Selon l’ancien ministre Amadou Koïta, président du PS Yeelen-Kura et membre du Cadre d’échange des partis et regroupements de partis pour une Transition réussie, Soumeylou Boubèye Maïga a défendu jusqu’au bout contre vents et marées ce en quoi il croyait. “Combattant des libertés, de la démocratie et des droits des travailleurs, camarade syndicaliste et politique, Soumeylou Boubèye Maïga rejoint 31 ans après, ses camarades tombés lors des évènements de mars 1991”, soulignera-t-il.
Que dire ? Que vous dire ? Par où commencer ?
Devant l’immensité de la douleur commune, j’implore votre mansuétude, votre générosité, votre indulgence. Les mots n’ont pas de poids au vide sidéral devant nous qui se creuse à l’infini et nous rappelle que nous sommes de simples passants. Si la grandeur, la noblesse et l’honneur, ici-bas, pouvait être un viatique, la potion magique, celui que nous pleurons aujourd’hui ne serait pas allé.
Soumeylou Boubèye Maïga, affectueusement appelé en famille «ISM», au dehors «SBM» ou «Le Tigre», il était un homme d’Etat de la République du Mali, un démocrate et un serviteur par-dessus-tout de la nation. Mais pas que… Il était un patriote hors-pair qui avait le Mali chevillé au corps, démocrate et républicain dans l’âme.
«La vie est la voie de la mort, la mort est la voie de la vie». Comme disait l’écrivain Schopenhauer : «La profonde douleur ressentie à la mort de toutes les âmes amicales naît du sentiment que dans chaque individu, il y a quelque chose d’inexprimable, qui lui est particulier et qui est donc absolument et inextricablement perdu».
Il est dans l’histoire des moments privilégiés, où l’intégrité à un nom, la rigueur un visage, la conscience une voix et dans la vie d’un homme un instant, sa mort. Chacun, ami ou adversaire perçoit l’écho d’un même message et voilà que soudain oui pour un instant tous se rejoignent. Comment exprimerais-je ici la qualité de l’émotion qui secoue tant d’hommes et de femmes depuis ce lundi 21 mars 2022, et nous-mêmes connaissons-nous toutes les raisons du serrement de notre cœur.
Avant que nous ayons pu rendre à SBM le solennel hommage qui nous réunit aujourd’hui, la nation malienne, notre peuple et combien d’autres dans le monde avaient d’eux-mêmes perçu cette mort comme un deuil, ils avaient perdu l’un des leurs, qu’ils aimaient, respectaient, admiraient, l’un de ceux dont on sait dans la nuit et dans l’incertitude qu’ils ouvrent le chemin. D’après ses parents, SBM a voulu que les jours qui suivent sa disparition fussent réservés à sa famille, à ses intimes et distingués des cérémonies officielles.
Je n’ai pas à interpréter cette volonté, conforme à la conduite d’une vie. Je me pose cependant la question : cet homme d’un destin insolite, d’une originale plénitude, mesurait-il assez ce qu’il a apporté au pays ou doutait-il du mouvement de gratitude et de chagrin que son départ susciterait ? S’il fut atteint par ce doute et comment ne pas le comprendre ? Lui qui fut si longtemps combattu, calomnié, injurié, il n’ignorait pas qu’on s’y expose et qu’on en prend le risque dès lors qu’on intervient dans les affaires de la cité.
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et sœurs, chers enfants et petits-enfants
SBM était un Homme avec grand H, un homme de valeurs et de principes.
“Les défauts d’un homme sont dus à son époque, ses vertus et sa grandeur lui appartiennent.” disait Johann W von Goethe.
Ô que l’époque de notre SBM avait des défauts ! Et pourtant, celui que j’appelais affectueusement le : “Déchiffreur d’humeur” était un vertueux, on avait toujours hâte de le revoir parce qu’il donnait le sentiment d’avoir tissé avec ses interlocuteurs un lien unique et indéfectible. De par sa sincérité, sa finesse d’esprit et son intelligence. Son cœur a battu jusqu’au souffle ultime pour le Mali. En témoigne sa dernière lettre aux Maliens ! Quelle magnanimité !!! Quelle vie fut la sienne ! Celle des hommes auxquels le destin trace des chemins exceptionnels… et qu’il ne fut pas facile d’emprunter.
SBM, le Tigre, le Stratège, le Combattant de la liberté, le Martyr… et le colonel.
“Celui qui possède un pourquoi qui le fait vivre peut supporter tous les comment”, a écrit Friedrich Nietzche. Après les coups d’Etat du 18 août 2020 et du 24 mai 2021, en tant qu’homme d’Etat SBM avait appelé au rassemblement des Maliens autour du Mali afin d’éviter à notre peuple et à la sous-région des souffrances inutiles.
Membre fondateur du Cadre des partis politiques pour une Transition réussie, il a travaillé à la levée des premières sanctions internationales contre notre pays et se préparait à briguer la magistrature suprême lors des élections présidentielles à venir. Mais Allah, le Maître des destins, en a décidé autrement… Mais non sans douleur, non sans introspection, sans interrogation en cette veille de la commémoration du 26 mars !
Laissons les pourquoi aux pourquoi, et simples mortels disons avec force que la loi sert à protéger la liberté du citoyen et sa vie et non pas à l’en priver. Après environ 8 mois de séquestration d’abord à la Prison centrale de Bamako et ensuite dans une clinique privée, SBM a rendu l’âme ce lundi 21 mars.
