Au total 13 323 pèlerins maliens feront le voyage pour les lieux saints de l’Islam cette année. Si leur nombre est conforme au quota accordé par l’Arabie Saoudite, selon les autorités, le coût du Hadj ne cesse d’augmenter, s’élevant à près de 3 000 000 de francs CFA pour la filière privée. S’il n’est pas considéré comme un luxe par les fidèles musulmans, le voyage à la Mecque est un devoir religieux dont l’accomplissement est lié à la situation économique dans le pays hôte.
La hausse annuelle du coût du pèlerinage est une réalité, particulièrement cette année, où les autorités saoudiennes ont décidé d’une augmentation de 5% de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) sur tous les produits et de celle du prix de l’essence d’environ 130%, explique M. Hamza Moustapha Maïga, Directeur Général de la Maison du Hadj. Des mesures qui se sont répercutées sur les dépenses de transport, de restauration ou encore de logement effectuées par les organismes ou les pays désireux d’envoyer leurs pèlerins à la Mecque.
Estimé à environ 2 850 000 francs CFA pour les pèlerins de la filière privée, le pèlerinage coûte cette année 2 363 000 francs pour ceux de la filière gouvernementale, « grâce aux efforts des autorités », selon les responsables de la Maison du Hadj. Une différence qui s’explique par la prise en charge de certaines vaccinations et de la visite médicale.
S’il peut être jugé élevé par les citoyens ordinaires, ce tarif est jugé « peu cher », par M. Seyni Sana Diarra, un notaire qui s’apprête à effectuer pour la première fois le voyage aux lieux saints. S’estimant « heureux » d’avoir la chance d’effectuer le pèlerinage à 48 ans, il ajoute « nous dépensons de l’argent pour des causes plus futiles », alors qu’il s’agit là d’un devoir que tout musulman se doit d’accomplir s’il en a les moyens.
Des voyageurs sereins malgré tout
Dans la cour de la Maison du Hadj, l’heure est aux préparatifs. Il est presque 10 heures ce 3 août. Les pèlerins du quatrième vol de la filière gouvernementale en direction de la Mecque patientent en attendant leur enregistrement. Sereinement et avec « un sentiment de joie », une voyageuse attend d’être appelée au micro. « C’est ma première fois et j’espère que ça va bien se passer », confie cette médecin qui souhaite garder l’anonymat. De son inscription à maintenant, tout s’est déroulé sans anicroches, se réjouit-t-elle, « seulement, ce sont les horaires qui ne sont pas respectés. On nous a demandé de venir à 7 heures et 30 minutes, mais c’est seulement maintenant que l’on commence à nous appeler », dit-elle, avant d’ajouter, indulgente, que cela peut se comprendre, vu le nombre élevé de pèlerins. C’est aussi « la joie » et le sentiment d’avoir « la chance » qui animent M . Founcha Dembélé, travailleur au service du Trésor effectuant le pèlerinage pour la première fois. Il estime cependant que l’organisation pourrait se parfaire avec une meilleure communication. « J’ai appris l’affichage des listes par un ami. Ils pourraient le faire par voie de presse pour atteindre un large public », suggère t-il.
Alors que c’est l’heure des dernières formalités, la direction de la Maison du Hadj se réjouit des améliorations apportées, même si quelques difficultés d’organisation demeurent. Dans son bureau, à l’étage, Monsieur Hamza Moustapha Maïga, le Directeur Général, nous reçoit entre deux entretiens. Des réglages de dernière minute et encore quelques documents à signer. « Nous avons commencé la campagne pour le pèlerinage 2018 le 19 mars et fermé les inscriptions le 27 juillet. Alors que dans certains pays de la sous-région cela ne dure que 3 semaines ».
Durant ces 4 mois, un guichet unique permettait aux pèlerins d’effectuer toutes leurs démarches au même endroit et dans des délais raccourcis. Gérant plus de 300 agences de voyage, réunies en 42 groupements « pour faciliter le travail », la Maison du Hadj a procédé à la répartition des quotas alloués à chacune d’elle. Une première étape bouclée avec succès, se réjouit le Directeur Général.
