La mission canadienne au Mali, qui débutera le mois prochain, ne comptera que 10 % de soldats québécois. L’armée canadienne n’enverra que 25 membres de bases militaires du Québec, parmi les 250 soldats qui seront déployés dans le petit pays d’Afrique francophone, a appris Le Devoir.
Le Canada avait été sollicité pendant des années pour prêter main-forte à la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, notamment parce qu’il offre l’une des rares armées occidentales comportant des troupes francophones. La contribution canadienne a finalement été confirmée le printemps dernier et la mission se met en branle ces jours-ci. Mais sa composante francophone, elle, n’a pas suivi.
La mission d’un an de soutien aérien à la MINUSMA déploiera deux hélicoptères Chinook et quatre Griffon. Un appareil de rechange de chacun des modèles sera en outre expédié pour assurer la continuité des opérations..
« Le coeur du contingent vient de Petawawa et d’Edmonton », a indiqué au Devoir le major Vincent Bouchard, aux affaires publiques du ministère de la Défense.
La base de Petawawa, en Ontario, fournira environ 70 soldats à la force opérationnelle qui sera dépêchée au Mali. Celle d’Edmonton, en Alberta, en déploiera approximativement 60.
À peine une vingtaine de membres des Forces armées basés à Valcartier les accompagneront en Afrique de l’Ouest, tout comme cinq de leurs collègues de Bagotville. La Défense nationale n’a pas voulu préciser d’où proviendront les 95 autres militaires qui iront au Mali. L’effort sera « national » et le reste du contingent sera formé de poignées de militaires recrutés ici et là, ont simplement indiqué les porte-parole du ministère. Mais ces petits groupes supplémentaires ne seront pas québécois.
L’aviation royale canadienne compte pourtant des escadrons basés au Québec. Les Chinook qui ont été promis à la mission au Mali se trouvent uniquement à la base de Petawawa, mais les Griffon sont répartis sur plusieurs bases militaires, y compris celles de Bagotville, de Valcartier et de Saint-Hubert.
Le quart des 85 appareils Griffon qu’exploite l’aviation canadienne se trouvent en fait au Québec, a confirmé la Défense. Certains de ces hélicoptères ont d’ailleurs été dépêchés en Irak pour servir à l’opération contre le groupe armé État islamique. Les Griffon qui iront au Mali viendront cependant tous d’Edmonton.
La Défense nationale n’a pas su préciser combien de ses militaires qui seront dépêchés à la MINUSMA sont francophones ou bilingues. « Le Canada est fier d’être un pays bilingue, et c’est une des principales raisons pour lesquelles on demande aux Forces armées canadiennes de contribuer aux efforts en cours dans les pays francophones », s’est contentée de dire une porte-parole du secrétaire parlementaire du ministre de la Défense, Jean Rioux. « Nos membres francophones des Forces armées canadiennes offrent un ensemble de compétences cruciales qui représentent un avantage considérable dans des environnements difficiles. »
Francophones espérés
Pourtant, Justin Trudeau avait lui-même soutenu, l’an dernier, que « le Canada a beaucoup à offrir » en évoquant la connaissance du français de certains membres des troupes canadiennes. « Un atout que peu de pays occidentaux ont », avait-il fait valoir, un an avant de confirmer l’envoi d’un contingent canadien au Mali.
Les Nations unies espéraient en outre confier la direction de la MINUSMA à un général canadien francophone. Mais le poste a finalement été offert à un général belge, en mars 2017.
Au moment de confirmer la participation canadienne à la MINUSMA, au mois de mars, le chef d’état-major de la Défense n’avait pas su confirmer combien de soldats québécois seraient dépêchés. « Nous sommes bilingues », avait insisté le général Jonathan Vance, lors d’une entrevue avec Le Devoir au cours de laquelle il avait souvent dû passer à l’anglais. « Je vous assure qu’il y aura une forte représentation de militaires francophones du Canada », avait-il ajouté, en anglais.
L’expert en défense David Perry note cependant que la mission canadienne en sera une de soutien aérien et non pas de travail sur le terrain. L’aviation internationale se discute en anglais et les forces canadiennes devraient peu interagir avec la population malienne, explique cet analyste à l’Institut canadien des affaires mondiales. « Ce n’est pas un impératif. Ça fait simplement sourciller. »
Le directeur du Centre FrancoPaix de la Chaire Raoul-Dandurand, Bruno Charbonneau, abonde dans le même sens et remarque en outre qu’une unité basée au Québec n’est pas nécessairement composée en majorité de Québécois. « Ça n’en fait pas un contingent québécois, en soi. »
Des rotations compliquées
Les deux experts soutiennent aussi que la sélection des composantes d’une mission se fait moins sur une base régionale qu’en en suivant surtout l’ordre préétabli de rotation des effectifs.
« C’est un cycle », résume David Perry. Lorsqu’une unité devient celle qui doit être prête à partir, elle s’assure d’avoir tous les militaires nécessaires, qu’ils sont qualifiés, que les appareils sont opérationnels et que leurs pièces de rechange sont en stock. « Si ce n’est pas à votre tour d’être à “haut niveau de préparation”, vous décochez les cases de la liste rapidement. Et vous ne pouvez pas simplement appuyer sur un bouton pour revenir en arrière. Ce sont des cycles sur plusieurs années. »
Bruno Charbonneau attend cependant de voir si les membres du commandement seront, eux, capables de travailler en français.
Le contingent canadien — qui sera composé par ailleurs à 14 % de femmes — prendra le relais des Allemands pour soutenir cette mission entamée par l’ONU il y a cinq ans. Les troupes assureront des évacuations médicales d’urgence et une surveillance aérienne du territoire en conflit. Les Chinook pourront transporter du personnel et du matériel militaire, tandis que les Griffon leur fourniront une escorte armée. Une rotation du personnel devrait se faire dans six mois.
Un premier groupe de quelques douzaines de militaires a commencé la préparation de la mission sur le terrain au nord du pays, il y a dix jours. Les opérations canadiennes devraient commencer début août. Les ministères de la Défense et des Affaires mondiales feront le point sur la mission jeudi.
Source: ledevoir.com