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Que sont-ils devenus… Fatoumata Coulibaly dite FC : La “grobinè” de l’art malien

Le nom de Fatoumata Coulibaly dite FC rappelle sans nul doute cette voix suave sur les antennes de Radio Mali au début des années 1980, à travers ses émissions, ou ses reportages sur le monde rural. Les auditeurs de la chaîne nationale l’ont dévisagée plus tard avec l’avènement de la télévision en 1983. Avec les Tosso Diarra, Mariam Sèye, Koty Coulibaly, Fanta Sangaré, Salimata Ouattara, Oumou Diata Kéïta, elle faisait figure de téléspeakerine qui plantait le décor de la soirée, et annonçait les événements qui entrecoupaient parfois les programmes de la télé. Comment comprendre qu’elle a commencé ses fonctions dans l’administration, comme secrétaire au service des eaux et forêts entre 1976 et 1977. Son avenir et son devenir finiront par la conduire à Radio-Mali, puis à l’ORTM, malgré un traitement salarial quasi inexistant. Chevalier de l’Ordre National, détentrice d’une maîtrise en journalisme-communication, elle est aujourd’hui journaliste-réalisateur. Elle prépare d’ailleurs un doctorat (après un master 3e cycle obtenu en 2011), dont le thème porte “Cinéma et télé : facteur de développement”. La brèche ouverte nous permet d’annoncer que FC est notre héroïne de la semaine, pour l’animation de la chronique “Que sont-ils devenus ?”  Son amour du métier ? Comment elle s’est retrouvée à Radio-Mali ? Comment elle s’est créé une deuxième facette ? Son secret de réussite ? L’art l’a-t-elle nourrie ? Fatoumata Coulibaly nous a souhaité la bienvenue à son domicile, situé à Kalabancoura, pour un flash-back sur sa vie.

Notre premier rendez-vous avec Fatoumata Coulibaly dite FC a été annulé à la dernière minute. Sous le coup de l’émotion, elle s’est excusée de cette déprogrammation parce qu’elle venait d’apprendre le décès de l’artiste Abdoulaye Diabaté, suite à un accident de circulation sur la route de Ségou. En nous appelant, FC ne s’était pas remise du choc psychologique occasionné par le “fake news”. “Monsieur Sissoko veuillez m’excuser. Je suis en route pour l’hôpital Luxembourg, où est interné Abdoulaye Diabaté. On avait annoncé sa mort, mais c’est faux. J’ai parlé avec lui au téléphone, malgré tout pour adoucir le rythme de battement de mon cœur, il faut que je constate par ma présence qu’il vit. Donc on reporte l’interview…”, s’est-elle défendue.

Effectivement l’opinion n’avait pas encore fini de commenter le décès de l’ancien Premier ministre, que la nouvelle de la mort de l’artiste Abdoulaye Diabaté a inondé les réseaux sociaux et les rues de Bamako. Ce qui était une fausse information. Nous souhaitons une longue vie à notre artiste préféré. Ce qui s’est passé est quand même méchant, regrettable et inhumain.

Pour revenir à FC faudrait-il rappeler qu’elle est une femme  battante, courageuse et très sociable. En expliquant son secret qui lui permet de s’adapter à tous les rôles, Fatoumata Coulibaly met un accent particulier sur le statut de femme. Pour la simple raison que la femme subit dans la société, en même temps le bonheur et la souffrance. Voilà comment elle parvient à jouer tout selon le contexte. C’est sous un soleil matinal ardent que FC nous a reçus à son domicile ce dimanche 27 mars 2022. L’accueil était tellement chaleureux, que l’ambiance peut être comparée à une retrouvaille au “grin” entre amis.

Après quelques mois au service des eaux et forêts, un an en France pour des cours informatiques, Fatoumata Coulibaly dévoile à son père le désir de travailler à Air-Mali ou à Radio-Mali. Son salut vient du colonel Amadou Baba Diarra (un ami de son papa, membre du CMLN), dont  l’intervention lui permet d’avoir une suite favorable à sa demande d’emploi déposée à la chaîne nationale.

En tant que stagiaire, FC est affectée en 1978 au secrétariat des programmes de Radio-Mali, donc chargée de la saisie des disques demandés et des communiqués radiodiffusés. De ces moments jusqu’à l’avènement de la télévision en 1983, FC par son statut de bénévole, rase les murs, c’est à dire sans salaire et sans primes. C’est là où elle subit une formation pour assurer les fonctions de téléspeakerine avec d’autres animatrices. Elle ne se limite pas  à ce seul rôle, elle se confie à Mamadou Souleymane Touré (speaker soninké, devenu plus tard journaliste-réalisateur après le Cesti).

A la force du poignet

Son nouveau mentor lui apprend les techniques de l’animation radiophonique, et la volonté de FC détermine sa propre notoriété. Pour faire ses premiers pas devant le micro, Fatoumata Coulibaly anime le magazine de la santé et de la femme avec Tosso Diarra, se joint à Mory Soumano pour assurer l’émission Poyi Kan Poyi tous les vendredis, avec un clin d’œil sur le monde rural.

