à bout de cette menace même si le risque zéro n’existe pas”, soutient-il.

La délicate question du financement

Face à la prolifération des groupes extrémistes sur le continent, l’Union africaine dispose d’une large gamme d’instrumentsjuridiques et organisationnels, mais pas encore d’une force d’intervention pouvant être projetée au Sahel, qui est aujourd’hui l’un des foyers terroristes les plus vastes au monde.
En effet, faute de financement, la Force africaine en attente (FAA), prévue depuis la création de l’UA en 2002 et qui était censée en être le bras militaire, n’est toujours pas opérationnelle. Et la force de 3.000 hommes envisagée pour parer au plus pressé pourrait ne pas échapper à ce sort. Si l’UA a eu à justifier le retard de son déploiement par la crise sanitaire liée au Covid-19, certains analystes évoquent plutôt des contraintes stratégiques et opérationnelles, mais aussi un manque de financement que souligne également Adrien Poussou.

“La force de 3.000 hommes envisagée depuis février 2020 par l’Union africaine est une réponse à l’effort qui est fait ces dernières années pour contrer les menaces djihadistes. Mais une question essentielle demeure, celle de savoir de quels moyens disposeront ces soldats pour un apport qualitatif. La seule volonté des États africains de mutualiser leurs forces ne suffirait pas à juguler les menaces présentes au Sahel. Il leur faut nécessairement trouver des moyens [financiers et matériels, ndlr] et pourtant, nous savons qu’ils en manquent cruellement. Il va peut-être alors falloir rogner sur les budgets de certains secteurs, mettre en place des taxes…”, déclare-t-il.

Quelle place pour ces 3.000 soldats au Sahel

Plusieurs forces internationales et régionales interviennent déjà depuis de nombreuses années au Sahel, pour un résultat très mitigé, les attaques armées et leur corollaire de morts ne cessant d’augmenter. On retrouve sur le terrain, entre autres, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA, qui compte plus de 14.000 militaires et policiers), Barkhane (5.100 soldats, mais l’effectif devrait bientôt être réduit de moitié), la Force multinationale mixte (FMM) et la force du G5 Sahel.
C’est à tous ces acteurs que sont censés se joindre bientôt les 3.000 hommes de l’UA, faisant craindre à certains experts un “embouteillage sécuritaire” qui pourrait finalement s’avérer improductif. De son côté, Adrien Poussou, favorable à cette initiative, estime que “l’abondance de biens ne nuit pas”.

“C’est au pied de l’édifice à construire qu’on reconnaît le maçon. Nous, Africains, sommes les premiers à faire le reproche, à Barkhane notamment, d’être au Sahel sans que ses actions ne produisent les résultats escomptés. Si donc l’Union africaine décide d’y envoyer une force qui aura les moyens de sa politique, il faudra lui laisser le temps de se déployer, et à partir de là on se prononcera valablement. Auquel cas, tout reproche fait dès maintenant ne serait que conjecture, procès en sorcellerie ou jugement de valeur”, conclut-il.

Source: sputniknews

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