La crise politique et sécuritaire qui a frappé notre pays en 2012 et 2013, conduit au coup d’État et à l’occupation des régions du nord par des jihadistes, continue à inspirer nos artistes. Ainsi Mamadou Amadou Kéïta propose, depuis mercredi, une dizaine de toiles aux amateurs au centre Soleil d’Afrique à l’ACI 2000.
Quinze jours durant, Mamadou Amadou Kéïta a travaillé sur le thème « Amour et cohésion sociale » au centre culturel Kôrè de Ségou. Le vernissage de ces oeuvres a attiré de nombreux peintres, photographes et journalistes. La technique utilisée par l’artiste est le collage combiné à la peinture à l’acrylique. Les visiteurs n’ont pas regretté leur déplacement car le plasticien remonte le temps avec de graves problèmes. Ceux du nord mais aussi ceux du quotidien comme ces difficultés environnementales créées, il y a quelques années, par les déchets domestiques qui ont envahi une bonne partie de la ville de Bamako, dans l’œuvre intitulée « Environnement ». Presque toutes les autres toiles expriment ce que l’artiste ressent sur le problème du nord. Dans « Kidal », il espère le retour définitif de cette localité dans le giron malien. Ce qui le conduit à planter le drapeau vert, or et rouge près de la colline à l’entrée de cette ville.
Avec « l’intégrisme », Mamadou A. Kéïta dénonce la propension à penser qu’il faut se servir de l’islam pour détruire un pays, une nation et séparer les populations. A terme, ce genre d’idéologie peut nuire à la religion elle-même. C’est pourquoi figure, dans cette œuvre, la menace que fait peser l’arme terrible qu’est la kalachnikov sur un ensemble que constitue la Kaaba surmontée d’un minaret. Pour l’artiste, l’obscurantisme a toujours fait du mal à travers les âges et à travers le monde.
Mamadou Amadou Kéïta s’essaie également à une ouverture sur l’intégration africaine. « Ouverture » montre ainsi le côté très panafricain de notre pays ouvert à toutes les nationalités du continent. Très peu d’Africains ayant besoin de visa d’entrée ou de séjour au Mali, de nos jours de nombreux ressortissants d’autres pays trouvent refuge sur notre sol. En contrepoint, l’artiste conçoit mal que des pays africains vont jusqu’à instituer des visas pour nos compatriotes qui se rendent chez eux.
Il invoque également la situation des femmes du nord sous l’occupation jihadiste. Ces dernières ont payé un lourd tribut à cette période violente et méritaient un bel hommage. Enfin, avec « le sacrifice », Mamadou A. Kéïta utilise un idéogramme bambara sur la sagesse pour défendre nos valeurs traditionnelles et appeler à préserver nos sociétés actuelles.
Mamadou Amadou Kéïta est, à la fois, peintre, graphiste et sculpteur. Après un cursus à l’Institut national des arts (INA) de Bamako, il poursuit des recherches sur le bogolan et la sculpture. Il a d’abord travaillé au sein de l’atelier de la coopérative Jamana de peinture et d’art plastique. Membre fondateur du Centre soleil d’Afrique, il a réalisé de nombreuses œuvres. Celles-ci sont l’expression d’une recherche approfondie sur les tons où la teinte claire et atténuée considérablement contraste avec la dureté des autres pigments utilisés, explique-t-il.
Il a déjà participé à plusieurs workshops et expositions collectives au Mali, au Nigéria, en France, au Mexique, en Allemagne et au Pays-Bas.
Y. DOUMBIA
source : Essor