« Ce n’est pas une grève en tant que telle, mais un arrêt de travail durant toute la journée de ce mercredi, 3 février 2021 », indique Bemba Traoré, membre du 6e sous-comité du syndicat de transport siégeant à Badalabougou, un quartier de Bamako. À l’entendre, cet arrêt de travail se justifie par une nouvelle décision gouvernementale imposant aux chauffeurs des transporteurs en commun de payer de l’argent lors de chaque passage aux différents péages. « Sur la base d’une décision qu’il avait prise, le gouvernement nous demande de payer de l’argent pour chaque passage aux péages. Auparavant, il suffisait de prendre une seule fois ce ticket pour passer 24H sans être emmerdé par d’autres paiements. Mais maintenant, le gouvernement veut non seulement qu’on prenne le ticket dans tous les péages pour aller déposer les clients à destination, mais aussi, il nous demande de faire la même chose lorsqu’on retourne. Cela est impossible à endurer par les chauffeurs », précise le syndicaliste. Jadis, dit-il, il suffisait d’avoir le ticket d’un péage de Kayes pour conduire jusqu’à Kidal sans autre forme de paiement. Quelques années plus tard, le gouvernement a décentralisé ce système, imposant aux chauffeurs de prendre ce ticket au niveau du poste de péage des communes. Cela n’a pas été un problème, raconte-t-il, mais c’est le fait de payer pour chaque « aller et retour » qui posera énormément de problèmes actuellement. Parce que, avoue Bemba Traoré, on ne peut pas payer ce qu’on ne gagne pas par jour.
Selon lui, les responsables syndicaux ont, le lundi 1er février, tenu une réunion avec toutes les corporations du monde du transport avant cet arrêt de travail. « Au péage, les sotrama paient 1000 F pour passer, les conducteurs de taxi donnent 500F, il y a des gros porteurs qui paient 2500F, d’autres paient 4000F.Imaginez le paiement de cet argent pour chaque aller et retour de celui qui doit faire quatre ou cinq tours par jour », a-t-il exposé, extériorisant ceci : « Nous ne sommes pas d’accord avec ce double paiement des péages, et sommes prêts à aller jusqu’au bout. Si cet arrêt de travail ne suffit pas, on procédera, s’il faut, à des grèves ».
Pour Harouna Konaré, l’adjoint au secrétaire général de la fédération nationale des syndicats et transporteurs routiers, cet arrêt de travail concerne tout le monde, y compris les conducteurs de véhicules personnels. D’après lui, la décision gouvernementale a été prise sans l’association des conducteurs. « Ils ont pris cette décision alors que les chauffeurs, eux-mêmes, ne sont pas informés de la situation. Cet arrêt de travail concerne tous les véhicules de transport en commun de tout le Mali », a-t-il souligné.
Membre de l’association des chauffeurs de taxi de Bamako (A.C.T.B), Amadou Traoré déplore le manque de communication sur ledit arrêt de travail à temps aux taximen. Toute chose qui, selon lui, justifiait la circulation de pas mal de taxis dans la ville pendant le même jour.
Journée sans véhicule de transport en commun, un véritable casse-tête à Bamako
A cause de cette grève, la journée d’hier a été difficile pour les Bamakois. À Bacodjoroni, Kadiatou Coulibaly et Kadia Traoré se rendent tous les jours au grand marché de Bamako (Dabanani) par sotrama pour leurs activités commerciales. « Nous sommes trois à quitter chaque jour à Bacodjicoroni pour le grand marché à partir de 8H du matin. Cet arrêt de travail joue sur nous. Parce qu’au lieu de 8h, nous venons de quitter chez nous à 11H, ce qui veut dire que nous avons déjà enregistré une perte pour cette journée », ont-elles regretté. Par manque de véhicule de transport, Bassidy Sylla, un élève travaillant au grand marché de Bamako que nous avons croisé sur le deuxième pont, avait décidé de traverser le chemin à pied. Cela était pareil pour Boubacar Keita qui dit avoir quitté à pied à Bolibana pour rejoindre Sabalibougou. Une situation marrante, voire un véritable casse-tête selon certains usagers. On voyait des citoyens arrêtés au bord de la route en attendant des véhicules en vain dans presque toutes les intersections sillonnées à cet effet.
Pour la réussite de l’évènement, des apprentis chauffeurs ont procédé à cette occasion, à l’empêchement des motocyclistes transporteurs et des conducteurs de taxi. « Nous n’avons pas été informés de cet arrêt de travail. On paie des recettes, et notre direction ne nous a pas informés », expliquent Mohamed Traoré et Amadou Coulibaly, conducteurs de ‘’Télimani’’ (mototaxi).
Réaction du département des Transports
Dans son communiqué d’hier, le ministère des Infrastructures et des Transports indique que la date de paiement de la redevance prévue pour le 1er février 2021 est repoussée au mercredi 17 de ce mois. Aussi, a-t-il tenu à expliquer que le paiement de la redevance de péage par passage n’est pas propre qu’au Mali. « Le paiement de la redevance de péage par passage procède de l’application d’un arrêté interministériel adopté en conseil des ministres. Ce mode de paiement est pratiqué par les autres pays de l’UEMOA », indique-t-on.
Mamadou Diarra
Source: Journal le Pays- Mali