A l’instar des autres pays, le Mali a bénéficié du quota accordé par l’Arabie Saoudite, 1 000 pèlerins pour 1 000 000 de musulmans. Par exemple, lorsque la population musulmane était estimée à 10 000 000 de personnes, le pays avait droit à 10 000 pèlerins. Avec l’accroissement démographique, ce nombre a été revu à la hausse et fixé à 13 323 cette année, « grâce aux bonnes relations qu’entretient notre pays avec l’Arabie Saoudite et à l’exemplarité des pèlerins maliens », selon Monsieur Maïga. Car ces dernières années, en raison de certains travaux entrepris par les autorités saoudiennes, « les quotas attribués à tous les pays ont été revus à la baisse », précise-t-il.
Une variété d’acteurs
Pour faire voyager ces milliers de pèlerins, depuis plusieurs années des agences privées de voyage se sont spécialisées. Avec des fortunes diverses, elles participent à l’organisation du Hadj en collaboration avec les autorités.
En regroupement avec une dizaine d’autres agences, Monsieur Babou Bagayoko, responsable de « Bamako voyage », attend le départ d’une vingtaine de pèlerins, après un premier vol de 230. Dans le domaine depuis 2010, il affirme que les principales difficultés rencontrées cette année ont été relatives à l’obtention de la carte NINA, obligatoire pour obtenir un passeport, par les aspirants au pèlerinage.
« La plupart de nos pèlerins viennent de localités éloignées du pays. Ils n’ont souvent aucune pièce d’identité. Il faut donc faire leur inscription au Recensement administratif à vocation d’état-civil (RAVEC) pour récupérer leur carte NINA et ensuite leur passeport ». Des démarches souvent lentes qui ont fait renoncer certains pèlerins à leur voyage cette année, regrette t-il.
Pour anticiper ces difficultés, le gouvernement a demandé cette année aux pèlerins de se procurer un passeport avant toute inscription. « Cette année, les pèlerins eux-mêmes ont effectué les démarches pour obtenir leurs passeports. Une innovation qui a permis à la Maison du Hadj d’éviter les retards accusés l’année dernière et ayant occasionné le départ tardif de plusieurs pèlerins, les candidats ne s’inscrivant qu’une fois leurs passeports obtenus », se félicite M. Maïga.
Mais cette innovation n’occulte pas les autres difficultés rencontrées dans l’organisation. La première étant l’espace trop réduit de la Maison du Hadj, qui ne permet pas aux pèlerins d’accomplir leurs démarches dans le confort.
Un espace trop exigu
La Maison du Hadj dispose de dortoirs pouvant accueillir de 300 à 400 personnes. Les pèlerins qui viennent de l’intérieur du pays peuvent y séjourner avant leur départ. « Une gestion difficile », avoue le Directeur Général, qui ajoute que malgré les efforts consentis en matière d’assainissement des locaux, avec le recrutement d’environ une douzaine de personnes, cet espace n’est pas propre à hauteur de souhait.
L’autre difficulté est relative à l’absence de certains pèlerins de Bamako pour leur enregistrement avant le départ. « Les pèlerins sont enregistrés selon leur ordre d’inscription. Ceux qui ne se présentent pas le jour indiqué sont reportés sur un autre vol, ce qui pose souvent des problèmes d’incompréhension », ajoute le Directeur.
Au titre des changements apportés cette année, les organisateurs du Hadj ont formé les pèlerins pour la première fois dans les régions de Kayes, Sikasso, Ségou et Mopti, l’ambition étant à terme d’organiser les formations dans toutes les régions du Mali, précise Monsieur Maïga. Les pèlerins des deux filières, privée et gouvernementale, bénéficient de cette formation théorique et pratique d’un mois, destinée à les « rassurer », explique le Directeur Général de la maison du Hadj.
A total, 5 vols, dont le dernier est parti ce 7 août, ont amené en Arabie Saoudite les pèlerins de la filière gouvernementale. Ils passeront 8 jours à Médine avant de rejoindre la Mecque.
Journal du mali