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Révision constitutionnelle: ce qui a été dit

Toute Constitution prévoit toujours que ses dispositions peuvent être modifiées, complétées ou supprimées.

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Aussi fiers soient-ils de leur œuvre, les constituants restent assez sages pour savoir que leur travail n’est jamais parfait, que l’usage du texte peut faire apparaître des difficultés inédites ou imprévisibles au moment de sa conception, ou encore que la marche du temps et l’évolution de la société peuvent susciter de nouvelles exigences constitutionnelles.

Une Constitution, en effet, n’est pas un texte ordinaire ; c’est la Loi des lois, l’acte solennel par lequel une société déclare les principes qui la fondent, qui la rassemblent et qui l’organisent.
Ce texte-là ne peut être changé aussi facilement qu’une loi ordinaire ; il faut une procédure particulière, plus solennelle, plus exigeante, qui corresponde à la qualité de l’acte à modifier ; il faut distinguer le pouvoir de faire les lois du pouvoir de réviser la Loi.
Comme la plupart des Constitutions, celle du 25 février 1992 opère cette distinction en réservant un titre spécial à la révision constitutionnelle – le titre XVI – et un article unique – l’article 118.
Voyons ce qui a été fait dans ce cadre jusqu’au vote samedi dernier de la loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992.

Les raisons
En vue « d’adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant », le président Amadou Toumani Touré et son prédécesseur Alpha Oumar Konaré, avaient tous deux pris l’initiative de réviser la Constitution du 25 février 1992.
L’initiative du président Alpha Oumar Konaré s’est buté à la censure de la Cour constitutionnelle et celle du président ATT n’a pas abouti à cause des évènements de Mars 2012.
A leur suite, 25 ans après son adoption par référendum, notre arsenal constitutionnel, au prisme de la pratique démocratique, a révélé beaucoup de lacunes et d’insuffisances. La crise sécuritaire et institutionnelle qui s’en est suivie a révélé la fragilité des institutions de la 3ème République, a montré l’évidence de la nécessité d’une révision constitutionnelle.
C’est donc pour mettre en adéquation la norme suprême et les exigences de la réalité (dont le respect des engagements internationaux, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger), que le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA, a pris l’initiative de réviser la Constitution du 25 février 1992.

Les motivations
Aucune volonté et aucune preuve de tripatouillage dans la volonté et dans la démarche du président IBK. Au regard des exigences du respect des engagements internationaux souscrits par notre pays (par exemple en ce qui concerne la Cour des comptes si nous voulons rester dans l’UEMOA) et de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, il ne s’agit en vérité que d’un simple toilettage.

Comité d’Experts
L’initiative a été conduite par un comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de loi de révision de la Constitution mis en place par décret n° 2016-0235/PM-RM du 20 avril 2016. Soit 9 mois après la signature dudit Accord.
Le Comité d’experts pour la révision de la Constitution a été mis en place auprès du ministre chargé de la Réforme de l’Etat pour une durée de six mois avec pour mission de :
– prend en compte les clauses de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger : « Les Institutions de l’Etat malien prendront les dispositions requises pour l’adoption des mesures règlementaires, législatives, voire constitutionnelles nécessaires à la mise en œuvre des dispositions du présent Accord, en consultation étroite avec les Parties et avec le soutien du Comité de suivi prévu par le présent Accord » (Article 3 de l’Accord);
– valorise les acquis des précédentes tentatives de révision constitutionnelle ;
-et corrige les insuffisances de la Constitution du 25 février 1992.
Les hommes et les femmes qui ont composé le Comité d’experts pour la révision de la Constitution étaient tous Maliens et encore vivants tous ceux qui ont participé aux écoutes citoyennes.
Président : Mamadou Ismail Konaté
Rapporteurs : Abraham Bengaly et Brahima Coulibaly
Experts permanents : Mme Maiga Habibatou Maiga, Biassoun Dembélé, Séni Touré, Mamadou Sissoko, Mohamed Traoré, Alfousseyni Sow, Abdramane Touré, Baba Berthé, Mme Sy Aminata Konaté et Mme Diakité Djénéba Gakou.
Ce sont ces Maliens et non de prétendus experts internationaux qui ont élaboré l’avant-projet de révision de la Constitution, la note d’orientation, la note méthodologique, la synthèse des travaux des Commissions précédemment mises en place pour les réformes non abouties, l’élaboration des questionnaires en vue des écoutes, l’élaboration de la liste des institutions, des personnes, des communautés à écouter, l’élaboration des thèmes et opinions de jurisconsultes à entendre, la mise en place des commissions d’écoute des opinions de jurisconsultes, l’analyse des expériences d’ailleurs.

