En tant que partenaire stratégique et conseillère de premier rang, la Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles (CMDT), en demandant aux paysans de cultiver le coton sachant que le prix de vente et celui des intrants ne leur permettent pas de s’en sortir, montre son intension de se sauver seule. Donc, une trahison envers ceux-là pour qui et grâce à qui elle existe.
Sans cotonculteurs, pas de coton ; sans coton, pas de CMDT. Mais sans la CMDT, lescotonculteurs pourraient bel et bien demeurer. Avec comme missions principales : le conseil agricole auprès des producteurs de coton ; la commercialisation primaire du coton graine ; le transport et l’égrenage du coton graine, la CMDT est devenue une structure qui ne se soucie que de la commercialisation et de la vente de la graine et de la fibre de coton à l’intérieur et à extérieur du pays. La rentabilité pour les producteurs n’est plus l’affaire des premiers responsables de ladite compagnie.
Pour la campagne 2020–2021, alors que les prévisions portent sur 800 mille tonnes de coton graine, les responsables de la CMDT choisissent de fermer les yeux sur les inquiétudes des producteurs. Il s’agit de l’augmentation des intrants et la baisse du prix du coton par rapport à celui de l’année dernière (soit 250 F CFA le Kilo contre 275 F CFA). L’attitude de cette structure (CMDT)spécialisée dans le domaine et qui devrait jouer l’intermédiaire entre les paysans et le gouvernement en expliquant objectivement les difficultés de l’heure dans la culture du coton, est devenue plutôt le porte-parole du gouvernement auprès desdits paysans.
Des paysans s’affranchissent !
Dans des zones de production, les paysans commencent à se faire entendre. Même si dans certaines localités les avis restent divers : « On le cultive ! » ; « On ne le cultive pas à 250 FCFA le Kilo », force est de reconnaître que les choses ne sont plus comme avant. Une situation qui obligera visiblement la CMDT à changer de politique.
Joint par téléphone, Bakary Ballo, cotonculteur à N’Gana dans la Commune rurale de Kignan, cercle de Sikasso, nous témoigne : « Il est inadmissible que les prix des intrants augmentent de plus de 7 500 F CFA et que le prix de vente du coton baisse. Cela est contradictoire en matière de commerce. Les gens oublient que les cotonculteurs sont aussi des commerçants. Ils cultivent le coton ; ils utilisent les herbicides, les insecticides et les engrais. Tous les intrants sont soit achetés ou pris à crédit. Donc après la campagne, les paysans sont tenus à rembourser les créanciers et ils prétendent à des bénéfices pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille. C’est la seule manière pour les cotonculteurs de s’en sortir. A quoi bon de faire un commerce qui n’apporte pas de bénéfices.»
Ainsi, les cotonculteurs deviennent de plus en plus unanimes que le prix du coton doit être fixé en tenant compte de ceux des intrants. « C’est le seul moyen de garantir une porte de sortie aux paysans. Parce que l’on a l’impression que les paysans sont les seuls perdants dans cette histoire. Lorsque nous bénéficions de mauvaises graines de coton, ou lorsqu’il y a une mauvaise saison, les autorités ne reviennent jamais sur les prix des intrants. Parce que la CMDT et les autres services nationaux concernés ne veulent pas la perte. Donc, les paysans se trouvent abandonnés à leurs sorts. Nous ne voulons pas continuer à vivre la même situation chaque année. Les choses doivent maintenant changer. Normalement, la CMDT devrait défendre notre cause auprès du gouvernement. Malheureusement, c’est le contraire aujourd’hui. Parce qu’elle nous a abandonnés au profit des autorités », a-t-il ajouté.
Déjà au cours d’une rencontre la semaine derrière à l’Assemblée nationale, Djiguiba dit Anfa Coulibaly, président de la Confédération des sociétés coopératives de producteurs de coton du Mali (CSCPC), a sollicité le maintien du prix de l’année dernière qui était de 275 F CFA et 11.000 F CFA pour le sac d’engrais.
A la même rencontre, Sanoussi Bouya Sylla, vice-président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM), a ajouté que les producteurs ne s’en sortiront que si le prix du coton est fixé à 275 Fcfa. Pour l’heure, les choses restent bloquées. Au même moment, la période propice pour la culture du coton tend vers sa fin.
N’Golo
Source : Ziré