Le mois sacré de Ramadan offre l’opportunité d’avoir davantage une pensée pieuse pour les êtres disparus.
Dans le Saint Coran, Dieu révèle que «toute âme goûtera la mort» (Sourate Al-‘Imran, la famille d’Imran, Verset 185 «Koullou nafsine zâ ikatou almaouti »).
Nous voudrions, encore une fois de plus, rendre un hommage vibrant à deux sommités nationales, deux regrettés baobabs de connaissances auxquels nous étions particulièrement attachés, nous avons nommé le Professeur feu Bakari Kamian et l’écrivain feu Albakaye Kounta.
L’on a souvenance des cérémonies funèbres de ces deux personnalités décédées, en moins de trois mois d’intervalle, respectivement le 11 décembre 2016 à Tunis et le 3 mars 2017 à Paris. Elles ont eu lieu le mercredi 14 décembre pour Mr Kamian (à l’âge de plus de 88 ans) et le jeudi 10 mars 2017 pour Mr Kounta (à l’âge de 82 ans) sur le terrain de foot bal de Korofina Nord plein comme un œuf, tout un symbole fort de reconnaissance.
Les illustres disparus ont mérité de la nation toute entière avec la présence à leurs obsèques des plus hautes autorités politiques, administratives et civiles du pays, des représentations diplomatiques accréditées au Mali, de nombreux proches, alliés, connaissances, et d’une foule des grands jours inconsolable.
Nous avions connu depuis longtemps ces deux émérites représentants de l’effervescence intellectuelle de notre pays et nous étions restés proches en raison notamment d’affinités partagées sur plusieurs plans.
Nous avions tissé d’excellentes relations au fil des ans et nous marquions de près notre disponibilité à asseoir constamment l’ancrage, la visibilité et l’audibilité des vraies valeurs socio culturelles nationales. ‘’La vertu coute cher mais elle finit toujours par payer’’.
Nous alertions l’opinion sur les dangers que pourraient susciter, tôt ou tard, les revendications identitaires dans un pays pluriel qui a connu des brasages et des métissages multiséculaires
Tout au long des moments de nos retrouvailles devenues régulières au crépuscule de leur vie, dans une ambiance empreinte de clairvoyance, nous insistions sur l’importance des sciences et de la culture générale pour l’essor de la nation.
Conscients de l’impérieuse nécessité de documenter les évènements des grands jours, nous poursuivions les efforts sur la recherche-écriture, une voie toute indiquée pour le développement des connaissances sur l’étendue du territoire national.
Nous privilégions le langage de la vérité, de la réalité dans nos communications et nous ne cessions jamais d’expliquer les vrais problèmes conjoncturels pour leur prise en compte effective par l’ensemble des compatriotes sensibilisés.
Modèles de tolérance et d’abnégation, de l’amour du prochain, les doyens constituaient des remparts contre les forces du mal, l’obscurantisme, l’extrémisme de tous bords.
Ils disaient aux collègues que notre pays avait du ressort pour insuffler le second souffle dont il aurait besoin aux fins de se hisser au top niveau des pays émergents. « Ecouter, faire et faire savoir », tel était leur mot d’ordre.
Nonobstant l’enlisement général dans le monde de nos jours, les doyens portaient l’espoir sur l’abondance et la variété des richesses minières, la disponibilité de la main d’œuvre nationale parmi tant d’atouts dont est naturellement doté notre pays.
Appelant de tous leurs vœux le réarmement moral des populations, la consolidation de la cohésion sociale, ils étaient convaincus qu’aucun changement profond ne pourrait se produire au profit du commun des citoyens aussi longtemps que persistaient l’injustice sociale et la pauvreté, cette pauvreté qui n’est pas une fatalité, il faut le rappeler à toutes fins utiles.
Certes, les zones les plus touchées semblaient avoir atteint un point de non-retour à cause de l’acuité des besoins de la demande sociale. Les gens souffraient mais acceptaient leur sort en pensant, en bons croyants, que les choses évolueraient favorablement sur la base d’un ultime sursaut national.
Les doyens n’appréciaient pas du tout les personnes qui se fiaient aux apparences pour entretenir le doute au sein des masses laborieuses en affirmant que jamais la richesse ne serait partagée si le pays devenait soudainement prospère (pétrole, uranium…).Quid de la malédiction des ressources naturelles !
Pour eux et pour bon nombre d’ humbles citoyens, la dégradation des conditions de vie des populations contrastait avec le train de vie de quelques compatriotes aisés, les dépenses extravagantes qu’occasionnaient les cérémonies de décès, de baptêmes, démariages, toutes sortes de débordement set de manquements qui seraient certainement à la base du rythme accéléré des divorces précoces découlant des mariages pompeux.
Le Professeur Bakari Kamian et l’écrivain Albakaye Kounta ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour le Mali, pour l’Afrique et pour l’humanité toute entière par la qualité et la portée de leurs enseignements.
Auraient-ils consacré plus de temps pour eux-mêmes et pour les leurs que les choses allaient changer ? Nul ne saurait le dire.
Nous nous souvenons de leur remarquable autorité morale et religieuse, de leur don naturel qui les prédisposait à allier harmonieusement souplesse et rigueur dans la bonne et saine gestion des activités quotidiennes.
Leur ouverture d’esprit, le sourire qu’ils affichaient lors des échanges imposaient le respect et la fascination. Ils étaient sensibles aux questions brulantes de l’heure, s’impliquaient pour la moralisation de la vie publique.
Mais hélas ! il faut se rendre à l’évidence que la rencontre est le début de la séparation, une séparation ressentie dans la douleur. A la fin de toutes les fins, seule la mort triomphe.
Les patriarches Bakari et Albakaye étaient des hommes d’exception dont le passage dans le monde d’ici-bas était plein de verve, de dynamisme, tant sur le plan professionnel que dans la vie privée, et nous en témoignons, en toute objectivité. Que la Terre leur soit légère ! Amen !
Par Chirfi Moulaye HAIDARA, Chercheur et écrivain !
Source: Le Républicain