La question mérite d’être posée si l’on sait qu’aucun pays de cette organisation sous régionale n’est producteur de carburant. Ces pays sont composés en plus du Mali, de la Mauritanie, du Sénégal et la Guinée Conakry. La réponse à cette interrogation vient d’être connue.
En effet, le 11 juin dernier, à travers les médias internationaux comme BBC Afrique et Voice of America-Afrique (VOA-Afrique), on apprend que le Sénégal vient de rejoindre le cercle des pays producteur de pétrole et de gaz. Il va produire par jour 100 000 barils de pétrole. Donc, la condition posée par la Banque mondiale pour octroyer cette aide de 36 milliards de FCFA n’était pas gratuite.
En obligeant le Mali à payer du carburant au Sénégal, la banque mondiale veut empêcher le voisin nigérien, lui aussi devenu producteur de pétrole, d’être fournisseur du Mali. A ce jour, le Mali a signé avec le Niger deux commandes de carburant dont la dernière est de 150 millions de litres à un prix défiant toute concurrence (328 FCFA le litre).
Comment la Banque Mondiale a-t-elle accordé au Mali 36 milliards de FCFA ?
Alhousséni Sanou, Ministre de l’Économie et des Finances avait conduit une délégation aux réunions du printemps 2024 du Fonds monétaire international (Fmi) et du Groupe de la Banque mondiale qui se sont tenues du 15 au 20 avril 2024 à Washington (Usa). Selon une note d’informations, lors de cette mission, le ministre de l’Économie et des Finances a eu plusieurs entretiens et des échanges approfondis avec les dirigeants du Fmi et du Groupe de la Banque Mondiale sur les défis économiques et sociaux auxquels fait face le Mali, ainsi que sur les réformes envisagées pour y répondre de manière efficace et durable, dans un contexte marqué par des chocs exogènes et des fragilités structurelles. Lors des discussions, le ministre a souhaité la restructuration de certains projets pour répondre mieux aux besoins actuels réels du pays. C’est ainsi que dans le cadre de l’amélioration de la fourniture d’énergie, la Banque Mondiale a accepté de mettre à la disposition du Mali 60 millions de dollars immédiatement, soit 36 milliards de FCFA, pour permettre à Energie du Mali SA de faire face aux achats de carburants ou d’énergie. La condition posée par l’institution financière est que ces achats s’effectuent à partir des pays de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs). Une aide au développement conditionnée est-elle une vraie aide ? Pour répondre à cette question faudrait-il savoir ce qu’est l’aide au développement ?
Aide au développement ou aide publique au développement ?
L’aide au développement, souvent appelée aide publique au développement (APD), désigne l’ensemble des financements fournis par les acteurs publics des pays les plus favorisés pour améliorer les conditions de vie dans les pays moins favorisés. L’APD se concrétise à travers des dons ou des prêts à taux avantageux visant à financer des programmes d’amélioration de l’accès à l’eau potable, aux soins de santé, à l’électricité, à l’éducation, au logement décent, ou encore à la préservation de l’environnement. Cette aide peut concerner des petits projets locaux ou des politiques à grande échelle sur le long terme. Elle est mise en œuvre par des acteurs locaux tels que les ministères, les collectivités, les banques, les organisations professionnelles, les ONG et les entreprises. L’objectif principal est toujours de bénéficier aux populations locales. L’aide au développement permet d’amorcer des projets dans des secteurs ou des zones négligés, d’initier des dynamiques vertueuses de développement et d’engager tous les acteurs, notamment les entreprises, dans ces efforts. Un autre rôle essentiel de l’aide publique au développement est de réorienter l’économie de certains pays vers les objectifs de développement durable, vers un monde plus juste, écologique et égalitaire. Cependant, l’effet le plus pervers de l’aide publique au développement concerne les dirigeants des pays bénéficiaires, car elle peut devenir une assurance tous risques pour leur mauvaise gestion. L’aide au développement ne devrait pas être une fin en soi, car son objectif ultime est de permettre au bénéficiaire de devenir autonome et de ne plus dépendre de son donateur. Cependant, si l’argent est détourné de son contexte ou perçu comme un trésor trouvé sur une île perdue, il est difficile de profiter pleinement des avantages de cette aide. Donc, il est crucial de veiller à ce que les inconvénients ne l’emportent pas sur les avantages, car toute aide où les inconvénients prédominent est vouée à l’échec. La bonne gouvernance est la serrure et la justice est la clé pour ouvrir la porte du véritable changement et du développement durable, loin des promesses vides et des actions inefficaces. C’est ce type d’aides que le Mali vient de bénéficier de la part du FMI et de la Banque mondiale.
Jean Pierre James