Soumeylou le combattant de la liberté qui a bravé la mort plusieurs fois depuis les années 80 meurt en martyr. L’on se rappelle des conditions de son arrestation dans l’affaire dite des équipements militaires et de l’achat de l’avion présidentiel. Une affaire que lui-même qualifiait de “serpent de mer” utilisé par ses détracteurs qui l’emprisonnèrent.
Comme si ça ne suffisait pas, tombé malade depuis mi-décembre, le régime de la Transition lui a refusé le droit d’aller se soigner dans de meilleurs centres à l’extérieur du pays. Même la contre-visite à la demande des autorités a émis la nécessité de le laisser aller se soigner ailleurs.
Comprenez que l’émotion prenne le dessus sur l’hommage qui est de la volonté du Tout-Puissant en pareille circonstance. Poussière nous y retournerons tous. Seul Allah reste Intemporel.
L’histoire d’aujourd’hui et de demain retiendra qu’il a tenu tête, qu’il ne s’est jamais courbé et qu’il a défendu jusqu’au bout contre vents et marées ce en quoi il croyait.
Combattant des libertés, de la démocratie et des droits des travailleurs, camarade syndicaliste et politique SBM rejoint 31 ans après, ses camarades tombés lors des événements de mars 1991. SBM était un homme discret, réservé et humble, un meneur d’hommes, un leader d’une carrure et stature à nulle autre pareille. Cet homme aimait les enfants et les jeunes surtout la génération de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM).
Le Mali était sa passion. SBM aimait son pays et son peuple. Des gens de toutes conditions étaient dans sa proximité. Il avait à cœur notre vieux pays tant ballotté, si malheureux. Il abhorrait l’injustice, l’incompétence et la médiocrité.
SBM aimait les gens. Cet homme était un mélange de lucidité, de courage et de mystère. Mais tout ce que le Bon Dieu fait est bon. Nous nous inclinons devant le Seigneur des mondes et acceptons Sa Volonté !
“Je n’aime pas cet homme. Je dois apprendre à mieux le connaître”, disait Abrahams Lincoln. SBM nous laisse une foi, une méthode et un exemple. Sa foi la République, sa méthode la vérité, son exemple l’inlassable combat pour la démocratie, la liberté, la paix et pour le progrès du Mali.
Pour SBM la République même ingrate, fut sa passion, elle était pour lui la conquête des libertés, la mise en œuvre des droits de l’Homme et des vertus civiques, la forme supérieure du développement des sociétés humaines, le lieu où le devoir de vérité, le respect de la parole donnée, les scrupules de l’esprit libre, l’amour du bien public fondent le gouvernement des peuples. Ses choix et ses refus furent animés par cette passion. Sa passion pour la République explique encore qu’il fut jusqu’à son dernier jour, jusqu’à l’extrême limite de ses forces, engagé, solidaire sans défaillance, jugeant certes mais entendant que son rôle, restât celui d’un citoyen et d’un serviteur du pays.
Pour SBM, la République commence avec la volonté de convaincre de façon brûlante mais méthodique, cette volonté animait SBM, qu’il s’adressât au plus humble, au plus ignorant de ses électeurs ou au plus grand des plus grands de ce monde, à son ami le plus intime dans une conversation la plus personnelle ou à l’assemblée la plus anonyme et même la plus hostile. Etre républicain, selon lui, c’était croire que tout homme peut être juge du bien commun. Comme tous les grands inspirateurs, SBM disait des choses simples, pour lui rien n’est plus fort que le langage qui rend à chacun le droit de comprendre. Ainsi ont grandi les mythes, les religions et les philosophies, ainsi se sont formés les mots pour lesquels des hommes ont voulu se battre ou mourir.
Après avoir tout donné à son pays, on a tenté de l’humilier mais il savait mourir car : “Le savoir mourir nous affranchit de toute sujétion et contrainte”, disait Michel de Montaigne.
En cette douloureuse circonstance, en mon nom propre et au nom du Cadre d’échange des partis politiques et regroupements de partis politiques pour une Transition réussie, j’adresse à sa famille durement éprouvée, à ses proches, à tous ses collaborateurs nos condoléances les plus émues.
Que son âme repose en paix. Amine
Cher camarade et estimé grand frère maintenant qu’approche l’heure de nous quitter, nous laisserons la tâche aux historiens de rétablir les faits puisque la justice pour laquelle vous vous êtes sacrifié, vous a été déniée.
SBM, le Tigre, le Combattant de la liberté, le Stratège, le Martyr, dors, dors en paix, le Mali se souvient, il se souviendra de vous comme de tant d’autres grands bâtisseurs de notre nation, vous appartenez maintenant à l’Histoire. Vous êtes des morts qui ne sont pas morts, qui vivront éternellement dans nos cœurs. Car “mourir en combattant, c’est la mort détruisant la mort…”
Je cherche les derniers mots pour dire ce que je ressens au nom du Cadre d’échange en cet instant. Devant vous et devant le Mali, je cherche à définir ce que fut SBM et je ne trouve pas d’autres définitions que celle-ci : SBM, l’éveilleur des consciences. A ses épouses, je dis il fut votre tendresse et votre vie.
A ses enfants, je dis il fut votre conseil, votre ami le plus proche.
Aux siens, à tous les siens, je dis il fut votre compagnon, votre guide. Je suis l’un d’entre vous.Aux Maliens, à tous les Maliens, je dis fut une part de notre honneur, il fut une part de notre histoire. Le temps s’en souviendra.
Que la terre du Mali que vous aviez tant chérie vous soit légère !”.
Source: Aujourd’hui-Mali