Procédure inclusive
Dans la procédure d’examen de ce projet de loi portant révision de la Constitution de 1992, l’Assemblée nationale à travers sa Commission de Lois Constitutionnelles, de la Législation, des Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la république a procédé à l’organisation des séances d’écoute auxquelles ont pris part plus d’une centaine de personnes ressources comprenant :
-des anciens Premiers ministres ;
-des anciens Présidents de l’Assemblée nationale
-les ministres de l’Administration territoriale, de la Justice, Garde des sceaux, du Travail et de la Fonction publique, chargé des relations avec les Institutions, des droites de l’homme et de la réforme de l’Etat ;
-les responsables des partis politiques ;
-les représentants des organisations de la société civile ;
-les chefs coutumiers et les chefs des confessions religieuses ;
-des constitutionnalistes et spécialistes en droit public ;
-les ordres professionnels judiciaires ;
-les responsables des centrales syndicales.
Compte tenu du caractère sensible du projet de texte, la Commission de Lois Constitutionnelles, de la Législation, des Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la république a jugé utile d’apporter une innovation dans la procédure d’examen afin qu’elle soit la plus inclusive possible.
Cette innovation a consisté à transporter la Commission des lois vers les capitales régionales (Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Gao, Kidal et Mopti ayant regroupé Tombouctou, Ménaka et Taoudénit) en y organisant les séances d’audition citoyenne.
C’est une première dans l’histoire récente des procédures d’examen des projets et propositions de loi au niveau de notre représentation nationale. En plus de citoyens anonymes, les séances d’audition ont connu la présence effective des Gouverneurs, des Préfets, des sous-préfets, des responsables des collectivités territoriales, des représentants des partis politiques et des organisations de la société civile, des représentants des autorités coutumières et des confessions religieuses des différents Cercles des Régions sus citées.

Examen du Projet
Lors de séances d’écoutes dans la commission des lois et les auditions citoyennes organisées dans les capitales régionales, la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République a entendu environ quatre cent (400) personnes ressources comprenant l’ensemble des composantes de la société malienne.
Les questions essentielles ayant fait l’objet de discussions, au cours de ces auditions citoyennes, ont été, entre autres : l’initiative de réviser la Constitution du 25 février 1992, la référence à la charte de Kuru Kan Fuga et aux Conventions de Paris et de Marrakech issues des COP 21 et COP 22, la nationalité des candidats aux fonctions de Président de la République, la prestation de serment du Président de la République élu devant de la Cour Constitutionnelle, l’officialisation des langues nationales, la détermination de la politique de la Nation par le Président de la République élu devant la Cour Constitutionnelle, la suppression de la Haute Cour de Justice comme institution de la République, l’érection de la section des Comptes de la Cour suprême en Cour des Comptes, la régulation des médias, l’institution d’un parlement bicaméral ou à deux chambres, l’octroi au parlement de la mission d’évaluation des politiques publiques
Certaines personnes ressources écoutées ont aussi formulé des recommandations spécifiques relatives à d’autres dispositions du projet de loi portant révision de la Constitution prenant en charge leurs propres préoccupations. Il est important de souligner que des associations, syndicats, partis politiques, experts et citoyens anonymes ont volontairement déposé au niveau de la Commission des lois de contributions écrites sur le projet de loi portant révision de la Constitution.

Sur l’Initiative
L’initiative de réviser la Constituions du 25 février 1992 a été reconnue pertinente par toutes les personnes ressources entendues au cours des travaux en commission y compris les auditions citoyennes compte tenu du contexte sécuritaire et politique de notre pays. Mais, il a été surtout déploré un manque de dialogue et de débat populaire devant précéder l’élaboration du projet de texte de révision. Des interrogations sur le niveau réel du contrôle par l’Etat de l’intégrité du territoire national et sur la possibilité d’organiser le référendum du l’ensemble du territoire national ont été soulevées.

