Poignée de mains, accolades forcés et sourires crispés. Voilà entre autres le décor ayant caractérisé la rencontre d’IBK et se son principal adversaire politique, Soumaila Cissé, le 26 Février dernier. Après un bref entretien téléphonique, les deux finalistes de la présidentielle ont eu un tête-à-tête à huit clos qui aura duré près de deux heures d’horloges, au le Palais Présidentiel de Koulouba, loin de tous regards indiscrets. Selon des observateurs, cette rencontre entre les deux leaders politiques est un nouveau signe de décrispation du climat politique. Mais elle semble plutôt annoncer la mort certaine de l’opposition malienne.
En effet, les deux hommes ne s’étaient pas rencontrés depuis la réélection d’Ibrahim Boubacar Keïta au second tour de l’élection présidentielle du 12 août 2018 et la proclamation d’IBK vainqueur avec 67,16% des voix contre 32,84% pour son rival. Lequel avait dénoncé un « hold-up électoral » et contesté une victoire qu’il juge entachée de « fraudes massives ».
Interrogé sur le refus de son challenger de reconnaître sa victoire de 2018, IBK avait répliqué en invitant son challenger regarder la réalité en face et à « cesser d’entretenir l’illusion ». « Ses jérémiades et ses marches ne servent à rien. Il doit accepter ma main tendue afin que nous puissions, tous les deux, conjuguer nos efforts pour redonner à notre pays sa grandeur et sa fierté d’antan », avait-il déclaré à la différence de 2013 où il avait pratiquement imposé une marche forcée vers une démocratie classique faite d’une majorité présidentielle et d’une opposition – une option qu’il avait d’ailleurs pris soin de matérialiser par une loi inédite sur le Statut de l’opposition. Seulement voilà : à la différence de 2013 où sa victoire était sans équivoques, les réserves et récriminations ayant émaillé les récentes joutes ont fait que la main-rendue du président était restée invisible dans le camp adverse. Les différentes tribulations préélectorales étaient aussi passées par là, si bien que le chef de l’Etat, certainement très agacé par les vicieuses sorties de l’opposition, a pu qualifier d’argent jeté par la fenêtre les 500 millions annuellement alloués au chef de file de l’opposition.
Force est d’admettre que l’allocation budgétaire n’a jamais paru inapproprié que depuis les retrouvailles de la semaine dernière entre Soumaïla Cissé et IBK, tant elle remet en cause les raisons d’être d’une opposition dans sa conception traditionnellement admise. En effet, les deux protagonistes, selon des sources concordantes, ne se sont guère limites à briser la glace.
Après avoir passé en revue l’État de la nation, ils ont admis que la situation et la cause du Mali mérite de prendre plus de hauteur et de surmonter les désidératas. Ils se sont ainsi donné rendez-vous cette semaine pour peaufiner le modus operandi d’une participation des forces constitutives de l’opposition à la gestion publique, au moyen notamment d’une structure de réflexion bipartite composée de personnalités respectivement désignées par les deux protagonistes.
En définitive, outre que le coup de fil IBK a été plus audible que n’a été visible sa main-tendue, la rencontre aura posé les jalons d’un consensus qui n’a rien à envier à celui ayant caractérise en son temps l’ère ATT et dont le pays avait beaucoup plus besoin au sortir de la présidentielle 2013 pour s’épargner tant d’errements depuis six ans : l’approfondissement de la crise de 2012 et son corollaire d’insécurité contagieuse, l’épisode de Kidal, la signature d’un accord dont l’application l’embourbe dans les réformes marécageuses, compromettantes pour la stabilité institutionnelle et qui détourne l’Etat de ses missions régaliennes ordinaires.
En prenant date dans ce sens, ÎBK aura mis fin à l’opposition en la vidant de son sens et de sa raison d’être, si bien qu’il n’en reste plus qu’un statut formel porté par Soumaïla Cissé alors qu’il conviendrait mieux à Oumar Mariko.
Amidou Keïta
Le Témoin