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Patrimoine culturel national : Des monuments et sites historiques à l’abandon

Le constat est amer. Certains de ces biens culturels dont la construction a coûté une fortune à l’État, sont complètement délabrés, faute d’entretien.

Le Parc des Sofas représente un événement majeur de notre histoire. Il fait partie de ces biens culturels dont le rôle est d’une importance capitale dans l’éducation des enfants. À ce propos, le président du Conseil international des monuments et des sites (Icomos Mali), Alpha Diop, rappelle opportunément que «nous avons hérité de nos aïeuls, une riche culture et des biens matériels et immatériels inestimables ». Mais étonnamment, la gestion et la défense du patrimoine culturel national ne semble pas être une priorité. C’est pourquoi, plusieurs sites restent sans protection, donc à la merci de la dégradation.
Aujourd’hui, le Parc des Sofas est envahi par des individus qui y ont construit des logements. L’espace non construit est transformé en dépôt d’ordures. Ce site est pourtant très important, car il a abrité la grande bataille historique de Samory Touré contre le colonisateur français.

Selon le chef de la division « Monuments et parcs publics », Seydou Koné, le Parc des Sofas constitue l’un des plus importants sites sur le plan historique. En appui à son propos, il expliquera que c’est à cet endroit qu’a eu lieu la bataille historique de Woyowayanko ayant opposé les troupes de Samory Touré, sous le commandement de Kèmè Birama, à un contingent de l’armée française, sous la conduite de Borgnis Desbordes. Cette grande bataille s’est déroulée entre les monts mandingues et la rivière Woyowayanko, le 12 avril 1883. La bataille tournera en faveur des Français.
Le Parc des Sofas a été érigé en 2001 en vue de commémorer la bataille historique d’avril 1883. Il sera classé patrimoine national par le décret n° 2012/118-RM du 24 février 2012. L’espace consacré à ce site historique couvre une superficie de 15 hectares. Il comporte trois grandes parties : le monument de Kémè Birama, le site de la fosse commune et l’enceinte de l’espace à laquelle le visiteur accède par une grande porte d’entrée.
Le site est situé au bord de la rivière du même nom, entre deux collines, à Koniambougou, Commune rurale de Dogodouma. L’espace est partiellement clôturé. Malgré son rang dans le classement de nos monuments, le Parc des Sofas ne bénéficie pas d’une attention particulière.

INSÉCURITÉ- Ce jour d’avril, il est environ 10 heures du matin quand notre équipe de reportage franchit le portail du site historique. Le constat est amer. Ce site classé patrimoine national est désert. Pas de bureau d’accueil et orientation, pas de guide, encore moins un gardien pour veiller sur le site. La construction de ce joyau a pourtant coûté à l’État des millions de nos francs.


Le site est carrément laissé à l’abandon. À la grande tristesse des voisins. Mme Traoré Oumou Konaté, habite non loin du site. Elle explique que le lieu est devenu un nid de délinquants et de jeunes marginaux qui s’essaient à la musique rapp. Les après-midi, ces artistes en herbe colonisent le lieu pour leurs répétitions. «Cet espace est complètement abandonné. Je ne sais pas pourquoi c’est toujours comme ça», commente Mme Traoré Oumou Konaté.
Le secrétaire général de la mairie de Dogodouman, Lassana Cissé, confirme que le site est aujourd’hui dangereux à cause de l’insécurité. Les malandrins profitent de l’absence d’éclairage public pour écumer l’endroit. C’est pourquoi, explique-t-il, la mairie a autorisé l’installation d’un parc à bétail en contrepartie de l’installation de quelques poteaux électriques pour éclairer la zone. Les bénéficiaires de ce contrat ne payent aucune taxe, mais l’éclairage contribue à la lutte contre l’insécurité. «Après plusieurs attaques mortelles à cet endroit, nous avons plusieurs fois adressé des correspondances au ministère de la Culture pour demander la sécurisation du site. Malheureusement, nos demandes sont restées sans suite», déplore Lassana Cissé.