Sur Kuru Kan Fuga
La charte de Kuru Kan Fuga est reconnue patrimoine mondial de l’humanité. Elle contient des valeurs et principes édictés en 1236, qui sont aujourd’hui universellement admis. Elle contribue à valoriser notre passé historique et culturel. Il a été proposé d’ajouter d’autres formes d’entente ou de chartes qui ont été conclues sous certains de nos grands empires : Wagadou, Songhoï, Ségou, Macina, Fihroun.
Cependant certaines personnes ressources estiment que la référence à cette charte peut diviser l’opinion nationale au moment même où notre pays a besoin de rassembler tous les enfants pour sortir d’une crise multidimensionnelle. Elle n’a pas été retenue finalement dans le projet.

Sur les Langues nationales
Pour certaines personnes ressources écoutées, nos langues nationales sont les moyens les plus importants de communication de notre peuple. Elles se révèlent être le vecteur essentiel de développement et doivent être considérées comme langue d’expression officielle. D’autres ont souligné que la problématique des langues nationales demande une réflexion approfondie et des larges consultations de toutes les composantes de la société malienne.

Sur la Nationalité
des candidats
Les Participants aux auditions ont soutenu que toutes les préoccupations doivent être prises pour des raisons évidentes quant à la nationalité du candidat aux fonctions de Président de la République. Ils ont demandé qu’il soit exigé de tout candidat aux fonctions de Président de la République soit exclusivement de nationalité malienne d’origine. Les motivations fondamentales de cette exigence sont l’assurance de trouver chez les candidats les qualités liées au patriotisme.
Il a été souligné la nécessité de préciser, en cas de candidature aux élections présidentielles, que les binationaux ne peuvent déposer leurs dossiers de candidature qu’après avoir renoncé à leur seconde nationalité. La double nationalité comporte le risque d’élire un homme à la magistrature suprême susceptible d’être comptable devant une juridiction de sa seconde partie. De ce fait, il n’est ni discriminatoire, ni excessif d’exiger ceux qui prétendent conduire la destinée de tous les Maliens de justifier de leur nationalité malienne d’origine.

Sur la Prestation de serment du Président
La prestation de serment du Président de la République élu devant la cour constitutionnelle a été évoquée. Or, l’article 37 de la Constitution en vigueur dispose : « Avant d’entrée en fonction il prête serment devant la Cour suprême ». Beaucoup de personnes ressources sont d’accord avec ce changement en expliquant que la Cour suprême a été désignée pour recevoir le serment du Président de la République, simplement parce qu’en juin 1992, la Cour constitutionnelle n’avait pas été encore mis en place.
Le Président de la République est le chef et le gardien de la constitution. C’est la Cour constitutionnelle qui contrôle la régularité des opérations de l’élection du Président de la République, statue sur les réclamations et proclame les résultats du scrutin. Selon les défenseurs de cette thèse, il est normal que le Président élu prête serment devant la Cour constitutionnelle. Des personnes auditionnées ont estimé que le Président élu doit prêter serment sur le livre sacré de sa religion ou sur les fétiches.

Sur les Pouvoirs du Président
Les pouvoirs du Président de la République ont été jugés exorbitants par les personnalités ayant participé aux séances d’audition. La Constitution réserve une place prééminente au Président de la République dans le dispositif institutionnel et le système politique du Mali. Elle fait de lui le gardien de la Constitution, le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux. Il incarne l’unité nationale, veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat. Elle lui confère également des nombreuses autres attributions. Les unes constituent des pouvoirs propres, c’est-à-dire qu’il exerce seul, comme la nomination du premier ministre et la décision de mettre fin à ses fonctions, la dissolution de l’Assemblée nationale, la décision de soumettre un projet de loi au référendum, les actes qui interviennent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, la promulgation d’une loi ou le renvoi au parlement assorti d’une demande de nouvelle délibération, les messages à l’Assemblée nationale et au Sénat, les actes par lesquels il participe à l’organisation et au fonctionnement de la justice constitutionnelle et ceux qui sont pris dans le cadre de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels, la convocation des sessions extraordinaires de l’Assemblée nationale, l’exercice du droit de grâce et la proposition de lois d’amnistie.
Les attributions du Président de la République sont des pouvoirs partagés. Il, s’agit notamment de la nomination dans les fonctions de ministre aux emplois civils et militaires de l’Etat, l’initiative de la révision constitutionnelle, les actes adoptés par le conseil des ministres, tels que les décrets et les ordonnances délibéré en Conseil des ministres, la déclaration de l’état des sièges, les actes accomplis dans la conduite des relations avec les puissances extérieures (accréditation des ambassadeurs et envoyés extraordinaires, négociation et ratification des traités), ceux qu’il accomplit en tant que chef des armées et qui sont arrêtées en Conseil supérieur ou en comité de défense de la défense nationale et en tant que garant de l’indépendance du Pouvoir judiciaire. Des personnes auditionnées surtout dans les capitales régionales trouvent qu’il faut réduire les pouvoirs du Président de la République en faveur d’autres institutions constitutionnelles en vue de mettre fin à ce qu’elles considèrent comme une présidentialisation progressive du régime.

