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Rapatriés maliens Les vies brisées des migrants de retour forcé de Libye

immigrés maliens

Deux ans après 
avoir fui la guerre, 
des dizaines de milliers de migrants peinent toujours à retrouver leur place dans un pays complètement déstabilisé. 
Leur retour a un impact économique et social terrible.

Bamako,  envoyée spécialePour lui, le printemps arabe n’a jamais exhalé le parfum du jasmin. C’est plutôt dans un interminable cauchemar qu’a plongé Harouna Traoré depuis la prise de Tripoli par les rebelles, à la fin du mois d’août 2011. Un cauchemar qui se prolonge aujourd’hui dans son village natal, près de Bafoulabé, dans l’ouest du Mali, où il a trouvé refuge auprès de sa famille.

Parti en Libye en 2001, il travaillait dans la capitale libyenne comme agent d’entretien dans les locaux de la multinationale pétrolière Repsol. Il était en situation régulière, gagnait décemment sa vie. Au point de faire venir son épouse, tout en continuant à faire parvenir de l’argent à la famille restée au pays. « La rébellion m’a surpris avec ma femme enceinte et mes deux enfants de trois et six ans. Lorsque la guerre a éclaté, mon patron m’a conseillé de partir, avant de s’envoler vers l’Europe. Mais pour nous, c’était trop tard. Nous nous sommes terrés pendant deux mois. Les bombes pleuvaient. Les routes étaient bloquées. Puis, lorsque Tripoli est tombée, les Noirs ont été pris pour cibles, accusés d’être des mercenaires de Kadhafi. Nous ne pouvions même plus sortir pour acheter à manger. »

La famille a pris la fuite, abandonnant tout derrière elle, pour gagner l’immense camp de réfugiés de Ras Jdir, à la frontière tuniso-libyenne. De retour au Mali, elle n’a trouvé ni accueil, ni prise en charge. L’épouse de Harouna Traoré a donné naissance à un bébé fragile, atteint d’une malformation du cœur. Faute de soins et de médicaments, trop coûteux, l’enfant est décédé il y a deux mois. À Bamako, le père de famille a tenté de faire survivre sa famille au gré des petits boulots. Il n’a jamais retrouvé d’emploi stable et a dû se résoudre à rentrer au village. « Aujourd’hui, nous vivons de l’aide des gens. Misérablement. Je n’arrive pas à retrouver une place dans ce pays. Parmi les revenants de Libye, seuls les Touareg ayant combattu aux côtés de Kadhafi ont été accueillis et aidés par l’État, avant de retourner leurs armes contre le Mali pour réclamer l’indépendance », souffle-t-il. Comme lui, la plupart des Maliens revenus de Libye peinent à se réinsérer dans leur pays. Moussa Boubacar Traoré est de ceux-là. Il vit à Sangarébougou Terminus, un faubourg perdu dans un nuage de poussière rouge, à la périphérie de Bamako. Là, il tient une petite cantine de misère. Sous la paillote encombrée de charbon, d’un réfrigérateur antédiluvien et d’un fatras de calebasses et de paniers, toute la famille est mise à contribution.

À Tripoli, où il vivait et travaillait depuis 2007, Moussa Boubacar Traoré était peintre en bâtiment. Son salaire lui permettait de financer la scolarité de ses six enfants. C’était avant que sa vie ne se fracasse sur la vague du soulèvement libyen. « J’ai été ramassé par les rebelles. Ils m’ont passé à tabac, avant de m’emmener dans une sorte de caserne, où je suis resté enfermé plusieurs jours avec de nombreux autres migrants. Ils nous ont fait subir beaucoup de violences, ils nous frappaient sans cesse. Puis, ils nous ont transférés à l’aéroport. Je suis parti sans rien, pas même un sou en poche. J’ai laissé derrière moi toutes mes affaires, mes économies, jusqu’à mes vêtements », se remémore-t-il. À Bamako, c’est une « vie difficile » qui l’attendait. Lui aussi a cherché en vain un travail décent, avant de monter son petit « commerce de débrouille » qui permet à peine de subvenir aux besoins de la famille. Aujourd’hui, Moussa Boubacar Traoré se dit toujours « traumatisé ». « Certains sont repartis mais, moi, je ne retenterai plus jamais l’aventure », assure-t-il.

Plusieurs dizaines de milliers de Maliens ont connu le même sort. Avec des conséquences économiques et sociales d’autant plus désastreuses que leur retour de Libye a coïncidé avec le retour des migrants installés en Côte d’Ivoire fuyant la crise postélectorale dans ce pays. Sur les 14,8 millions de Maliens, près du quart vivent à l’étranger. Contrairement aux idées reçues, c’est sur le continent africain que ces émigrés sont les plus nombreux (3,5 millions). Ils ne sont que 200 000 en Europe et dans le reste du monde. Estimés en 2005 à 456 millions d’euros par an, soit environ 11 % du PIB par la Banque africaine de développement, les transferts de revenus en provenance de cette diaspora sont vitaux pour le pays, contribuant de manière décisive à tirer des familles de l’extrême pauvreté. Kadhafi avait su en jouer, au travers d’une politique d’instrumentalisation mal maquillée en solidarité panafricaine. À l’occasion, il n’hésitait pas à faire des travailleurs subsahariens des boucs émissaires. Comme en 2000, lorsque des émeutes racistes ont fait plusieurs dizaines de morts dans la communauté nigériane. Le «guide» avait su, aussi, jouer la partition du chantage auprès d’une Europe forteresse qui lui sous-traitait le contrôle à ses frontières. Quoi qu’il en soit, l’expédition militaire franco-britannique en Libye a rompu de fragiles équilibres. Au sud comme au nord du Mali, le retour forcé des migrants de Libye a eu des effets désastreux dans un contexte de crise économique et de crise alimentaire.

« Ces migrants ont été pourchassés, rançonnés, dépouillés. Pris au piège, plusieurs centaines de ces malheureux ont péri en mer. Ceux qui ont réussi à fuir ont tout perdu. Leur retour a eu un impact économique et social terrible. Ce facteur explique en partie la crise au nord », analyse Alassane Dicko, de l’Association malienne des expulsés. Deux ans après la fin de la guerre de l’Otan en Libye, ces migrants de retour au pays peinent encore à recoller les morceaux de leurs vies brisées, dans un Mali toujours déstabilisé.

 

Source : humanité

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