Au cœur du conflit malgré elles, les femmes peuvent jouer un rôle actif dans le processus de réconciliation en participant pleinement aux débats
Qui est mieux placée qu’une épouse, une mère, une sœur pour sensibiliser et véhiculer le message de paix et de réconciliation dans un pays de post crise comme le nôtre ? Les femmes d’une manière générale ont un rôle décisif dans la promotion de la tolérance et de la non-violence. Pourtant malgré le fait qu’elles soient les premières victimes de la crise qui a secoué notre pays, les Maliennes attendent toujours d’avoir voix au chapitre dans les négociations pour le retour définitif de la paix dans notre pays. Démarrée en juillet dernier à Alger sous la médiation algérienne, la première phase des pourparlers inter-maliens a été sanctionnée par une feuille de route consensuelle balisant la voie des négociations proprement dites. La délégation malienne d’une cinquantaine de personnes était conduite dans la capitale algérienne par le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop. Le seul hic était qu’elle ne comportait que 2 femmes : le maire de Goundam, Mme Seck Oumou Sall et la coordinatrice de l’ONG GREFFA, Mme Fatoumata Touré de Gao. Les deux étaient présentes en tant qu’expertes et membres de la commission du haut représentant du chef de l’Etat pour le dialogue inclusif. Face à cette sous-représentativité des femmes au processus de paix, les Maliennes se sont regroupées au sein d’une plate forme pour revendiquer leur droit le plus absolu à savoir : la présence massive des femmes à Alger. Les Maliennes, depuis le début de la crise, sont restées actives à la fois pour une gestion rapide de la crise et pour dénoncer les violences faites aux femmes. Elles n’étaient pas moins debout tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour la défense de l’intégrité territoriale, la réconciliation et la restauration de la paix. Le genre dans la prévention des conflits. Vice-présidente du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires du Mali (REFAMP/Mali), Mme Maïga Sina Damba fait également partie de la plate forme des femmes leaders mise en place pour revendiquer une forte implication des femmes au processus de la paix enclenché dans notre pays. Elle explique qu’il importe de prendre en compte le rôle particulier des femmes dans les stratégies de sortie de crise aux plans local et national. Car, dit-elle, en tant qu’épouses, mères et sœurs, elles ont une aptitude particulière à conseiller et convaincre les hommes et les enfants à aller à la réconciliation et à la paix. A ce titre, les femmes demeurent un des leviers incontestables pour le renforcement de la paix durable, de la stabilité et du relèvement socio-économique. Comment comprendre leur mise à l’écart de ce processus alors qu’elles sont aptes à jouer pleinement leur participation de qualité au processus de la paix ? «L’après crise est toujours difficile à gérer. Les femmes se donnent ce rôle qui leur est naturellement dédié », soutient Mme Maïga Sina Damba. Il faut rappeler que la relation entre la femme et la prévention, la gestion et la résolution de conflits est au centre des attentions, surtout depuis la mise en place du programme des Nations Unies sur la femme, la paix et la sécurité avec l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Depuis, de nombreuses résolutions de l’instance suprême de l’ONU ont mis l’accent sur le besoin de promouvoir la participation des femmes dans les processus de paix et souligné le devoir d’en finir avec la violence sexuelle comme arme de guerre. Le discours est construit. Cependant force est de reconnaître que presque quinze ans après l’adoption de la résolution 1325, incorporer une perspective de genre dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits reste un défi dans notre pays. En admettant que la femme est un agent de transformation sociale, elle est capable de mettre en marche de nouvelles dynamiques qui servent à lutter contre les causes profondes des conflits. Ce sont donc elles qui peuvent soutenir le mieux les actions de prévention et de consolidation de la paix à long terme. L’une des deux femmes présentes en Alger pour la première phase des pourparlers, Mme Seck Oumou Sall assure que les femmes ont été brillamment représentées. Elle a même eu à donner aux différents groupes armés sur place à Alger le communiqué des femmes leaders du Mali qui les incitaient à cesser toutes les hostilités. Le maire de Goundam estime que les femmes et les enfants ont beaucoup pesé lors de ce conflit surtout à Kidal. Cette couche a été manipulée pour manifester contre la visite des autorités dans cette partie du Mali.
Par conséquent, le gouvernement doit accorder une place de choix aux femmes aux pourparlers avec cependant des missions bien déterminées. Il s’agit principalement de la médiation, le socle de la paix. Accord de paix et de stabilité en vue. Notre interlocutrice trouve qu’il n’y a pas mieux que les femmes pour une bonne médiation, car elles sont naturellement médiatrices. Qui est mieux placée qu’une femme pour apaiser les esprits et favoriser les retrouvailles et l’attente ? Selon elle, les femmes n’ont plus rien à prouver, car au moment où leurs maris, enfants, et frères s’entretuaient, elles se sont rassemblées pour la réconciliation et le retour de la paix. Cependant, explique Mme Seck Oumou Sall, au delà de leur implication par le gouvernement, les femmes doivent prendre des initiatives, surtout anticiper pour prévenir les conflits sinon leur aggravation. Dans cette optique, elle préconise que les femmes travaillent en synergie. Cela permettra de les mettre non seulement en valeur, mais de mettre en valeur les résultats obtenus. Elle est d’accord qu’on implique les femmes en leur donnant des responsabilités spécifiques et les moyens de travailler pour la paix. Cependant, souligne-t-elle, il faut un suivi rigoureux. Lors de leur rencontre aussi bien avec le haut représentant du chef de l’Etat pour le dialogue inclusif, Modibo Keïta et le Premier ministre Moussa Mara, les femmes ont entendu que si cette première phase était destinée à baliser les contours de la négociation, la seconde phase qui se profile à l’horizon donnera lieu à des discussions sur des sujets de fond et la troisième phase fixée en octobre prochain finalisera les travaux en dotant notre pays d’un accord de paix et de stabilité. Dans les deux dernières phases, a expliqué le chef du gouvernement, toutes les composantes de la population seront impliquées. Aux femmes, il expliquera que participer au processus de paix ne veut pas dire être forcément autour de la table des négociations. Selon Moussa Mara, le gros du travail reste à venir car, dira-t-il, une chose est de conclure les accords et une autre est leur application. C’est justement, là où les femmes seront sollicitées pour mieux sensibiliser et informer les populations. Le chef du gouvernement a assuré que c’est un nouveau Mali qui sortira de ces négociations. Il y aura donc beaucoup de changements qui nécessiteront forcément l’implication des femmes pour mieux favoriser cette vaste transition pour notre pays.
Mariam A. TRAORE
source : essor