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Poursuivi pour trouble à l’ordre public et atteinte au crédit de l’État : La face cachée de l’affaire Kaou N’Djim

Le quatrième vice-président du CNT sera doublement fixé sur son sort cette semaine, dans l’affaire qui l’oppose au ministère public et qui est à la fois au cœur d’un examen à huis-clos de son cas par ses collègues de l’organe législatif de Transition. Inculpé pour des faits vaseux de flagrant délit d’atteinte au crédit de l’Etat, le président de l’ACRT pourrait avoir fait les frais de son indélicatesse d’avoir mis en exergue une facette gênante des autorités actuelles : la remise en cause de leur légitimité.

Issa Kaou N’Djim, l’un des tête pensantes des tombeurs d’IBK et non moins 4e vice-président du Conseil national de transition (CNT, le Parlement de transition), a été interpellé le 26 octobre par la brigade d’investigation judiciaire du camp I sur instruction du procureur du tribunal de grande instance  de la commune IV.

Qu’a dit Kaou Djim…

En effet, via son canal de communication favori, les réseaux sociaux, en l’occurrence Facebook, le président de ACRT Faso Kawele s’en est violemment pris au Premier ministre Choguel K Maïga, suite à l’expulsion du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly. En effet, soupçonné de mener des activités qui ne sont pas compatibles avec sa mission, M. Boly a été déclaré «persona non grata» au Mali par les plus hautes autorités maliennes qui avaient demandé à la CEDEAO de nommer une autre personne respectueuse des limites de son mandat.

Tout en jugeant la position du Mali «irresponsable», Issa Kaou Djim a qualifié Choguel «d’incompétent» et incapable de conjurer l’insécurité et la vie chère. Selon lui, le PM est dans la diversion pour cacher son incompétence. Comme pour se joindre au cadre de veille sur la réussite de la transition, M. Djim a appelé toutes les forces vives de la nation à s’opposer au bras de fer contre la CEDEAO, qui selon lui conduirait le Mali à l’abime. «Quand la CEDEAO  et l’UEMOA vont fermer les robinets, le Mali ne tiendra pas une semaine et personne n’est prêt à oublier son salaire», a-t-il martelé en rappeler à Choguel qu’il n’est que Premier ministre de la rue au même titre que lui. Kaou Djim a également professé des leçons de droit en expliquant que les autorités actuelles ne peuvent pas prendre la décision de retirer le Mali de la Cedeao. Dans le protocole additif de cette organisation que le Mali a signé, rappelle-t-il, seuls les présidents démocratiquement élus peuvent, une année après en avoir fait la demande, de sortir des instances et organes de la Cedeao. «On n’a pas fini avec la crise sécuritaire, il veut nous embourber dans une crise diplomatique avec des pays qui peuvent nous tenir en 24 heures», a relevé Kaou Djim.

Sur le débat de la prorogation de la transition, Kaou Djim a proposé au chef de l’Etat de remercier Choguel et de miser sur un PM plus rassembleur.

Pour ces propos qualifiés de subversifs, entre autres, Kaou Djim a été inculpé pour «troubles à l’ordre public et atteinte au crédit de l’État et à ses institutions. Il a été ainsi présenté devant le juge, selon une procédure de flagrant délit, le 29 octobre, après avoir passé une nuit au camp I

Dans la salle d’audience pleine à craquer, on pouvait entendre les mots survoler :«Reconnaissez-vous les faits ? », interroge la présidente du Tribunal de grande instance de la commune IV, Diarra Fatoumata Sidibé. « Non ! », rétorque l’accusé avec vigueur. C’est dans ces entrefaites que le procureur de la République est monté au créneau. Pour lui, Kaou N’Djim sort régulièrement pour s’attaquer aux institutions de la République malienne, notamment au Premier ministre Choguel Maïga, avant d’en conclure par ceci : «Vous contribuez à déstabiliser le pays».

A la barre, le quatrième vice-président du Conseil national de transition (CNT) qui s’est présenté comme un patriote, s’est employé à contester en martelant à deux reprises son amour du pays.