Le directeur national du patrimoine culturel, Moulaye Coulibaly, reconnaît que le site est confronté à des problèmes. Il révèle qu’il a conçu un programme de sensibilisation pour la mise en valeur du patrimoine culturel. Ce programme sera bientôt mis en œuvre pour relancer les activités sur le site.
Le Parc des Sofas est loin d’être le seul site culturel dans cet état. Plusieurs autres places publiques ou monuments sont en proie au manque d’entretien, de restauration et de valorisation. Cette situation, selon certains spécialistes du patrimoine, est due à la crise multidimensionnelle que connaît notre pays depuis 2012. Les priorités sont sans doute ailleurs. Les soucis sécuritaires accaparent davantage l’attention des pouvoirs publics. Dans ces conditions, les secteurs comme la culture passent forcément au second plan.

RESTITUTION DE L’HISTOIRE- Il importe de rappeler que les monuments et sites historiques ont connu un premier coup dur, dès le début de la crise, avec la destruction des monuments classés patrimoine mondial dans les Régions de Tombouctou et Gao. En plus, la crise va imposer des restrictions budgétaires au détriment des activités culturelles. L’entretien des sites et monuments dans le District de Bamako et l’intérieur du pays va en pâtir. Laissés à l’abandon, les monuments et sites sont à la merci des activités illicites.
Pourtant, ils contribuent à l’embellissement de la ville. Il suffit de voir les attroupements des jeunes mariés autour de certains monuments pour se faire une idée de leur importance aux yeux de la population. Mais ceux qui se précipitent pour aller se prendre en photo sur ces sites, ne lèvent pas le petit doigt pour participer à leur entretien.

Au-delà de l’attraction qu’ils exercent sur la population, ces sites représentent des événements ou des personnages historiques qui ont façonné la vie de notre nation. Les monuments et sites historiques sont là pour montrer aux jeunes générations les faits et les personnages marquants de notre histoire. Le monument de l’Indépendance, le mémorial Modibo Keïta, la Place des martyrs de Thiaroye, le Carré des Martyrs, le monument des martyrs… sont des sites qui enseignent notre histoire. Certains sites rappellent la fibre panafricaniste qui anime notre pays depuis les premières années d’indépendance. Il s’agit de la statue de Kwamé Nkrumah, le père de l’indépendance du Ghana, et de la statue de Patrice Lumumba, le grand panafricaniste congolais. Comment ne pas évoquer le monument qui trône en plein centre de la capitale : le monument aux Héros de l’armée noire, inauguré en 1924, en hommage de la France aux Africains ayant combattu à ses côtés.

On peut dire que la population n’a pas tout à fait tort de réduire les monuments en sites de célébration des événements sociaux comme les mariages, les anniversaires et certaines rencontres amicales. Aucune action pédagogique n’est entreprise pour expliquer aux jeunes le rôle de ces sites dans la restitution de l’histoire. Voilà pourquoi, la jeunesse les utilise seulement pour leur rôle esthétique d’embellissement des images photographiques.
Si plusieurs de nos sites historiques sont transformés en dépôt d’ordures ou nids de délinquants, leur vraie valeur est méconnue de beaucoup de gens. C’est le cas de la statue de Patrick Lumumba. Ce monument historique qui trône au milieu du square portant le même nom, est confronté depuis plusieurs années à un problème de gestion car la stèle ne dispose d’aucune protection. Le jardin est mal entretenu et l’entrée principale de l’espace est transformée en dépôt d’ordures.

Pour Moussa Coulibaly, un jeune charretier (pousse-pousse), c’est un espace pour se reposer et parfois les gens peuvent se soulager en cas de besoin. L’État doit confier la gestion de ces places publiques aux structures privées pour qu’elles puissent les rentabiliser au-delà de leur caractère historique et social, suggère un agent de la Compagnie de circulation routière (CCR) qui officie régulièrement aux carrefours non loin de là. Une idée qui mérite d’être étudiée.

Amadou SOW

Source: Journal l’Essor-Mali

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