Il est nécessaire de construire un dialogue et de modifier, sur la base d’études, les pratiques socioculturelles qui vont à l’encontre de l’égalité entre les femmes et les hommes
L’air du temps impose aux hommes de changer leur comportement à l’égard des femmes. C’est le préalable pour la valoriser, la préparer à occuper, en toute justice, la place qu’elle mérite dans la société. En effet, la femme a été longtemps rabaissée dans la société. Les femmes n’avaient pas droit à la parole dans les conseils de famille. Elles ne sont toujours pas représentées dans les conseils de village. Leur taux de scolarisation est faible. Elles n’accèdent pas à certains privilèges accordés seulement aux hommes. Et pourtant, depuis la nuit des temps dans toutes les communautés de notre pays, les valeurs culturelles et religieuses considèrent la femme comme le socle de la société . La vie est impossible au foyer conjugal sans des épouses dociles, respectueuses à l’égard des maris .
La cuisine est le territoire réservé de la maîtresse de maison. Elle est la première responsable de la santé des enfants. Elle veille sur l’hygiène et l’assainissement au foyer. Les femmes au village, comme dans la ville, tiennent dans leurs mains la vie de tout le monde. L’injustice est patente. Les femmes sont bloquées au second plan dans l’activité socio-économique. Et pourtant, elles sont les piliers incontestés du foyer. L’autorité de prendre les décisions concernant la vie dans la famille est réservée aux hommes. Les épouses n’ayant pas droit à la parole sont considérées comme des bonnes au foyer. Elles sont privées de tous les droits que les hommes obtiennent dès leur maturité. Cette mentalité doit changer. La femme malienne doit recouvrer sa vraie valeur. Elle doit avoir une place dans tous les secteurs de production de la vie nationale.
La loi protège les maliennes. Les femmes représentent plus de la moitié de la population. Leur rôle est inestimable dans le développement des ménages et du pays. Les femmes sont unanimes sur le fait qu’elles n’occupent pas encore la place qu’elles méritent. Mais elles sont conscientes que le changement ne s’acquiert pas par des slogans. Une étape significative serait accomplie si le Mali mettait en application les différentes lois votées en faveur de la femme pour instaurer l’égalité genre. La situation des droits de la femme en Afrique, notamment au Mali, a évolué pendant les dernières années. L’existence de la loi reconnaissant les droits des femmes est un premier pas vers un changement de mentalité. Mais ce texte tarde à entrer en vigueur. C’est pourquoi, de nombreuses associations féminines luttent pour une mise en œuvre effective des droits accordés à la femme malienne.
Mme Djilla Abibatou Nagnouma Traoré est conseillère municipale en Commune III du district de Bamako. Elle est maire déléguée au centre principal. Elle est aussi présidente du Réseau des jeunes Femmes leaders des partis politiques et des Organisations de la société civile (REJEFPO). Cette militante des droits des femmes, est convaincue que la population est consciente du rôle éminent que la femme joue dans notre pays. Le leadership politique fera réaliser un bond qualitatif, dans toutes les localités urbaines et villageoises, en respectant toutes les lois prônant l’égalité genre. Des progrès significatifs sont réalisés au Mali. Les femmes sont-elles recrutées à hauteur de souhait dans les structures de l’état? Même si certaines sont ministres, députées, médecins, officiers dans les Forces armées et de sécurité, chefs d’entreprise. Malheureusement en ville comme dans le monde rural, l’épanouissement des femmes n’est-il pas limité ? . “Il faudra changer de mentalité pour faire progresser les conditions des femmes”, insiste Mme Djilla Abibatou Nagnouma Traoré
Renforcement des capacités. Cette militante de l’autonomisation de toutes les Maliennes confie que telle est la mission du “Réseau des jeunes femmes leaders des Partis politiques et des Organisations de la société civile”. Cette structure organise des activités sur le renforcement des capacités sur le leadership transformationnel. Elle déroule des programmes de coaching sur le personnel. Les femmes prennent alors conscience de l’importance de leur implication dans le développement, tant dans les domaines professionnels que dans la vie quotidienne. Mme Djilla Abibatou Nagnouma Traoré a rappelé que « nous devons nous donner la main pour travailler ensemble pour être efficaces ». Les femmes unies réaliseront des résultats notables. L’approche intégrale sera facilitée pour prendre en compte globalement les besoins des hommes et des femmes.