Sur la Détermination de la politique de la Nation
Quant à la détermination de la politique de la Nation par le Président de la République, les avis des personnes ressources entendues sont divergents. Des personnalités entendues trouvent que c’est une incursion de plus en plus marquée du Président de la République dans une matière dont la responsabilité est expressément confiée au Gouvernement. Elles pensent que ce changement peut basculer notre régime semi-présidentiel vers un régime présidentiel. Qu’il serait raisonnable de respecter la tradition selon laquelle le premier Président de la 3ème République avait laissé en balisant l’action- gouvernementale à travers les lettres de cadrage ou de mission. D’autres pensent que dans la pratique, c’est le Président de la République qui détermine la politique de la Nation et que le peuple -lui a placé sa confiance pour l’exécution d’un programme et qu’il faut la constitutionnaliser.

Sur la Haute Cour de Justice
La suppression de la Haute Cour de Justice comme institution de la République a fait l’objet de débats houleux lors des séances d’écoute. Des personnes ressources ont fait constater que parmi les huit (8) institutions énumérées à l’article 25 de la Constitution en vigueur, la Haute Cour de Justice est la seule institution dont le fonctionnement est circonstanciel puisqu’elle n’intervient que lorsque l’Assemblée nationale vote la mise en accusation du Président de la République pour haute trahison ou de membres du gouvernement pour des faits et actes susceptibles d’être qualifiés de crimes ou de délits commis dans
l’exercice de leurs fonctions, et leurs complices, en cas de complot contre la sûreté de l’Etat. Pour d’autres, c’est une institution constitutionnelle qui émane d’une autre institution constitutionnelle:
l’Assemblée nationale. Des personnes entendues souhaitent qu’il faille réfléchir dans l’avenir à la suppression de tous les privilèges de juridiction. Par contre, d’autres personnes ressources écoutées pensent que l’existence de la Haute Cour de Justice comme institution est une nécessité impérieuse pour tout Etat de droit parce qu’elle est l’expression d’une volonté politique assumée. La haute. Cour de Justice doit rester comme « une épée de Damoclès » au-dessus des têtes des chefs d’institution.

Bicaméralisme
Plusieurs personnes entendues sont sceptiques quant à la pertinence d’instituer un parlement bicaméral formé de l’Assemblée nationale el d’un Sénat. Selon elles, la création d’un Sénat risque d’allonger et de complexifier la procédure législative. Elles trouvent également l’initiative coûteuse avec l’alignement des émoluments des éventuels sénateurs sur ceux des députés, de l’extension aux nouveaux membres du parlement du régime de pensions des députés et de la mise en place au sein de la nouvelle assemblée d’une administration plus étoffée.
Pour d’autres personnes, l’institution d’une seconde chambre du parlement présente les avantages suivants : la représentation des collectivités territoriales et des maliens de l’extérieur ; l’impulsion des politiques de décentralisation ; l’amélioration de la qualité du travail parlementaire ; le renforcement du contrôle de l’action gouvernementale ; le respect de l’Accord de paix issu du processus d’Alger.

Cour des Comptes
L’érection de la section des comptes de la Cour suprême en Cour des Comptes a été unanimement saluée parce qu’elle s’inscrit dans la mise en œuvre de la directive de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) qui incite chaque Etat membre à créer une Cour des Comptes. Des préoccupations relatives à la création d’un organe indépendant chargé de réguler l’ensemble des secteurs de la communication et de veiller au respect de l’égal accès aux médias d’Etat ont été clairement exprimées. Au cours des séances d’écoutes et d’audition citoyenne, les personnes entendues ont demandé, dans leur grande majorité, de ramener le titre X du projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 relatif aux droits et devoirs de la personne humaine en lieu et place du titre I consacré à l’Etat et à la souveraineté.

par sikou bah

 

Source: info-matin

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