L’enceinte de la Justice de paix à compétence étendue de Ouélessébougou, une localité située à 75 km de Bamako, a été le théâtre d’une véritable scène de pugilat le mardi dernier, dans la soirée. Dans le bureau du Juge de paix à compétence étendue de Ouélessébougou, transformé pour la circonstance en ring, s’affrontaient deux personnalités de la République hors du commun: l’honorable député, Bourama Tidiane Traoré, élu RPM dans la circonscription de Ouélessébougou, et le juge de ladite juridiction, Amadou Bocar Touré dit Diadié.
Après des échanges de coups de poing et des blessures départ et d’autre, l’honorable Bourama Tidiane Traoré a été arrêté, puis placé sous mandat de dépôt à la gendarmerie du camp I de Bamako sur instruction du Procureur Général près la Cour d’appel de Bamako. Il nous revient de sources sûres que c’est le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mohamed Aly Bathily, qui aurait ordonné au Procureur général, Daniel Tessougué, de faire arrêter l’honorable Bourama Tidiane Traoré et de le placer sous mandat de dépôt au camp I de Bamako. Selon les mêmes sources, l’immunité parlementaire de ce député du parti présidentiel ne saurait le couvrir d’autant plus qu’il est poursuivi sur la base du flagrant délit. Le commandant de Brigade de la Gendarmerie de Ouélessébougou qui, il faut le rappeler, est un Officier de police judiciaire, l’a arrêté dans la Cour même de la Justice de paix à compétence étendue de Ouélessébougou, au moment où il avait le nez et la bouche ensanglantés. Pour en savoir un peu plus sur cette rocambolesque affaire, nous nous sommes rendus à Ouélessébougou, où on a rencontré le juge Amadou Bocar Touré dit Diadié.
Les faits
Selon le Juge de paix à compétence étendue de Ouélessébougou, c’est vers la descente, après le départ de la Greffière, du Secrétaire de greffe et des stagiaires et en l’absence de son garde rapproché, que l’honorable Bourama Tidiane Traoré s’est présenté à son bureau. A la question de savoir quel était l’objet de sa visite, le député lui a dit qu’il était venu s’enquérir du dossier de Bananzolé. Et d’ajouter qu’il insistait pour connaitre ce dossier dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale.
En réaction, le juge lui a dit qu’il n’est pas le gouvernement et qu’il n’est qu’un Juge qui ne fait que son travail. «Je n’ai pas de compte à vous rendre. Ce dossier n’a pas été encore vidé. Le rapport d’expert a été fait et toutes les parties ont adhéré au contenu du rapport. Comme c’est une affaire foncière, j’ai demandé la comparution du chef de village de Bananzolé et de ses Conseillers à l’audience du 4 décembre prochain», tiendra cependant à expliquer le Juge à son interlocuteur.
Toute chose que l’honorable député Bourama Tidiane Traoré aurait rejetée d’un revers de la main, en disant au juge Amadou Bocar Touré qu’il n’est pas d’accord avec sa démarche d’autant plus que l’un des conseillers du chef de village n’est pas neutre. «Ce que je veux, dira-t-il, c’est de trancher ce litige en faveur du demandeur, Siaka Traoré, qui n’est qu’un pauvre cultivateur. C’est moi qui lui ai payé tous les frais de procédure. J’attends donc que vous tranchiez en sa faveur».
Une demande que le juge refusa poliment en lui faisant savoir que cette affaire est une affaire coutumière qui ne peut être vidée qu’après une investigation approfondie auprès des autorités coutumières de Bananzolé, à savoir le chef de village et ses conseillers. En outre, il aurait ajouté que dans ce dossier, lui, juge, ne peut rien décider seul, car étant assisté par des assesseurs dont la présence est obligatoire dans les affaires foncières et coutumières.
Des explications qui ont apparemment provoqué la colère de l’honorable député Bourama Tidiane Traoré qui fera savoir au Juge de paix que c’est lui qui a fait partir son prédécesseur, qu’il est député du RPM à Ouélessébougou, donc membre influent du parti présidentiel et qu’ici à Ouélessébougou, personne ne peut rien contre lui.