Il est nécessaire de mettre l’accent sur le renforcement des capacités des femmes, par rapport à des thématiques spécifiques. Elles initieront des activités lucratives. Elles comprendront mieux leur environnement et seront aptes à exploiter le potentiel économique qu’il recèle dans le domaine de l’entreprenariat, la santé et l’éducation. La femme active est ambitieuse. Elle se pose quotidiennement cette question : « qu’est-ce que je dois faire pour accomplir mon rôle de femme dans le foyer et dans la société ? ». La réponse de toutes les femmes à cette question révèle sa capacité à diagnostiquer et analyser correctement les problèmes qui ralentissent son épanouissement socio- économique. Il incombe aux responsables politiques et gouvernementaux de former et d’informer les femmes. Elles seront efficaces dans tous les domaines de l’entreprenariat féminin.
Le chef de section suivi évaluation à la direction nationale de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Sékou Cissé affirme qu’il est difficile de comparer la Malienne de 1960 à celle de 2019. L’écart est grand entre elles. Les progrès sont réels dans le domaine de l’égalité des chances et de droits. Les femmes participent activement à la vie publique et sont présentes dans tous les secteurs d’activité et de développement.
Les efforts consentis par le département de la Femme ont été couronnés de succès, affirme Sékou Cissé. La loi 052 du 18 décembre 2015, est relative à la promotion du genre. La loi nationale contre les Violence basées sur le genre (VBG) soulage les femmes des tourments nés de l’injustice masculine. Désormais, les groupements et associations maliennes de femmes sont dotés en équipements et matériels de production. Leurs capacités sont renforcées à travers des sessions de formation sur les différentes thématiques. Les acquis de ces changements sont perceptibles au niveau de l’égalité des chances et de droits. Le droit et la promotion des femmes constituent de nos jours une préoccupation universelle. Il est au cœur des sessions de l’Assemblée des Nations unies et de plusieurs rencontres internationales. La Politique nationale genre du Mali (PNG-Mali) prône l’égalité des genres. à compétences égales, les chances doivent être égales entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs d’activité, et dans la distribution des promotions.
Politique nationale genre. L’expert en questions genre, M. Cheikna Siby reconnaît que la Politique nationale du genre du Mali ( PNG-Mali ) prend appui sur un ensemble de fondements d’ordre juridique, politique, socioéconomique et socioculturel. La PNG-Mali tire sa légitimité d’un ensemble d’instruments juridiques nationaux, internationaux et africains. Au niveau national, la Constitution du Mali du 25 février 1992 garantit les mêmes droits aux citoyens des deux sexes sans discrimination. Elle proclame dans son préambule la défense des droits de la femme et de l’enfant, la diversité culturelle et linguistique de la communauté nationale.
La Constitution malienne garantit les droits et les libertés sans discrimination, ainsi que la séparation et la diversification des pouvoirs pour préserver l’État de droit. Le préambule de la Constitution affirme la souscription du Peuple souverain à la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Le principe de primauté des droits universels sur les lois nationales est affirmé dans la Constitution. Ainsi, l’article 116 de la Constitution accorde aux traités et accords internationaux dûment ratifiés et publiés une force obligatoire supérieure à celle des lois nationales.
Outre ses fondements juridiques, la PNG-Mali constitue un instrument cadre pour accélérer la mise en oeuvre des engagements politiques .
Lors de son investiture, le président de la République, précisait dans son discours que « L’amélioration de la condition de la femme restera toujours un indicateur du Mali nouveau que nous sommes en train de bâtir… Je n’oublie pas non plus la nécessité pour notre société de leur assurer tous leurs droits ».
