Décidément, le ministre Moussa Sinko Coulibaly ne rate jamais une occasion de sortir de son rôle et de sa fonction. Le mardi 30 juillet déjà, seulement quarante huit heures après le premier tour de l’élection présidentielle, ce ministre s’était appuyé sur douze à quinze pour cent du dépouillement des résultats des bureaux de vote pour donner des tendances non chiffrées et laisser entendre qu’un second tour pourrait être superflu, le candidat IBK pouvant passer haut la main dès le premier tour avec une majorité plus qu’absolue. Cette sortie du ministre Coulibaly, qui se substituait alors au juge constitutionnel, avait énervé plus d’un.
Tollé général et levée de boucliers, personne ne l’épargnera, même celui qu’il donnait large vainqueur, à savoir IBK qui a introduit des requêtes au niveau de la Cour constitutionnelle. Si les « sages » n’ont pas donné suite à ces requêtes du candidat du RPM, ils n’ont pas manqué non plus de remettre le jeune ministre à sa place. Non seulement ses chiffres, donnés soixante douze heures après son speech raté, seront rectifiés mais la Cour constitutionnelle lui signifiera qu’IBK, avec moins de 40% des suffrages, était loin de la majorité absolue et ne distançait son concurrent direct que de moins de 20%. En outre, le taux de participation dont se vantait le gouvernement, plus de 50%, était revu à la baisse, 48,98%.
Costume cravate, visage radieux
A cause de ces sévères revers, le ministre Moussa Sinko Coulibaly aurait dû rentrer dans ses petits souliers et s’atteler plus efficacement à une meilleure organisation du second tour de scrutin. C’est ce qu’il fera. Jusqu’à ce jeudi 15 août où il a invité plein de monde pour assister à la proclamation officielle des résultats provisoires complets du second tour tenu quatre jours plus tôt, le dimanche 11 août.
Grande sortie médiatique, pour une fois presque ponctuel, sourire radieux, costume cravate, l’homme avait une raison particulière de se prendre la grosse tête et de rayonner : la veille, il avait été promu général par le dernier conseil des ministres. Pourtant, par modestie ou pour ne pas paraitre ridicule, il n’en fera pas cas. Se contentant, encore sans doute grisé de son avancement, de s’offrir un one man show. Pendant plus de quarante minutes, au lieu d’aller droit au but et de révéler ce que tout le monde attendait, le néo promu général s’est perdu dans des remerciements et félicitations interminables.
Que le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire salue, félicite et remercie ses collaborateurs et subordonnés du département parce que ceux-ci ont fait, à ses yeux, du bon travail, personne n’est contre. Ces hommes et femmes sont sous ses ordres, rattachés à un département qu’il dirige ; il est donc leur chef et le seul habilité à distribuer des récompenses, blâmes ou sanctions. Il peut donc agir au nom de son ministère.
En revanche, le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire ne doit pas agir au nom de la République du Mali. Les représentations diplomatiques et consulaires, les organismes et organisations internationaux, les ONG et fondations, les organisations régionales et sous-régionales, Uemoa, Cedeao, Union africaine, Union européenne, les banques et autres institutions financières, les Etats-Unis et tous les autres pays cités sont avant tout des partenaires techniques et financiers de la République du Mali. Et s’ils doivent être salués, remerciés ou félicités, ce n’est certainement pas par un simple ministre puisqu’il y a voix plus autorisée. Le gouvernement a un porte-voix
En premier lieu, celle du président de la République. Même s’il l’a compris et qu’il est parti au Bénin, au Nigéria et au Burkina Faso pour remercier les chefs d’Etat de ces pays et leur décerner des médailles, il n’en demeure pas moins que Dioncounda Traoré est désœuvré et n’a pas grand-chose à faire de son temps. C’est donc à lui de parler au nom du Mali ; de saluer, remercier et féliciter les partenaires techniques et financiers du Mali, même s’il n’est là que pour un intérim. A défaut, il peut déléguer cette obligation à son chef de gouvernement. Mais si Diango Cissoko, qui n’est pas plus occupé que Dioncounda Traoré, estime qu’il n’a pas de temps (42 mn) à perdre dans des remerciements et félicitations, il peut tout de même se rappeler de l’existence du porte-parole du gouvernement, de surcroît ministre de la communication.
Et ce jeudi matin, Moussa Sinko Coulibaly ne pouvait pas manquer de voir à son côté, assis immédiatement à sa droite, Manga Dembélé. Souriant au début du speech de son collègue, le ministre de la communication n’a pas pu se retenir d’afficher d’abord un visage gêné, puis consterné, ensuite agacé, enfin détendu quand le grand orateur est allé enfin au sujet. Un sujet qu’il a expédié en moins de trois minutes.
Mais pendant ce laps de temps, non content de se transformer en président de la République ou en chef de gouvernement par ordre, de prendre la place d’un porte-parole aphone, le ministre Moussa Sinko Coulibaly a cru bon de substituer, encore une fois, au juge constitutionnel en déclarant que son speech met « fin au second tour de l’élection présidentielle. »
Autrement dit, la Cour constitutionnelle n’a plus rien à faire ou à dire à part s’aligner, elle à qui, normalement, revient le dernier mot. Mais c’est la loi de la junte.
Cheick TANDINA