Il lui arrivait de passer la journée à la radio et se retrouver le soir devant le petit écran comme téléspeakerine. Cet engagement change au moins sa situation administrative. De simple bénévole, FC devient collaboratrice extérieure avec un salaire de 15 000 F CFA.  Qu’est-ce qui lui faisait tenir avec une telle somme dérisoire ?  “C’est la passion de la radio qui me faisait vivre et me donnait le courage de tenir. Les voix de Kadiatou Kouma et Daouda Ndiaye m’ont séduite. J’en ai parlé à mon grand frère M’Baye Boubacar Diarra, qui me conseilla de me cultiver davantage. Et c’est là où je remercie du fond du cœur Laurent Diakité, feus Balla Moussa Kéita, Thierno Ahmed Thiam, Baba Sangaré. Ils ont été d’un apport capital dans mon parcours”.

Entre-temps Fatoumata Coulibaly bénéficie de deux bourses : l’une sur la Yougoslavie à l’Ecole de journalisme de Belgrade (1984), et l’autre en République fédérale d’Allemagne (1985) pour une spécialisation en radio rurale. Si ces deux stages ont eu le mérite de la perfectionner, elles n’ont pas impacté sa situation administrative.

FC est demeurée collaboratrice extérieure de 1983 à 1995, quand un certain Sidiki N’Fa Konaté répare une injustice. Il  recrute tous les collaborateurs extérieurs pour services rendus, pour consolider leurs acquis. Parce que c’était des cadres dévoués pour la cause de l’ORTM.

Ainsi après 17 ans dans une situation administrative irrégulière, le rêve de FC s’est  finalement réalisé. Maintenant que ses objectifs sont atteints, fallait-il se contenter du minimum, pour se soulager la conscience ? Pas du tout, répond-elle. Elle soutient avoir multiplié les initiatives pour les nouvelles émissions, les reportages.

Seulement à un moment elle devait faire le choix entre la radio et la télé. Compte tenu de ses ambitions, FC opte pour le petit écran et crée l’émission “Mémoire”, qu’elle continue d’animer. L’autre facette de FC est son amour pour le cinéma. C’est son confrère, Djibril Kouyaté qui vante ses qualités innées pour s’adapter au cinéma.

Il lui fait part de son projet de film intitulé “Air Mali”, et demande à FC de s’apprêter à jouer un rôle principal. Malheureusement, pour des raisons financières, ce film n’a pu être réalisé. Mais la complicité entre les cinéastes dirige Mamo Cissé vers Fatoumata Coulibaly pour son long métrage “Falato”. Elle interprète la femme méchante. Cette première expérience met en exergue ses potentialités artistiques. En un mot cela a été un déclic. Du coup elle se  passionne pour le cinéma et devient actrice, assistante de réalisation et réalisatrice de films.

FC a joué dans 40 films, toute catégorie confondue (long et courts métrages…) On peut citer entre autres “Depté”, romance pour un amour mortel, téléfilm “Filon d’or”“Guimba le tyran”“Genèse”, la série “Dou la famille”, etc. En plus d’être une actrice de cinéma, assistante de réalisation, FC a également produit des  téléfilms et des documentaires sur divers domaines.

Teint noir original

Ces nombreux prix remportés sont salutaires dans sa carrière, et sonnent comme la recomposition du mérite. Dire que le cinéma l’a nourrie serait du pléonasme, selon elle. Elle préfère plutôt dire que l’art lui a rendu un énorme service à travers le tour du monde, ces innombrables carnets d’adresse, tous ces prix à caractère financier. Que pense-t-elle de la citation d’un auteur africain selon laquelle “les femmes africaines n’ont plus la peau noire” ? En fait nous voudrions savoir pourquoi elle ne s’est pas dépigmentée ? FC soutient que son père a toujours dit à ses enfants de se souvenir à tout moment et en tout lieu, de là où ils viennent.

Ce qui leur permettrait de ne pas s’égarer. En aucune manière, elle ne saurait utiliser des produits de dépigmentation pour paraître plus belle. D’ailleurs son teint noir original lui a valu beaucoup de compliments à l’étranger lors de la réception des prix. Donc elle n’a plus de raison à changer son identité. Elle ne s’attaque pas non plus aux femmes qui se dépigmentent. Pour cela elle paraphrase un proverbe chinois : “Pour comprendre un homme, il faut se mettre dans ses souliers”.

Fatoumata Coulibaly est veuve et mère d’une fille. Son premier garçon est décédé en 1998, quand il était presque à la fin de sa formation  militaire à l’Ecole nationale de la police. Ce qui constitue logiquement l’un de ses mauvais souvenirs, tout comme le décès de son mari Abdramane Somé en 2012, et surtout le jour où la hiérarchie lui a demandé de faire un choix entre la télé et la radio.

Ses bons  souvenirs : sa première prise de parole sur Radio-Mali, les deux films : “Gnidiougou Guimba” et “Moladé” du Sénégalais Sembène Ousmane.

Dans la vie Fatoumata Coulibaly dite FC aime la vérité à tout prix, le cinéma, les relations sociales. Elle déteste le mensonge, la méchanceté.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

Source: Aujourd’hui-Mali

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