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AES-UEMOA : rupture inévitable ?

La journée du 11 juillet 2025 restera gravée comme un jalon majeur dans la recomposition géopolitique de l’Afrique de l’Ouest.

Les représentants du Burkina Faso, du Mali et du Niger, unis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont orchestré un départ retentissant de la 2e session ordinaire du Conseil des Ministres de l’UEMOA. La raison de ce geste fort : le refus catégorique de désigner le Burkina Faso à la présidence tournante de l’institution, une prérogative pourtant clairement établie par l’article 11 du traité de l’UEMOA.

Cette obstruction, jugée purement politique et dénuée de tout fondement légal, a creusé un peu plus le fossé déjà béant entre l’AES et les instances ouest-africaines. Perçu comme une humiliation et un acte de défiance inacceptable, cet événement pourrait bien précipiter la sortie des trois États de l’UEMOA, à l’image de leur retrait historique de la CEDEAO en janvier dernier. Le signal est sans équivoque : l’AES rejette toute tentative d’exclusion et entend affirmer sa souveraineté avec détermination, y compris sur le terrain monétaire. Le blocage de la candidature burkinabè est interprété comme un véritable casus belli : un déni de légitimité, une exclusion voilée, et un refus catégorique d’évolution d’un système hérité. En réponse, l’AES semble désormais prête à enclencher une sortie coordonnée de l’UEMOA, couplée à la création rapide d’une monnaie propre, au nom de la dignité monétaire et de l’indépendance économique.

Alors que la confrontation avec l’UEMOA atteignait son paroxysme, l’AES a simultanément démontré sa capacité à bâtir ses propres structures d’intégration. Ce même vendredi 11 juillet, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Chef de l’État du Niger, a accueilli en visioconférence la 8e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Autorité de Développement Intégré du Liptako-Gourma (ALG). À ses côtés, le Capitaine Ibrahim Traoré, Président du Faso, Chef de l’État du Burkina Faso, et le Général d’Armée Assimi Goïta, Président de la Transition, Chef de l’État de la République du Mali et Président en exercice de la Confédération des États du Sahel (AES) ont pris part à cette rencontre cruciale. Cette participation simultanée à l’ALG souligne la stratégie de l’AES de renforcer les partenariats régionaux qui s’alignent avec ses propres ambitions d’intégration et de souveraineté, potentiellement en dehors des structures jugées hostiles ou inefficaces. La session s’est tenue dans un contexte où les trois États, après la signature de la Charte du Liptako-Gourma instituant l’AES le 16 septembre 2023, ont formalisé la création de la Confédération des États du Sahel (AES) le 6 juillet 2024 à Niamey.

Ambition commune

Le point principal à l’ordre du jour de cette 8ᵉ session était la transformation de l’ALG en une véritable Agence d’Exécution des projets et programmes de développement, ainsi que son intégration complète dans l’architecture institutionnelle de la Confédération AES, conformément aux conclusions du Conseil des Ministres du 24 mai 2025 à Bamako. Les interventions des trois chefs d’État ont convergé vers cette ambition commune. Le Président Abdourahamane Tiani (Niger) a affirmé la nécessité urgente de réviser le statut de l’Autorité du Liptako-Gourma (ALG) pour l’aligner sur les objectifs de la Confédération AES. Il a proposé que l’ALG devienne une Agence d’Exécution des projets, permettant la capitalisation des acquis en matière de développement et de coopération transfrontalière, une meilleure proximité des actions avec les populations locales, et une refondation institutionnelle fondée sur un développement endogène et souverainiste. De son côté, le Président Ibrahim Traoré (Burkina Faso) a salué cette vision de transformation de l’ALG comme un outil d’intégration régionale dans le cadre de l’AES. Il a insisté sur le rôle stratégique des projets intégrateurs communs pour une croissance harmonieuse du Sahel, soulignant l’importance de sortir du modèle dépendant des financements extérieurs en misant sur les ressources locales et la solidarité régionale. Enfin, le Président Assimi Goïta a réitéré son engagement pour l’efficacité et l’efficience opérationnelle des institutions du Sahel. Il a appelé à l’harmonisation des politiques sectorielles entre les pays membres et à la création de synergies durables entre la Confédération AES et l’expertise accumulée par l’ALG, prônant une gouvernance fondée sur la transparence, la responsabilité et le pragmatisme institutionnel. Cette réforme, saluée par l’ensemble des chefs d’État, vise à intégrer pleinement l’ALG dans la nouvelle architecture institutionnelle de l’AES pour renforcer l’efficacité, la proximité avec les populations, et la cohérence stratégique. Elle incarne le nouveau paradigme souverainiste, fondé sur un développement endogène, solidaire et piloté depuis la région sahélienne.

Vers une sortie coordonnée de l’UEMOA ?

Au-delà des tensions institutionnelles, la question du Franc CFA demeure un enjeu central. Les pays de l’AES, toujours arrimés à une monnaie héritée d’un cadre colonial, contestent de plus en plus ouvertement la tutelle monétaire française. Malgré des réformes récentes, jugées largement cosmétiques – comme la suppression du dépôt obligatoire des réserves au Trésor français – la garantie illimitée de convertibilité offerte par la France est désormais perçue non comme un avantage, mais comme un frein majeur à leur autonomie économique et à leur pleine souveraineté. Le blocage institutionnel survenu à Lomé agit comme un véritable catalyseur. Il semble désormais inéluctable qu’une sortie coordonnée de l’UEMOA se dessine, ouvrant la voie à une rupture monétaire. Ce qui était jusqu’ici une perspective lointaine devient aujourd’hui une quasi-certitude, un horizon tangible pour l’AES.

Les discussions internes au sein de l’AES s’intensifient autour d’un projet de monnaie souveraine régionale. Pour que cette démarche soit crédible et viable, plusieurs conditions devront être impérativement réunies : la constitution de réserves de change suffisantes pour garantir la stabilité et la crédibilité de la future devise ; l’établissement d’une autorité monétaire régionale véritablement indépendante, capable de piloter une politique monétaire adaptée aux besoins spécifiques du Sahel, loin de toute influence extérieure ; la mise en place de protocoles de convergence économique stricts entre les États membres, assurant une discipline budgétaire et financière nécessaire à la solidité de la monnaie ; et enfin, une adhésion populaire forte, fondée sur une communication claire et un rejet assumé du franc CFA, perçu comme un vestige d’une époque révolue. Certes, une telle transition, à défaut d’être parfaitement maîtrisée, exposera les États de l’AES à des risques de volatilité monétaire, de repli commercial, voire de tensions inflationnistes. Mais le message est unanime et sans appel : les pays de l’Alliance semblent prêts à payer ce prix pour leur souveraineté retrouvée et leur pleine émancipation économique.

Le départ fracassant du Conseil des Ministres de l’UEMOA ne se limite pas à un simple désaccord protocolaire. Il symbolise une volonté manifeste et irréversible de désengagement vis-à-vis d’un cadre institutionnel jugé injuste, exclusif et inadapté aux ambitions souverainistes de l’AES. Le monde observe avec attention, tandis que le Sahel, avec audace, redéfinit les règles du jeu géopolitique et économique de la région. L’AES incarne une Afrique qui prend son destin en main, avec la construction de ses propres institutions et la quête d’une souveraineté monétaire comme leviers de développement et de solidarité panafricaine.

Khaly-Moustapha LEYE

Source: L’Aube

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