La Déclaration de politique générale (DPG) reconnaît que « les femmes ont une place essentielle dans la société du fait de leur contribution au processus de croissance et de développement du Mali ».
La Déclaration vient préciser les engagements annoncés dans la lettre de cadrage : « Le gouvernement veillera à une meilleure implication des femmes dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, à leur accès accru aux postes nominatifs et électifs et à leur promotion économique. » Cet engagement mérite d’être replacé dans le contexte et la philosophie de cette Déclaration. L’accent est mis sur un Mali émergeant par la consolidation de la démocratie, l’émergence d’une citoyenneté active, la poursuite des grandes réformes basées sur le concept de « renouveau de l’action publique » impliquant un changement de mentalité. Ces principes offrent un cadre favorable à l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la gouvernance et les réformes. Les secteurs prioritaires identifiés sont autant de leviers pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces secteurs sont : la santé, l’éducation, l’eau, l’agriculture, la justice, la décentralisation, la réforme budgétaire, la réforme de l’État.
La politique de développement institutionnel offre des opportunités réelles pour renforcer la prise en compte du genre dans la réforme de l’État. Les cinq (5) axes de la réforme offrent des perspectives à considérer dans la Politique nationale genre du Mali. Ces piliers sont : la restructuration des institutions et mécanismes en charge du dossier genre au sein du gouvernement, l’accès des femmes aux emplois de la fonction publique, l’accès aux postes de responsabilité, la prise en compte du genre dans la décentralisation, la prise en compte des besoins et intérêts des femmes et des hommes dans les services aux usagers. Le Mali a adopté certains Instruments internationaux et régionaux dans la lutte contre les VBG. Ce sont la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le protocole à la Charte relatif aux droits des femmes en Afrique, la Charte africaine de la jeunesse et le Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique (NEPAD), les Objectifs pour le développement durable (ODD). Outre ces lois, il existe des barrières socio-culturelles et économiques. Elles pèsent sur l’épanouissement des femmes. Ces écueils sont les réalités culturelles maliennes négatives que constituent le mépris des femmes, la soumission des femmes, la supériorité des hommes par rapport aux femmes, la jalousie des hommes, la marginalisation des femmes, l’analphabétisme, la pauvreté des communautés, le manque d’activités économiques pour les femmes. Il est temps de s’attaquer aux normes socio-culturelles paralysantes afin de renverser la tendance.
Point de droits sans devoirs. Les religions ont donné sa juste valeur à la femme. Selon l’Abbé Jean Baptiste Dembélé, la Bible enseigne que l’homme et la femme sont créés à l’image de Dieu. Ils sont « égaux en droits » et « en devoirs ». La seule différence est celle liée à la fonction de procréation : « multipliez-vous et remplissez la Terre ». Seule cette fonction de procréation crée une différence entre l’homme et la femme. Ainsi, Dieu a créé l’homme pour être père et la femme pour être mère. L’homme seul, de par sa nature, ne peut pas engendrer et la femme non plus ne peut être génitrice. Cet ordre a été établi par Dieu lui-même dès la création du monde. Cette différence de fonction est appelée « vocation ».
Et ces droits et devoirs sont orientés vers le bon fonctionnement de la famille humaine ou de la communauté. Le rôle de la femme n’est ni moindre ni inférieur, mais simplement différent de celui de l’homme. Ainsi il n’est point de droits sans devoirs, ni de devoirs sans droits. « Parler de supériorité et d’infériorité revient à parler d’inégalité, c’est-à -dire d’une différence de nature ou de valeur.
Cela n’est écrit nulle part dans la Bible et n’est pas non plus enseigné dans la Foi de l’église », a indiqué l’Abbé Jean Baptiste Dembélé. L’imam Seydi Malick Diallo a dit que tous les hommes sont nés égaux et ont les mêmes droits. Il a déclaré que l’islam ne possède pas un statut ou un ensemble de droits de la femme bien défini. L’islam considère le témoignage de la femme comme l’équivalent de la moitié de celui de l’homme.
Fatoumata NAPHO