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Procès Fily Sissoko : le grand déballage

Suspendu depuis le 2 juin 2025 dans un climat de vives tensions, le procès de Mme Bouaré Fily Sissoko, ex-ministre de l’Économie et des Finances sous le régime du feu Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a repris ce mardi 3 juin 2025 devant la Cour d’assises spéciale, au Tribunal de Grande Instance de la Commune III de Bamako.
Un procès emblématique, où s’entrelacent enjeux judiciaires, responsabilités politiques et malaise persistant autour de la gestion des ressources publiques maliennes.

Une reprise sous haute surveillance judiciaire

Bamada.net-Prévue initialement à 9h00, l’audience n’a démarré qu’à 10h53, après l’arrivée de l’accusée, transportée en ambulance. Bien que son état de santé ait été jugé préoccupant lors des précédentes audiences, Mme Bouaré Fily Sissoko est apparue ce jour-là dans une forme relativement stable, vêtue de blanc, assistée par un médecin et soutenue par un dispositif médical discret.
Ce contexte humanisé n’a en rien diminué la solennité des débats : la salle était pleine, sous le regard attentif d’observateurs, journalistes et membres du barreau.

Respect scrupuleux des garanties procédurales

La séance s’est ouverte sous la présidence du magistrat en chef. Après l’identification des parties, la Cour a procédé à la lecture exhaustive de l’arrêt de renvoi, un exercice fastidieux mais nécessaire, révélant l’ampleur et la complexité des griefs portés à l’encontre de l’ancienne ministre.
Durant près d’une heure, le ministère public a rappelé les faits : gestion controversée du marché de l’aéronef présidentiel et anomalies dans la passation des marchés d’équipements militaires.

Avant d’entrer dans le vif des débats, Mme Bouaré Fily Sissoko a sollicité des aménagements d’audience au regard de son état de santé : pauses régulières, possibilité de prendre ses médicaments, et limitation de la durée des interventions. La Cour, soucieuse de garantir une défense équitable et digne, a accédé à ces demandes, rappelant l’importance des droits de la défense dans toute procédure judiciaire.

Deux volets d’accusation au cœur du procès

1. L’acquisition litigieuse de l’aéronef présidentiel

Premier grand axe du dossier : un contrat de plus de 21 milliards de FCFA, conclu en 2013, pour l’achat d’un avion de commandement destiné à renforcer la logistique présidentielle.
Le ministère public dénonce une série de manquements graves : absence de procédure budgétaire conforme, contournement du Code des marchés publics, absence d’immatriculation de l’aéronef sur le territoire malien, et existence de surcoûts non justifiés en raison d’une chaîne opaque d’intermédiaires.

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Face à ces accusations, Mme Bouaré Fily Sissoko a maintenu une ligne de défense claire : elle affirme avoir agi sous l’autorité de l’exécutif, en l’occurrence le Premier ministre de l’époque, M. Oumar Tatam Ly, et le Président de la République. Elle a insisté sur le fait que les contrôles administratifs avaient été respectés a posteriori et que les ordonnancements étaient légitimés par des instructions formelles. « Je n’ai jamais voulu contourner la loi ; j’ai respecté les cadres en vigueur et les protocoles signés en amont », a-t-elle martelé.

2. Le marché controversé des équipements militaires

Le second volet concerne un marché de 69 milliards de FCFA, relatif à la fourniture d’équipements militaires en 2013, confié à la société Guo Star.
Ici aussi, les griefs sont lourds : signataire non habilité (M. Sidi Mohamed Kagnassy), absence de contrôle financier, livraison partielle (écart estimé à 39 milliards de FCFA entre les montants facturés et ceux effectivement livrés), déficit de traçabilité, et recours illégal à des exonérations fiscales.

Mme Sissoko, lors de sa déposition, a soutenu qu’elle n’était pas impliquée dans la phase de négociation du contrat, mais qu’elle avait validé les décaissements sur la base de documents transmis par la Présidence et le ministère de la Défense. Elle a rappelé que l’Assemblée nationale avait validé le recours à l’emprunt pour le financement de ces opérations, ce qui garantissait leur conformité aux règles budgétaires.
Avec une franchise notable, elle a toutefois concédé : « Certaines procédures n’étaient pas assez bien structurées. J’aurais souhaité davantage de rigueur au sommet de l’État ».

Une défense solide et cohérente

Tout au long de cette première journée, Mme Bouaré Fily Sissoko a adopté une posture de coopération pleine avec la justice, répétant qu’elle n’avait jamais cherché à fuir ses responsabilités. Elle a même rappelé qu’elle avait sollicité en personne l’ouverture du procès.
Sa stratégie repose sur trois arguments essentiels : l’absence d’intention frauduleuse, le respect des procédures administratives existantes au moment des faits, et la pression politique exercée sur les services techniques lors de la gestion des marchés sensibles.

Un contre-interrogatoire exigeant

Le ministère public, déterminé à faire la lumière sur les responsabilités individuelles, a mené un contre-interrogatoire serré.
Les magistrats ont insisté sur les zones d’ombre concernant les circuits financiers, les intermédiaires rémunérés et les lacunes du contrôle a posteriori. Plusieurs interrogations subsistent : qui a donné les instructions précises ? Pourquoi certains documents clés manquent-ils au dossier ? Pourquoi l’État malien a-t-il validé certains paiements en l’absence de livraisons conformes ?

La Cour a suspendu l’audience à 17h00, annonçant la reprise ce mercredi 4 juin à 9h30. L’examen détaillé des documents comptables et l’audition de témoins clés seront au cœur de cette nouvelle phase.

Au-delà du cas individuel, un procès révélateur de failles systémiques

Au-delà de la responsabilité personnelle de Mme Bouaré Fily Sissoko, ce procès met crûment en lumière les dysfonctionnements chroniques de la gouvernance publique au Mali :

  • Confusion des rôles entre acteurs politiques et administratifs ;

  • Procédures budgétaires souvent contournées ;

  • Manque de transparence dans les contrats sensibles ;

  • Faible traçabilité de l’argent public.

Ce cas illustre aussi la tension permanente entre la gestion rigoureuse des finances publiques et les réalités politiques dans un État confronté à l’urgence sécuritaire.

Une justice sous les projecteurs

Dans ce contexte, la justice malienne joue une partition délicate : garantir les droits de la défense tout en répondant à une forte demande sociale de redevabilité. La sérénité des débats et le respect scrupuleux des procédures démontrent la volonté des magistrats de restaurer la confiance dans l’institution judiciaire.

Ce procès, hautement symbolique, dépasse ainsi le simple cadre d’une affaire individuelle : il interroge notre conception même de l’éthique publique et du respect de l’État de droit.

À suivre…

L’audience de ce mercredi s’annonce déterminante. Témoins et experts comptables devraient apporter un éclairage précieux. La Cour devra, in fine, départager les responsabilités, dans le respect de la présomption d’innocence.
Le procès de Mme Bouaré Fily Sissoko restera, quoi qu’il advienne, un tournant majeur dans la lutte contre l’impunité au Mali.

Bamada.net continuera de vous informer pas à pas sur ce dossier aux enjeux politiques, économiques et moraux considérables.

 

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 BEH COULIBALY

 

Source: Bamada.net

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