Ce, à quoi le juge a répliqué en disant que, n’étant pas partie au procès, il est venu pour l’intimider et l’influencer jusque dans son bureau. Un crime de lèse-majesté que le juge n’aurait pas dû commettre, car dans la foulée, l’honorable Bourama Tidiane Traoré a commencé à le traiter de tous les pêchés d’Israël en le couvrant d’insultes et en le rouant de coups de points.
Les traces de ces violences sont encore visibles au poignet et au cou du Juge Diadié dont le bureau a été mis sens dessus dessous. Et malgré l’intervention du Commandant de Brigade de la gendarmerie de Ouélessébougou, l’honorable député a continué a appelé ses amis de Bamako en leur disant que le Juge l’a insulté et frappé. En outre, il a voulu faire soulever les populations de Ouélessébougou contre le Juge de paix à compétence étendue.
Mais, lors de notre passage à Ouélessébougou, on a pu remarquer la présence des autorités administratives, politiques et coutumières aux côtés du Juge. Le Sous-préfet, Modibo Diarra; l’envoyé spécial du chef de village, Daba Samaké et le 2ème adjoint au Maire de Ouélessébougou, Broulaye Doumbia, sont venus apporter toute leur solidarité et leur soutien au Juge.
Nous avons appris de sources sûres aussi qu’une pétition signée de tous les Maires de Ouélessébougou aurait été déposée au niveau de la mairie pour affirmer tout leur soutien à leur juge, Amadou Bocar Touré.
Les populations conviennent qu’il ne s’agit en effet ni plus ni moins que des interventions intempestives, des intimidations et une tentative de corruption imputables à l’honorable Bourama Tidiane Traoré.
L’affaire qui a tout provoqué
C’est une affaire de réclamation de parcelle opposant le sieur Siaka Traoré, cultivateur demeurant à Bananzolé aux sieurs Lamine, Karamoko et Mamadou, tous Traoré, demeurant à Bamako. Un dossier que l’actuel Juge de paix, Amadou Bocar Touré, a hérité de son prédécesseur, Dramane Diarra. Ce dernier, en son temps, avait sollicité une expertise sur le champ objet de contestation. A l’arrivée de M. Touré, le rapport de l’expert a été déposé, dont une copie a été remise à toutes les parties conformément aux textes.
Le Juge de paix a alors invité les parties à lui faire parvenir leurs observations sur ledit rapport. Tous, à l’unanimité, ont déclaré adhérer à son contenu lors de l’audience du mercredi 20 novembre, à la barre.
Pour que le tribunal soit éclairé davantage, le Président de la Justice de paix à compétence étendue de Ouélessébougou a sollicité, avec le concours des assesseurs, la comparution du chef de village de Bananzolé et ses conseillers de venir à l’audience du 4 décembre 2014. Un temps apparemment trop long pour l’honorable député Bourama Tidiane Traoré qui a décidé de vider le contentieux à sa manière.
Quel sort pénal pour l’honorable Député Bourama Tidiane Traoré
C’est le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako qui a été désigné pour diligenter cette procédure de flagrance. Selon nos sources, le dossier devait normalement revenir au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako.
Mais, il se trouve que Amadou Bocar Touré, la victime et partie au procès, a été pendant trois ans substitut de l’actuel Procureur de la commune III en commune II. Pour éviter donc que cette affinité n’influence sur la suite du procès, Daniel Tessougué a jugé bon de confier le dossier au Tribunal de grande instance de la Commune VI du district de Bamako.
L’autre élément qu’il faut retenir est que l’honorable député, Bourama Tidiane Traoré, ne peut pas user de son immunité parlementaire pour justifier son acte. Il va comparaitre comme un simple justiciable d’autant plus qu’il a été pris en flagrant délit. Il risque donc d’écoper d’une lourde peine pour avoir agressé un juge dans l’exercice de sa fonction et jusque dans son bureau. On peut même parler de violation grave de domicile car le Juge de Paix loge dans la cour du Tribunal.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, depuis son incarcération, l’honorable député est rattrapé par ses affaires du Congo Démocratique où il réside habituellement. En effet, ses partenaires chinois au Congo Démocratique viennent de déposer une plainte contre lui au Mali. Une plainte qui a été enregistrée au niveau de l’Assemblée nationale du Mali.
Le Port autonome de Brazzaville aurait aussi déposé une plainte contre lui pour des engagements non tenus. A en croire que notre milliardaire député n’est pas blanc comme neige.
Birama FALL
Source: Le Prétoire