Le plus dur reste à faire pour Nicolas Sarkozy, désormais revenu dans l’arène politique, entre son camp toujours divisé, une gauche qui l’attend au tournant des affaires et des Français pas majoritairement convaincus de l’opportunité de son retour.
Premier au sein de l’exécutif à réagir à la fin de ce vrai-faux suspense, le Premier ministre Manuel Valls s’est attaché à banaliser ce retour, qui ne change “rien” à la vie politique et “n’apparaît en rien comme une surprise”.
“Moi, j’ai en charge le gouvernement de la France, et pas l’avenir de l’UMP”, a-t-il lâché en marge d’un déplacement à Paris à l’occasion des Journées du Patrimoine.
Dans son message à ses “chers amis” posté vendredi sur Facebook et Twitter, l’ex-président, 59 ans, ne cite jamais le nom de l’UMP, se contentant d’évoquer sa “famille politique”.
Rassembler cette “famille” abîmée par le duel mortifère Copé-Fillon pour son leadership et par un désastre financier aggravé par l’affaire Bygmalion est son premier défi.
Après un 20H00 dimanche soir sur France 2, le premier meeting du désormais candidat est programmé jeudi 18H00 à Lambersart (Nord). Déjà, le PS local s’est étranglé dans un communiqué: “les masques tombent”, en allusion à cette ville plutôt huppée.
Mais “ça se passera dans un quartier populaire, au milieu des tours et des barres”, a répondu à l’AFP l’ex-ministre Marc-Philippe Daubresse, maire UMP de cette commune, qui a aussi souligné que la maison natale de Charles de Gaulle est “à un kilomètre à vol d’oiseau”.
Très clairement, l’ex-chef de l’Etat se projette au-delà du scrutin du 29 novembre – il y affrontera les ex-ministres Hervé Mariton et Bruno Le Maire – où lui est promise, selon tous les sondages, une large victoire. Il dessine déjà les contours d’un parti à venir, dépassant les frontières de l’Union pour un mouvement populaire, créée en 2002 et qu’il présida de 2004 à 2007.
Son appel à un vaste rassemblement, adressé “à tous les Français sans aucun esprit partisan, dépassant les clivages traditionnels”, peut-il entraîner son propre camp ? Selon un sondage Opinionway-le Figaro, 80% des électeurs de droite souhaitent qu’il se positionne comme il y a deux ans, ou même encore plus à droite.
Le parti actuel tourne au ralenti, géré provisoirement par un triumvirat dont les membres s’occupent d’abord de leur propre destin : Jean-Pierre Raffarin vise la présidence du Sénat, François Fillon et Alain Juppé ont l??il rivé sur 2017.
– ‘L’anti-sarkozysme existe encore’ –
Selon les statuts actuels du parti, un membre de la direction de l’UMP voulant participer aux primaires élyséennes (inscrites dans ces statuts), se doit de démissionner 15 jours avant le dépôt des candidatures.
Que restera-t-il de ces dispositions une fois que Nicolas Sarkozy -qui semblait s’être résigné à ces primaires- aura chamboulé “de fond en comble” le mouvement, comme il en a l’intention?
Son principal concurrent Alain Juppé, désormais personnalité politique préférée des Français, l’a déjà mis en garde: “Je vais faire attention à l’engagement à organiser des primaires ouvertes”.
Comme si le retour de Nicolas Sarkozy constituait à ses yeux un non-événement, François Fillon a réservé son seul commentaire de la journée de vendredi aux… frappes militaires françaises en Irak. Le député filloniste Serge Grouard a chargé à sa place: “Il n’y a dans le pays ni nostalgie, ni désir de Nicolas Sarkozy (…) Le retour de l’île d’Elbe et les Cent jours risquent fort de se terminer à Sainte-Hélène. Mais après Waterloo”, a-t-il lâché. A l’inverse, des anciens ministres et ténors UMP saluent le retour d’un “chef”.
La gauche est déjà sur le pied de guerre, brandissant deux armes: d’abord le bilan du quinquennat écoulé, mis en pièces par François Hollande lors de sa conférence de presse. “Bilan-boulet”, résume Jean-Christophe Cambadélis (PS). Autre front anti-Sarkozy: les affaires judiciaires. Il sera “un bagnard médiatique”, avait prédit en août le député proche de Marine Le Pen, Gilbert Collard.
Et les Français, qui l’avaient élu à plus de 53% en 2007 et l’ont évincé de l’Elysée en 2012 (48,37%), que veulent-ils aujourd’hui ?
Selon un sondage Ifop/Sud Ouest Dimanche, ils lui reconnaissent (à 52%) l’étoffe d’un président. Mais l’image de M. Sarkozy s’est dégradée depuis un an, avec notamment 29% seulement qui l’estiment “honnête”.
L’ancien président paye sans doute sa triple mise en examen notamment pour corruption active.
Au-delà de ces dossiers judiciaires, “plus il s’éloigne du c?ur de l’électorat militant, moins il convainc”, souligne le politologue Jean-Daniel Lévy à l’AFP. “Pour l’instant, il n’a pas réussi à reconquérir les Français avec notamment un peuple de droite incertain et des sympathisants de gauche rebutés par les affaires judiciaires”.
“L’anti-sarkozysme existe encore”, relève cet expert.