L’information d’après laquelle il pourrait développer la fièvre Ebola l’avait précédé à Bamako. Car, Zoumana Kouyaté, c’est son nom, de retour de N Zerekoré, épicentre de la maladie en Guinée, faisait de la fièvre et avait même vomi à l’hôpital de Guekedou où il s’était rendu pour faire le test. Stigmatisé et longtemps laissé pour compte à ses dires, il n’a plus voulu obtempérer aux injonctions du corps médical guinéen et a aussi contourné le contrôle médical au poste frontalier de Kouremalé. Rentré chez lui à Sebenikoro le mardi 7 octobre dernier, la rumeur s’est emparée de la nouvelle en la gonflant. « Zou » comme on l’appelle, est rentré de Guinée saignant de la bouche et des narines. Il n’en fallait pas plus pour que le dispositif de veille piloté de main de maître par le Professeur Samba Sow se mette en branle. Des véhicules bourrés de policiers avec des médecins tout de blanc vêtus tels des anges, bouclent le secteur où loge « le malade ». Mais il était passé dans la clandestinité, rajoutant à la rumeur et à la psychose. Recherché sans succès, il se rend lui-même le jeudi 9 octobre au CNAM (ex Institut Marchoux) où il est testé négatif. Toute la nuit de vendredi, c’était la fête chez les Kouyaté et voisins. Lundi, un bœuf est sacrifié et une lecture du saint coran faite. Malijet a pu surmonter la réticence du revenant qui ne voulait plus parler à un journaliste car, un escroc déguisé lui a extorqué 20.000 FCFA pour dit-il, publier l’information sur une page. En voici le récit d’une escapade fait par l’acteur lui-même.
Zoumana Kouyaté dit Zou est photographe de son état domicilié au secteur II à Sebenikoro en Commune IV du District de Bamako. Il tient un laboratoire photo dans son quartier et un autre à N Zerekoré en Guinée où la fièvre Ebola fait des milliers de victimes. A l’approche de la Tabaski, il apprend que son labo guinéen est en panne. Les périodes de fête sont des moments de vache grasse pour les photographes et il voulait aller dépanner au plus vite son labo. Mercredi 1eroctobre, Zou qui se sait malade de fièvre typhoïde quitte Bamako à moto pour Kouremalé, une ville frontalière que se partagent le Mali et la Guinée. Ici, il gare son engin et emprunte un véhicule pour N Zerekoré. Pendant le voyage, il a eu le sentiment que sa fièvre a rechuté.
A son arrivée, il a pris des médicaments, mais cela n’a pas calmé le mal. Sur le chemin du retour, entre N Zerekoré et Massanta, la fièvre est montée. A plusieurs reprises, il a tenté de vomir à bord du véhicule, mais sans succès. Dès lors nous confie t-il, ce fut la panique à bord. Les autres passagers ont pris peur, personne ne veut l’approcher encore moins le toucher. Il est obligé de quitter le véhicule et emprunter un autre pour Guekedou où il s’est présenté à l’hôpital en vue de faire le test de la fièvre. A ses dires, il a été abandonné pendant plus de 6H par terre dans une salle, tout seul en attendant selon les médecins, l’arrivée des spécialistes d’Ebola. Dans cette salle, il a pu enfin vomir, ce qui l’a soulagé. Mais personne ne veut l’approcher.
Or, les spécialistes annoncés se faisaient attendre. Pour autant, les médecins ne voulaient pas le laisser partir. Zou s’irrite. Au crépuscule, à la faveur d’une pluie, il quitte clandestinement. Mais à son arrivée à la gare routière où il voulait emprunter un véhicule, il se retrouve encercler par deux médecins arrivés sur des motos. Ils le somment de les suivre, mais ne veulent aucunement le toucher. Aux dires du photographe, ils voulaient le drainer comme un animal, ce qui l’irritait encore plus. Il a refusé de les suivre et comme ils évitaient de l’approcher, il s’est frayé le chemin pour disparaitre dans les touffes d’arbres et d’herbes vers 19h. Il a passé toute la nuit à marcher dans la brousse. Vers 8h, le lendemain matin, il est arrivé à Kissidougou où il a emprunté un autre véhicule. Mais avant de rentrer dans Kouremalé, il est sorti du véhicule pour pénétrer à pieds.
Ici, il reprend sa moto, contourne le poste médical frontalier pour regagner son domicile le mardi 7 octobre. Zoumana ignorait que la nouvelle l’avait précédé à Bamako. Aussitôt arrivé dit-il, il a fait une injection contre la fièvre typhoïde. La rumeur s’est propagée en se gonflant. Des messages SMS échangés par téléphones rapportent qu’il saigne de la bouche et des narines. C’était largement suffisant pour alerter le bataillon de veille que dirige le Professeur Samba Sow, chef du Centre pour les Vaccins en Développement (CVD-Mali), un projet du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM), ex-Institut Marchoux financé par les Américains.
Dès mercredi, au lendemain de son arrivée, des véhicules bourrés de policiers, accompagnés de médecins, tout de blanc vêtus on dirait des anges ont bouclé le secteur où logent les Kouyaté et leurs voisins. Ils ont fouillé partout, dans les chambres, sous les lits, mais nulle trace du « malade ». Il confie à malijet qu’il s’était enfui pour se cacher, le temps de faire deux autres injections contre la fièvre typhoïde. Mais cette clandestinité en avait rajouté à la psychose. Les Kouyaté et leurs voisins étaient stigmatisés, placés sous haute surveillance policière et médicale. A l’école, les enfants avaient été congédiés. Au même moment, une forte pression se faisait sur Siriman Kouyaté, un frère du fugitif, policier de son état. Il recevait sans cesse des coups de fil afin qu’il aide à retrouver son frère. Le jeudi 9 octobre vers 19h, ce dernier accepte de sortir de sa clandestinité et se rend sur une moto au CNAM où se trouvait toute la famille.
Il est isolé pour subir le test. Tout le monde retenait son souffle. Le lendemain vendredi, le résultat du test tombe. Zoumana n’a pas la fièvre Ebola. Il n’a même pas le paludisme. C’est aussi le même résultat obtenu en Amérique où le test était fait concomitamment. Zoumana se félicite de l’expertise du Pr. Sow dont il dit qu’il a été gentil avec lui. Joint au téléphone, ce dernier dit s’en référer au communiqué officiel publié par sa tutelle. Dans ledit communiqué, le ministère de la Santé dément tout cas de fièvre Ebola au Mali et invite tous à signaler tout cas suspect au numéro vert suivant : 80 00 89 89.
A l’arrivée de Zou chez lui à Sebenikoro, une soirée de Balani Show qui s’est poursuivie toute la nuit fut improvisée pour fêter la bonne nouvelle. Ce n’est pas tout. Le lundi 13 octobre, une lecture du saint coran a été faite et un bœuf sacrifié pour conjurer ce mauvais sort qui s’était acharné contre la famille et ses voisins. Ouf !