Aujourd’hui, les jeunes maliens évoluent dans un univers médiatique fragmenté, où les sites web, les réseaux sociaux, les chaînes YouTube et les forums en ligne deviennent souvent leurs principales sources d’interactions, d’information, d’apprentissage et d’inspiration.
Dans cet environnement d’opportunités mais d’influences et de risques, la frontière entre faits et opinions, vérités et mensonges, savoir et mythe, s’efface. La désinformation, la propagande et les fausses nouvelles deviennent alors des outils puissants de manipulation, d’extrémisme, d’inculture, de déstabilisation, utilisés à des fins politiques, idéologiques, économiques, ou simplement par goût du sensationnel. Les élèves, souvent peu éduqués ou formés à l’analyse critique de l’information et d’autres contenus médiatiques, se retrouvent vulnérables ou victimes face à ces contenus. Des théories complotistes aux manipulations historiques, au suivisme aveugle, en passant par des récits révisionnistes, la capacité de discernement devient un enjeu crucial pour le système éducatif malien et la stabilité de la nation.
Selon le Rapport des Etats Généraux de l’Education (2024), le taux brut de scolarisation au premier cycle de l’Enseignement fondamental 1 est estimé à 79,9% dont 79,4% pour les filles et 80,3% pour les garçons. Dans l’ensemble, le taux net de scolarisation au fondamental 1 est passé de 58,5% en 2022 à 63,1% en 2023. Le taux brut de scolarisation au second cycle de l’Enseignement fondamental s’élève à 58,3% en 2022 contre 56,2% en 2023.
Depuis des années, la propagande, la désinformation et les fausses nouvelles se sont infiltrées dans les discours publics, accessibles dans les zones les plus reculées grâce à l’internet et aux réseaux sociaux. L’éducation nationale n’est pas épargnée, elle est menacée aujourd’hui par ces nouvelles armes. L’Unesco a mis en place des directives sur l’Education aux Médias et à l’Information (EMI) qui visent à doter les jeunes de compétences critiques ; à développer en eux des compétences numériques afin de leur permettre d’analyser de manière critique les informations qu’ils reçoivent en ligne et d’améliorer la participation citoyenne.
Koumba Coulibaly est fact-checkeure ou vérificatrice des faits. Pour elle, « ces nouvelles armes sont une menace pour l’éducation nationale. Elles peuvent détourner les valeurs éducatives, créer des tensions dans les écoles et affecter la santé mentale des élèves. Les fausses nouvelles peuvent rendre l’environnement scolaire hostile et nuire à l’apprentissage. Elles peuvent également influencer l’opinion des élèves et éroder la confiance envers les enseignants et les institutions éducatives. De plus dans un pays comme le Mali, où l’accès à des sources fiables est limité, cela aggrave les inégalités en matière d’éducation. ».
Monsieur Niangaly, également fact-chekeur ajoute que la désinformation en milieu éducatif est une affaire de tous, les élèves n’ont aucune notion des médias encore moins leur fonctionnement.
L’Education aux médias et à l’information dans les manuels éducatifs au Mali
Des enseignants se disent favorables à un programme d’éducation aux médias en milieu scolaire. Mohamed Attaher, enseignant à l’Ecole de Journalisme et des Sciences de la Communication de Bamako (EJSC), confie que les apprenants ont besoin de cette éducation. « Les apprenants ont besoin de connaitre la différence entre l’information et la communication, l’importance de l’info sur la formation de l’opinion publique. L’éducation aux médias me paraît une chose importante pour faire comprendre aux publics les vrais enjeux de l’information et de la communication. La désinformation est un phénomène qui touche tous les secteurs et les segments de la société. Il faut l’intégrer, et aussi des manuels pour sensibiliser sur la désinformation et son inconvénient sur la formation de l’opinion publique. En milieu éducatif, la désinformation sur les réseaux peut induire les étudiants en erreur. Ces derniers n’arrivent pas à faire la différence entre la véracité des faits et l’effet d’une désinformation. En milieux scolaires, on rencontre du tout ; des discours de haine à l’incitation à la violence. Si l’éducation aux médias est intégrée dans les manuels, cela pourrait véritablement sauver plus d’un ».
L’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans les manuels scolaires est urgente. Dans la mesure où elle peut être un bouclier pour contrer la désinformation en milieu éducatif, à développer l’esprit critique et apprendre aux élèves à adopter les bonnes pratiques en ligne pour se protéger et analyser les informations qu’ils consomment. Koumba Coulibaly affirme que l’introduction de l’EMI dans les manuels scolaires est bénéfique : « il est important d’introduire la lutte contre la désinformation dans les manuels scolaires. Ceci pourrait aider les élèves à développer leur esprit critique et leur apprendre à vérifier les faits. En les sensibilisant à ces enjeux, nous les préparons à devenir des citoyens informés et responsables », explique Koumba Coulibaly.
Renforcement des compétences transversales chez les élèves
L’éducation aux médias et à l’information constitue une réponse urgente et appropriée pour lutter contre la désinformation, la propagande et les fausses nouvelles à l’école. « L’EMI permettra de renforcer chez les élèves les compétences transversales, indispensables pour se repérer dans un monde où les vecteurs de la formation et de la communication se multiplient. En milieu éducatif, la mésinformation, la désinformation et l’information malveillante sont plus fréquentes dans notre milieu. Et pour les contrer, il faut enseigner les bonnes pratiques en matière de recherches sur internet en milieu éducatif. Et ces bonnes pratiques consistent à identifier une source, la pertinence d’un contenu, distinguer les différentes sources journalistiques sont un moyen de lutter », souligne Soumeila Hamma Maïga, enseignant au niveau fondamental.
La prolifération des fausses nouvelles, qu’elles soient diffusées en ligne ou dans un espace public, ne constitue pas seulement une dérive médiatique, souligne Mahamane Mariko, juriste. « Elles représentent une véritable atteinte aux principes fondamentaux inscrits dans la Constitution. En portant atteinte à la dignité, à l’honneur et à l’intégrité morale des individus. La désinformation viole le caractère sacré et inviolable de la personne humaine, un fondement essentiel de notre Constitution », précise-t-il.
Oumou Fofana
Cet article est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali
Source : Mali Tribune