Prenant la parole, l’un de ses avocats, en l’occurrence Me Kassoum Tapo, a reproché au parquet de mêler «le droit et la politique». Tout en évoquant l’immunité parlementaire de son client, il a demandé au parquet de ne pas confondre délit de cybercriminalité et délit de presse. Ce que son client a fait, selon lui, est la liberté d’expression, non poursuivable en République du Mali»

En attendant la délibération prévue pour le 03 décembre, Kaou Djim qui risque un emprisonnement ferme allant de trois mois à deux ans est retourné à Bamako-Coura, sa demande de mise en liberté ayant été rejeté par le tribunal.

La facette invisible de l’affaire

C’est le 03 décembre prochain, en principe qu’Issa Kaou Djim sera fixé sur son sort dans l’affaire qui l’oppose au ministère public. L’interpellation et l’inculpation de l’ancien coordinateur de la CMAS, au mépris de son immunité de membre de l’organe législatif de la Transition, repose sur la qualification de flagrant délit que le procureur de la Commune IV a donné aux déclarations foudroyantes que l’expulsion de l’ambassadeur Hamidou Bolly, le représentant spécial de la Commission de la Cedeao au Mali, a inspirées à l’accusé. Issa Kaou Djim a notamment jugé la démarche aussi audacieuse que les sorties précédentes du PM qu’il avait de tout temps perçues comme un défi à la communauté internationale. Ce faisant, es qualité parlementaire, il pourrait se trouver tout simplement dans sa vocation naturelle de contrôle de l’action gouvernementale normalement dévolue à ses mission et fonctions de législateur. Sauf que par-delà les piques lancées au PM Choguel Maïga, qu’il avait d’ailleurs si souvent titillé sans coup férir, la récente sortie semble avoir dépassé le seuil du franchissable. Selon toute vraisemblance, en effet, son insistance sur le degré de légitimité du pouvoir actuel ne pouvait agréer les plus hautes autorités de Transition qu’il prétend défendre, tout en mettant sous les projecteurs les gênantes questions de leur accession au pouvoir par des voies inappropriées. Une posture qui n’a visiblement rien à envier aux allusions d’Emmanuel Macron sur des autorités issues de deux coups d’État.

L’indélicatesse coupable – et peut-être impardonnable – du quatrième vice-président du CNT pourrait ainsi résider dans son audace de ressasser à l’envi qu’une autorité non-élue n’est habilitée à retirer le Mali de la communauté ouest-africaine. Cette nuance sur la légitimité et l’étendue du pouvoir de la Transition n’est probablement pas étrangère aux ennuis judiciaires de l’ancien homme fort du M5-RFP.

Les partis politiques dénoncent…

L’ARP, la Codem, le Parena ainsi que l’ACRT FASO KA WELE de Kaou Djim lui-même ont dénoncé l’arrestation de Issa Kaou Djim. Si pour la Codem de Housseïni Amion Guindo, cette interpellation participe d’une «dérive totalitaire qui remet en cause les sacrifices consentis en mars 1991», il s’agit, aux yeux du Parena de Tiébilé Dramé, d’une atteinte grave à la liberté d’expression au Mali et d’un crime attentatoire à une des libertés fondamentales conquises de haute lutte. «Au rythme où va la justice sélective dans notre pays, un grand nuage plane désormais sur notre démocratie», a déclaré le Parena. L’ACRT, après avoir qualifié le procès d’«hors normes en dehors de toutes procédures», a déploré la détention de son président pour avoir exercé son droit constitutionnel à la liberté d’expression et d’opinion, et d’avoir dit que le Mali ne peut vivre en autarcie. Et surtout d’avoir dénoncé la politique de diversion du gouvernement, cachée derrière les discours populistes et démagogiques pour justifier son manque de résultats vis -à -vis des missions de la transition.

Quid au décret de sa nomination au CNT…

En plus de l’immunité parlementaire dont bénéficient les membres du CNT, aux termes de l’article 44 de leur règlement intérieur, l’avenir de Kaou Djim au CNT fait débat. D’aucuns s’interrogent, en effet, s’il ne sera pas tout simplement remercié. Rien ne parait plus sûr, à en juger par la convocation d’une plénière à huis-clos pour aujourd’hui lundi aux fins de mettre en place une commission ad hoc appelée à se pencher sur le cas Kaou Djim. Il s’agit de la procédure prévue dans les règlements intérieurs de l’organe aux fins de sanctionner ou de radier un des membres de l’organe législatif.

Sauf que la place d’un Kaou Djim, qui a fait réputation des propos du même genre, n’est pas dans la rue.

Amidou Keita

Source: Le Témoin

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